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Ou l'histoire d'un grand Secret...

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Les Cathares - Rennes-le-Château Archive

La tragédie des Cathares    3/3       
Montségur, ses mystères et ses trésors...

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

 

    Le Grand Sud-Ouest français qui regroupe aujourd’hui l’Aquitaine et l’Occitanie est une région extrêmement riche en patrimoines et en Histoire. Des personnages très célèbres ont forgé sa culture, son passé et ses traditions comme Aliénor d’Aquitaine, duchesse d’Aquitaine et comtesse de Poitiers, Reine de France et d’Angleterre, Napoléon III et ses constructions révolutionnaires à Saint-Jean-de-Luz, Biarritz ou Pau, Henri IV, roi béarnais de France et de Navarre, Henry Russel et sa grotte du Vignemale, Riquet et son exceptionnel Canal du Midi… Le Sud-Ouest possède aussi des trésors comme la grotte de Lascaux, le gouffre de Padirac, la cité médiévale de Carcassonne, le Gers gallo-romain ou la Gascogne et son fameux garde d'Artagnan... La liste est longue...

   Mais le Sud-Ouest a aussi été marqué par des tragédies et l’histoire des Cathares et du catharisme en est une. Entre le Xe et XIIe siècle, une mystérieuse « hérésie » fait son apparition dans le Midi de la France. Son expansion et sa menace sont telles que l'Église catholique est contrainte de mener une guerre pour l'éradication de cette religion. Trois croisades seront menées par le royaume de France, et il s'agit surtout pour le Roi de dominer tout le Languedoc et l'Aquitaine. La lutte contre les Cathares alias les Albigeois s'achèvera officiellement par la chute de la forteresse de Montségur en 1244, mais elle se poursuivra jusqu'au XIVe siècle.

   Q
ui étaient les Cathares ? Pourquoi ont-ils été persécutés ? Pourquoi cet épisode tragique de l'Histoire de France est-il resté si méconnu ? Quels sont les liens subtils avec l'affaire de Rennes-le-Château ? Qu'en est-il de leur prétendu trésor ? De leurs légendes ? Qui était vraiment Déodat Roché ? Les questions ne manquent pas autour de cette page que l'Histoire tente d'oublier et qui demeure pour beaucoup mal comprise.

    D'autant que quelques historiens (1) réfutent aujourd'hui l'existence même des Cathares, prétendant qu'il ne s'agirait que d'un mythe construit sur une absence totale de source historique. Mieux, la chasse à l'hérétique aurait été organisée par le pouvoir royal pour uniquement intervenir brutalement dans le Midi de la France, un pays dissident. Or, il faut savoir que l'Église de Rome a très largement encouragé le déclenchement de la croisade albigeoise, une guerre cruelle qui se termina par l'Inquisition jusqu'en 1321, date à laquelle fut brûlé le dernier Cathare connu...

   Assisterait-on aujourd'hui à une révision de l'Histoire occitane afin d'adoucir quelques rugosités de la chrétienté médiévale ? Voici quelques rappels historiques afin que chacun puisse construire son propre jugement... 

(1) Dans ce contexte, l’Université Paul-Valéry de Montpellier a proposé via son centre d’études médiévales et durant les années 2018-2019, l'exposition "Les Cathares : une idée reçue" qui fut présentée dans plusieurs villes dont Béziers.

 

Sommaire

 

   L'Occitanie, l'hérésie médiévale et l'émergence du catharisme

  La croisade albigeoise et l'Inquisition

   La tragédie de Montségur - Son histoire et ses mystères

 

   La croisade albigeoise cruelle, sanguinaire, injuste et intolérante devait finir par trouver son symbole physique et spirituel. Ce fut fait avec le château de Montségur, une citadelle fortifiée à partir de 1204 par et pour les Cathares.  Ce site perché tel un nid d'aigle sur un pog de l'Ariège devint la capitale de la liberté de conscience, face aux deux plus grandes puissances de son temps, l'Église de Rome et le Roi de France. La tragédie de Montségur se terminera après un siège terrible et les irréductibles Cathares finiront par se jeter dans un gigantesque bûcher le 16 mars 1244. Que reste-t-il aujourd'hui ? Un immense message de tolérance et de nombreux mystères...  
 Cette étude ne se veut pas exhaustive. Si la vérité est impossible à atteindre, l'analyse présentée ici se veut autant que possible objective.

Merci à Michel Roquebert, journaliste à Toulouse, qui consacra une partie de sa vie à nous donner un éclairage précis sur cette page sombre
de notre histoire...

 

Montségur et sa tragédie
De 1206 à 1244 - Le refuge de Montségur

   La résistance cathare n'est plus en sécurité dans les villes et pour échapper à l'Inquisition, le clergé cathare se réfugie sur quelques châteaux pyrénéens, dont celui de Montségur et de Quéribus. En avril 1243, le grand concile de Béziers veut en finir avec cette hérésie qui n'en finit pas et décide la prise du château de Montségur, symbole du refus de l'autorité royale et de l'hérésie.
   La forteresse est impressionnante. Perchée sur un piton rocheux (le pog) dominant de plus de 100 m les sommets voisins, elle semble imprenable. 400 Cathares y ont trouvé refuge et défient avec succès le roi et le pape.

   Sur ordre de Blanche de Castille et de Louis IX, le nouveau sénéchal de Carcassonne Hugues des Arcis et l'archevêque de Narbonne, Pierre Amiel, sont chargés d'assiéger la forteresse. Toutefois, le siège ne se met pas en place immédiatement. Dans les premiers jours du mois de mai 1243, les guetteurs de Montségur voient s'approcher une avant-garde de 10 000 hommes, et lentement cette armée se met en place autour du piton en s'étirant sous la forme d'une ellipse. Seul, le côté oriental marqué par une gorge profonde est évité. Autour du château se dressent des palissades de bois contournant les abîmes et les cabanes des parfaits qui se pressent contre les murailles. C'est là que se réfugient de nombreux diacres cathares et une cinquantaine de parfaites. Montségur ne peut compter désormais que sur ses réserves. À ce moment, le castrum protège environ 200 parfaits et parfaites. Sept Cathares réussiront à échapper au bûcher. Quant aux seigneurs, leurs parents et leurs familles, et la garnison, on dénombre 140 personnes. La garnison est composée d'une quinzaine de chevaliers avec leurs écuyers et d'une centaine de sergents d'armes. D'autres personnes ont également trouvé protection sur la montagne, soit pour des actions d'attentat ou de rébellion, soit du fait de l'Inquisition. En tout, environ 500 hommes, femmes et enfants se trouvent sur ce nid d'aigle qu'est Montségur.
 
   Un long siège du château commence alors et il va durer dix mois, mais Montségur n'est pas isolé. Tout au long du siège, on signale un important va-et-vient entre la citadelle et l'extérieur, et la nuit, des hommes armés conduits par des guides réussissent à traverser les lignes par des sentiers secrets. Il faut dire que les assiégés ont une parfaite connaissance du terrain et il leur est facile de déjouer la vigilance des sentinelles. C'est ainsi que des lettres venant du Languedoc ou d'Italie peuvent parvenir à Montségur.

   Mais ce siège relatif cache une brutalité certaine. Pas moins de 10 000 soldats vont faire pleuvoir des boulets et des pierres sur les murailles. Les remparts fortifiés tiennent bon, et malgré le froid, la faim et les combats meurtriers, les assiégés résistent un an, soutenus par les puissants seigneurs locaux de Foix et de Mirepoix. Compte tenu du faible nombre de combattants à Montségur, leur stratégie est de tenir à l'écart les assiégeants.

 


Le château de Montségur dans l'Ariège, symbole de la fin du catharisme

 

   Malgré l'écrasante supériorité numérique des assaillants, la position de la citadelle interdit les tentatives d'assauts, et seul un siège est envisageable. Pourtant, au début de l'hiver 1243, un fait nouveau va accélérer la chute de Montségur. Hugues des Arcis sait que l'hiver arrivant, son armée va être paralysée et qu'elle aura du mal a reprendre les combats au printemps. Puisqu'une attaque directe du castrum est exclue, il faut prendre pied sur la montagne au point le plus accessible à l'est. Or, au sommet d'un pic qui domine les gorges du Lasset, se trouve une tour bien gardée. C'est le Roc de la Tour et il faut s'en emparer.
   Devant ce terrain abrupt et tourmenté, les assiégeants vont donc faire appel à un corps de montagnards, des Gascons et des Pyrénéens. Le pog de Montségur est un énorme bloc calcaire long d'environ 1 km et d'une largeur variant de 3 à 500 m. Ce bloc s'incline vers l'est formant un plateau couronnant des falaises verticales. C'est là, à 150 m en contrebas du château, que les volontaires experts dans l'escalade vont se rendre maître de ce mont extrême en l'escaladant la nuit. La garnison de la tour est massacrée. Nous sommes en novembre 1243. Un trébuchet est rapidement installé et il commence à expédier sans relâche des boulets de pierre sur la barbacane orientale dite "Tour de l'est".

    Des fouilles archéologiques récentes permettront de retrouver pas moins de 244 boulets taillés dans la pierre, pesant chacun entre 23 et 96 kg. C'est en 1958 que la Société spéléologique de l'Ariège commença l'exploration du site. Et en 1964, le Spéléo-Club de l'Aude se joignit à elle créant le G.R.A.M.E. Groupe de Recherche Archéologique de Montségur et de ses environs.
     Plus d'un millier d'objets ont été retrouvés, pointes de flèche, fibules, ciseaux, silex, poinçons... certains venant du néolithique, de l'époque gallo-romaine et du temps mérovingien, prouvant que le site fut occupé durant plus de 3000 ans...

   Cette petite plate-forme se prolonge à l'est par une crête entourée au Nord, et au Sud par des falaises verticales de plus de 100 m. Autant dire que le siège peut durer encore longtemps. Il faudra encore une fois le courage de quelques volontaires pour escalader de nuit les falaises méridionales sous la crête est. La trahison est la meilleure des armes puisqu'un paysan est parmi eux et révèle l'emplacement d'un passage secret permettant d'atteindre la crête qui mène à la forteresse. Les gardiens de la barbacane sont massacrés, et les Gascons restés en attente s'élancent à leur tour.

   Certaines sources indiquent qu'une tentative fut organisée par Pierre-Roger de Mirepoix pour évacuer de l'or et de l'argent de Montségur, mais on ignore si l'opération échoua. La troupe d'élite cathare se serait-elle perdue dans la nuit au fond de la gorge du Lasset ? A-t-elle pu cacher le dépôt non loin de la citadelle ?

   Durant deux mois encore, l'évêque d'Albi va continuer de marteler avec sa pierrière le château. Il y a aussi la machine de jet du Roi lançant des mitrailles de petits boulets et des grosses pierres allant jusqu'à 90 kg. Un dernier assaut est lancé en février 1244 puis repoussé, et les assiégés sont de plus en plus affaiblis. De plus en plus de chevaliers sont blessés ou morts et il ne reste que 60 combattants. Les vivres deviennent rares et un rationnement est organisé par Pierre-Roger de Mirepoix.

 Le 1er mars, des négociations s'engagent avec le seigneur de Montségur Raymond de Péreille et Pierre-Roger de Mirepoix, commandant militaire. Elles mèneront à la reddition. Fatigués par ce long siège si éprouvant, les assiégeants finissent par accepter les conditions, mais les parfaits et les parfaites connaissent par avance le sort qui leur est réservé. Montségur capitule et une trêve de 15 jours est laissée aux réfugiés pour quitter le château selon les termes suivants :
  La vie des laïcs et des soldats sera épargnée
  Les parfaits qui renient leur foi auront la vie sauve moyennant une confession sincère.
  Une trêve de 15 jours est accordée pour les Cathares qui ne renieront pas leur foi hérétique et ils seront livrés au bûcher.

   Trois otages seront désignés en échange de la trêve. Assiégé depuis presque dix mois au nom du roi de France Louis IX par le sénéchal de Carcassonne Hugues de Arcis et sous l'autorité religieuse de l'archevêque de Narbonne Pierre Amiel, le castrum rend les armes. Des croyants et des croyantes qui avaient participé à la défense du village reçoivent le "consolamentum" juste avant la reddition. Des nobles, des soldats et des mercenaires de la garnison sont libérés. La vie sauve est promise aussi à ceux qui décident d'abjurer leur foi cathare, mais 225 Bons hommes et Bonnes femmes réfugiés dans la citadelle refusent. Parmi eux se trouvent la femme de Raymond de Péreille (Ramon de Perella), Corba de Perella, sa fille, la jeune Esclarmonde de Perella, et sa grand-mère, Marquésia de Lantar ; trois générations qui vécurent le début et la fin d'une croisade absurde, cruelle et intolérante.

   Pourquoi cette trêve de 15 jours ? Était-elle nécessaire pour mettre à l'abri un autre trésor cathare ? Nous verrons que cette pause a son importance, ce qui montre probablement que cette trêve a bien été négociée. Durant ces 15 jours, les Cathares se savent condamnés et se préparent à mourir. Ils rangent leurs affaires, donnent leurs biens et prennent les derniers repas avec leurs familles. Des denrées alimentaires sont distribuées à ceux qui ont la vie sauve. L'évêque Bertrand Marty donne 50 pourpoints que les parfaits ont confectionnés pour les soldats. Des consolament sont donnés à ceux qui le désirent.

   Un dernier épisode épique et mystérieux va alors se produire dans la dernière nuit du 15 au 16 mars. Quatre parfaits vont être cachés sous terre et vont fuir Montségur. Quelle est leur mission ? Récupérer le trésor caché dans une grotte ? Le mystère reste entier.

   Nous sommes le 16 mars 1244 au matin. Une grande fosse a été creusée au pied du château dans une zone relativement plane et on la remplit de bûches. La fosse est entourée d'une palissade, des échelles sont posées sur l'enclos, et on met le feu au bûcher.
Durant la matinée du 16 mars, les condamnés cathares finissent de distribuer tout ce qu'ils possèdent à ceux qui ont la vie sauve, puis ils sont conduits (1) au gigantesque bûcher avec à leur tête l'évêque cathare Bertrand Marty.

Le bûcher hors norme
de Montségur le 16 mars 1244
     Les jeunes sont dissuadés par leurs parents de se joindre à eux. L'un après l'autre, les Cathares grimpent sur les échelles, escaladent le mur de planches et se jettent dans les flammes. Les martyres sont brûlés vifs, les cris et les pleures se font entendre dans toute la contrée et le feu acre durera jusqu'à la nuit tombée. Les blessés sont jetés dans la fournaise avec leur brancard.

   L'histoire locale raconte que certains se jetèrent dans les flammes en chantant, et le drame fut tel que même des soldats de la garnison se sacrifièrent en se jetant dans le brasier pour ne pas abandonner les malheureux parfaits.

  De nombreuses familles de nobles périrent dont Hunaud de Lanta et les Péreille.
(1) Pour certains historiens, le bûcher de Montségur est situé au pied du château, au "Prat dels cramats" ce qui est aujourd'hui largement admis. Pour d'autres, les Cathares auraient été conduits à Bram pour être interrogés par l'Inquisition puis livrés aux flammes, mais aucune trace des interrogatoires n'a été retrouvée... Grâce à l'historien Michel Roquebert, 64 d'entre eux ont pu être identifiés. De plus, une chronique le l'abbaye de Berdoues au diocèse d'Auch confirme bien le lieu du suplice : "au pied de la montagne"

Raymond de Péreille et Pierre-Roger de Mirepoix seront interrogés par les Inquisiteurs et laissés en liberté ce qui permettra de nous laisser de nombreux témoignages.

 

    Une stèle marque aujourd'hui l'endroit du supplice situé dans la prairie appelée "Prat dels Cramats" au pied du pog. Elle fut érigée par la Société contemporaine du souvenir et des études cathares, avec l'inscription : " Als catars, als martirs des pur amor crestian.
16 mars 1244
 
"

   Seuls, quatre Cathares arriveront à s'échapper très mystérieusement dans la nuit du 15 au 16 mars. Que voulaient-ils protéger ? Ont-ils emmené avec eux un trésor de la communauté cathare ? Une relique ? Fallait-il mettre au secret des documents précieux ?
   L'Histoire va retenir cette date comme le marqueur de la fin du catharisme, mais en réalité, la religion dissidente perdurera jusqu'à la fin du XIVe siècle.

La stèle commémorative
au "
Prat dels Cramats
"

 

Après la reddition

   L'Inquisition ne perd pas de temps. Le 10 mars, six jours avant le bûcher, les otages et un soldat, le sergent Pierre Vignol, passent devant le tribunal. Deux inquisiteurs sont chargés de mission : Ferrier, un moine catalan, prieur du couvent des Dominicains de Carcassonne, et Pierre Durand également dominicain. Mais ce n'est qu'un début, car durant les jours qui suivent le bûcher, des dizaines de personnes réfugiées à Montségur et qui ont eu la vie sauve vont subir les interrogatoires et vont avouer avoir été croyant cathare. Ils conserveront leur liberté, mais leurs biens seront confisqués. Les enquêtes continueront même en dehors du castrum sur les habitants des villages voisins.
   
   Le château de Montségur sera ensuite confié à Guy II de Lévis, seigneur de Mirepoix et ancien compagnon de Simon de Montfort. Cet épisode dramatique va désorganiser l'Église cathare et beaucoup de parfaits iront se réfugier en Lombardie, en Sicile et en Catalogne. La chute cathare ne va d'ailleurs pas s'arrêter là puisque les châteaux de Quéribus et de Niort-de-Sault seront pris à leur tour en 1255.

   L'Inquisition restera active encore pendant trois quarts de siècle jusqu'à ce que le catharisme soit complètement éteint. Ainsi disparaît l'une des cultures médiévales les plus raffinées de l'époque, une civilisation occitane imprégnée des mythes chevaleresques, de l'amour courtois et des chants des troubadours.

 


La citadelle de Montségur vue sur sa face nord-ouest

 

La forteresse de Montségur, un château particulier

   Situé dans l'Ariège, le château de Montségur (en latin Mons Securus : "Le Mont Sûr") représente non seulement une mine d'information pour les archéologues, mais aussi il exerce une fascination de par sa situation, son histoire et ses mystères. Le site a généré de nombreux écrits au cours des siècles après la tragédie cathare, et encore aujourd'hui, des études continuent d'alimenter les auteurs et les historiens. Symbole du catharisme, lieu de pèlerinage et de recueillement, forteresse liée au trésor des Cathares, lieu de culte solaire, image de constellation, recherche du Graal par les nazis, les sujets et les légendes autour de Montségur  ne manquent pas...

   Montségur est une commune française de l'Ariège drainée par plusieurs cours d'eau qui fait partie du pays d'Olmes aux paysages extrêmement variés. Les premières traces d'occupation remontent à l'époque de l'Homme de Néandertal, il y a environ 80 000 ans comme en témoignent les grottes du Tuteil et de Caougno. Les Romains y laissèrent aussi des traces puisque des pièces de monnaie et des outils furent retrouvés aux alentours.
   Le village est surtout réputé pour son ancien château dit "cathare", installé sur un nid d'aigle, le pog (podium ou éminence), culminant à 1207 m d'altitude, et classé au titre des Monuments historiques.

Vue aérienne du château de Montségur sur son pog
GPS : 42° 52' 35" Nord   1° 49' 51" Est

 

    Si le château fort est aujourd'hui qualifié de "cathare", l'édifice a connu en réalité trois époques distinctes. Une première forteresse "Montségur I" est indiquée au XIIe siècle et tout indique qu'elle était certainement plus ancienne. Décrite en ruines en 1204, c'est vers 1206 que Raymond de Péreille, seigneur cathare de Montségur, se chargea de reconstruire le château "Montségur II" sur l'emplacement de l'ancien castrum. Cette reconstruction aurait été demandée par deux parfaits, Raymond Blasco et Raymond de Mirepoix, pour pouvoir accueillir l'Église cathare. Cette reconstruction qui s'étala sur plusieurs années correspond à la seconde époque, et il s'agissait de sécuriser et de créer un lieu de séjour pour les Cathares et les faydits. Cette nouvelle fortification et les aménagements autour de la citadelle vécurent jusqu'à sa reddition en 1244.

   Le château fut ensuite partiellement restauré à une troisième époque à la fin du XIIIe siècle, "Montségur III", par la famille du nouveau seigneur des lieux, Guy II de Lévis. Jusqu'à la fin du XVe siècle, le site n'est alors occupé que par une petite garnison et Montségur devient une seigneurie pour les descendants des Levis, mais aucun n'y réside. La forteresse restaurée ne jouera plus aucun rôle, et le traité des Pyrénées au XVIIe siècle lui fera perdre totalement son intérêt stratégique. Le château sera signalé ruiné en 1673 et ce n'est qu'au début du XIXe siècle que l'on s'intéressera à son passé cathare et à ses mystères.

   D'autre part, l'implantation de Montségur est stratégique. Alors que le château de Roquefixade surveillait la route de l'ouest,  et Bélesta celle de l'est, Montségur fermait la route sud du pays d'Olmes.

Le château de Montségur à l'époque cathare tel qu'on l'imagine aujourd'hui
Vue côté nord - Reconstitution

 

    Le castrum, visible au centre de la reconstitution avec son donjon comprenait la demeure du seigneur et de sa famille, Raymond de Péreille, son épouse Corba et leurs enfants. Le village est formé par une multitude de toits, des maisons et des cabanes, et se tenait en dehors du castrum, protégé par un second rempart fortifié principalement installé sur le flanc nord du pog. Ces habitations devaient pouvoir contenir au moins 300 personnes, parfaits, parfaites, membres de la garnison et pèlerins. Le castrum possédait un four à pain, un moulin et des écuries. Le village et ses murailles furent détruits après 1244 et il ne reste plus aucun vestige.

   Le côté Est était protégé par un épais mur servant de bouclier, résistant aux jets de pierres depuis le sommet voisin. Une porte donnant sur le castrum était protégée en avant par une barbacane en arc de cercle s'ouvrant sur la crête de la montagne. Un sentier en forte dénivellation permettait d'atteindre à 800 mètres le Roc de la Tour et un ouvrage défensif, une tour de guet surplombant une falaise de 80 m les gorges du Carroulet et en aval la vallée du Lasset. C'est cette tour qui fut prise par les assaillants basques une nuit de décembre 1243.

   À l'intérieur de l'enceinte de la forteresse, quelques terrasses étaient dressées côtoyant plusieurs habitations reliées entres-elles par des escaliers et des passerelles en bois. À l'extrême nord-ouest, un silo et une citerne de 50 m3 permettaient le stockage des denrées et l'alimentation en eau potable.

   Si Montségur bénéficie d'une situation géographique privilégiée, l'édification des fortifications entreprises par Raymond de Péreille contribua également à la réputation du château qualifié d'imprenable. Pas moins de quatre sièges furent entrepris par les croisés, et seul le dernier eut raison du nid d'aigle...

  1212 - Premier siège et tentative de prise du château par Guy de Montfort
  1213 - Second siège par Simon IV de Montfort, son frère
Juillet 1241 - Troisième siège ordonné par Louis IX et mis en place par Raymond VII de Toulouse. Le siège sera levé sans donner un seul assaut.
Mai 1243 - Quatrième et dernier siège par Hugues des Arcis, sénéchal de Carcassonne qui amènera la reddition.

 



Plan d'ensemble actuel du château de Montségur

 

Et pour se plonger dans une très belle reconstitution 3D
vue de l'intérieur du château de Montségur...



"Reconstitution château 3D en ruine" par Laurent Chanal

 

La vie à Montségur

   Si Montségur abritait une communauté importante de Cathares, la forteresse était aussi une place forte solidement gardée. Entre 1206 et 1244, la cité eut le temps de s'organiser et de développer une véritable vie sociale mêlant spiritualité cathare et système de défense. C'est une longue période de paix où Raymond de Péreille et sa femme menèrent une vie sédentaire et c'est là que leurs enfants naquirent.
   En 1215, le concile de Latran avait déjà considéré le lieu comme hérétique, et en 1229 le château était repéré comme un abri de l'Église cathare prenant de plus en plus d'importance. Montségur accueillait aussi des chevaliers faydits dépossédés de leurs terres par le traité de Meaux en 1229. L'un d'eux se nomme Pierre-Roger de Mirepoix, cousin germain et gendre de Raymond de Péreille, qui deviendra maître militaire de Montségur.
   Il y avait aussi des visiteurs et des pèlerins, car la société cathare était d'une extrême mobilité. Ils vivaient dans des petites maisons dressées en étage autour du château. À la veille du siège, la population se répartissait à peu près de façon égale entre la communauté religieuse (parfaits, parfaites, évêques et diacres) et la communauté laïque (une quarantaine de membres de la famille de Péreille et de son cousin Pierre Roger de Mirepoix, des cavaliers proscrits, des faydits, les écuyers et la garnison formée par une centaine d'hommes, des archers et des arbalétriers)

À l'intérieur du castrum... Au fond la salle basse. Sur les remparts, les trous
ayant servi aux poutres du plancher du premier étage sont encore visibles.

 

    C'est en 1232 que Montségur bascula définitivement dans la dissidence. Guilhabert de Castres qui avait quitté le Razès pour Fangeaux mesura très vite la forte évolution de la pression de l'Église catholique envers Raymond VII pour qu'il tienne ses engagements de 1229. Il ne pouvait non plus ignorer l'arrivée des nouvelles procédures contre l'hérésie : l'Inquisition. Guilhabert de Castres prit alors la décision de doter l'Église cathare d'un sanctuaire imprenable, une capitale du catharisme. Ce sera Montségur...
   Il finira par convaincre Raymond de Péreille de prendre ce risque et d'accueillir des compagnons parfaits et parfaites. Parmi eux, Pierre-Roger de Mirepoix, cousin germain de Raymond de Péreille, qui prendra la destinée du castrum en tant que commandant militaire de la place. La population était donc devenue stable à partir de 1233, partagée entre les religieux et les laïcs.

   La vie quotidienne à Montségur possédait tous les caractères d'une société médiévale, et les parfaits et parfaites ne se consacraient pas uniquement à la méditation ou aux exercices religieux. Les Cathares avaient aussi des activités matérielles en complément de leur vie pastorale et spirituelle. Ils confectionnaient des bijoux, des bagues, des objets de toilette, des outils comme des ciseaux ou des pinces à épiler, des pendentifs, des croix pectorales et des méraux (broches ou médailles) de plomb facilitant la reconnaissance des Cathares entre eux. Ils fabriquaient aussi des vêtements de laine, de mouton, ou en peaux de bêtes, des teintures et des pourpoints pour les soldats. Il y avait aussi des métiers classiques comme barbier, meunier et boulanger.

   Contrairement à ce que l'on peut lire dans des chroniques récentes, Montségur n'était pas un village de paysans et aucune trace d'activité agricole n'a été retrouvée. Travailler dans les champs au pied du pog était trop loin et bien trop risqué. Le castrum était équipé de basses-cours et de petits potagers en terrasses. Pour les croyants et la garnison qui mangeaient de la viande, ils descendaient pécher la truite ou le saumon dans les rivières proches. Il y avait aussi des échanges commerciaux réguliers jusqu'à l'été 1242, permettant d'effectuer de nombreux achats alimentaires comme le vin, l'huile, le pain, le blé, des denrées que l'on pouvait trouver dans les villages alentour. Mais il ne faut pas croire que la vie à Montségur était idyllique. Certains hivers étaient très rudes et des famines étaient fréquentes, notamment en janvier 1234 où toutes les semences furent gelées, comme le raconte le chroniqueur Guillaume de Puylaurens.

   Les découvertes archéologiques récentes ont permi de comprendre comment les réfugiés se nourrissaient. Les Cathares étaient surtout végétariens et leurs plats étaient en grande partie à base de céréales et de légumes. On retrouva également des arêtes de poissons, des os de poulets, d'oies, de moutons, de chevreuils, de sangliers et même de boeufs, prouvant que les parfaits étaient très bien intégrés dans une population variée. La tolérance faisait partie de leur conduite religieuse.

 


Le château de Montségur, un véritable nid d'aigle réputé imprenable
(ancienne carte postale)

 

Montségur et ses mystères
Montségur serait-il aussi un temple solaire ?

   Montségur n'est vraiment pas un château comme les autres. Mis à part son histoire tragique, il existe en effet des raisons plus subtiles, plus occultes, plus intrigantes pour considérer que la citadelle respecte des contraintes très différentes d'une simple fortification. Certes, la situation géographique très particulière du site, son histoire, la détermination du pouvoir royal et du clergé à vaincre cette place forte et la fin dramatique des parfaits, montrent combien le château de Montségur était devenu en 1244 la capitale des Cathares en Occitanie.

   Or, il est relativement facile de constater que les ruines, telles qu'elles nous apparaissent aujourd'hui, présentent des propriétés jouant avec l'astre solaire. Coîncidence architecturale, ou véritable culte du Soleil mis en scène par les bâtisseurs cathares ? Difficile de répondre, et les historiens sont très partagés, voire embarrassés. Pour certains, il ne s'agit que de simples élucubrations dérivant du mythe moderne cathare, d'autant que ce prétendu culte solaire ne repose sur aucune trace historique. L'argument utilisé est que ces déductions sont établies sur les ruines d'un château restauré une troisième fois après 1244 (Montségur III). Or, les fouilles archéologiques qui ont été conduites jusqu'aux fondations de la grande muraille n'ont montré aucune fondation antérieure, et c'est là qu'est le problème. Soit l'enceinte actuelle a été construite sur des fondations qui ont complètement disparu, soit elle correspond à Montségur II et dans ce cas, son étude face à un calendrier solaire a un sens.

   Pourtant, c'est un fait. Chaque année, au solstice d'hiver, très exactement le 21 décembre, le premier rayon de Soleil à l'horizon traverse le château dans toute sa longueur, et le Soleil s'aligne sur des angles de construction clé.
    Quant au solstice d'été, le 21 juin, les premiers rayons de Soleil éclairent deux meurtrières nord-est du donjon de la salle basse et viennent créer deux traits de lumière en face, exactement sur le flanc intérieur de deux autres meurtrières situées au sud-ouest.

   Nous ne sommes plus sur une simple coîncidence. L'architecte semble avoir décalé exprès les deux archères (meurtrières) pour que l'axe du solstice d'été traverse exactement les ouvertures et crée un jeu de lumière avec une précision remarquable.
  
   À noter que ce phénomène déplace aujourd'hui de nombreux visiteurs tous les 21 juin et passionne les adeptes du New Âge ainsi que les adorateurs du Soleil.

Au premier rayon du solstice d'été,
deux meurtrières reçoivent le rayon de Soleil des deux autres...

 


Le premier Soleil du solstice d'été traverse les deux meurtrières NE du donjon
et vient éclairer les deux autres meurtrières situées sur l'autre côté de la salle
Le décalage architectural des meurtrières joue avec le Soleil du solstice

 

   Certes, depuis très longtemps, les solstices et les équinoxes ont fasciné les Hommes et ils étaient les seuls repaires fixent dans le temps. Ce jeu d'architecture a été relevé dans de nombreux sites anciens comme à Stonehenge qui est synonyme de célébrations du solstice d'été, le jour le plus long de l'année. C'est pourquoi ces observations ont conduit quelques chercheurs comme Fernand Niel à étudier les alignements solaires de Montségur, des alignements que l'on constate aussi à Quéribus. Notons qu'une autre particularité topographique est présente dans la citadelle : l'orientation des murailles de la salle basse qui vise exactement le château de Roquefixade situé à proximité.

   En résumé, l'enceinte du château et ses ouvertures semblent avoir été dessinées et édifiées selon les axes solaires autour du 21 de chaque mois comme le montre l'étude de Fernand Niel ci-dessous. Ces axes croisent des angles de construction, des portes, des archères, et des points milieu. Attention : la date du 21 a été choisie pour l'étude. En réalité, les solstices et les équinoxes peuvent varier entre le 19 et le 21 de chaque mois ce qui ne change pas grand-chose à l'analyse.

 

Selon le 21 de chaque mois, le premier rayon de Soleil est aligné sur les points suivants :

L'axe solaire A traverse l'angle NE en (1) et l'ouverture murale en (4)
L'axe solaire B traverse l'angle NE en (1) et l'ouverture murale en (5)
L'axe solaire C traverse l'ouverture centrale du bouclier en (2) et l'angle SO en (6)
L'axe solaire D traverse l'angle NE en (1) et l'entrée principale SO en (7)
L'axe solaire E traverse l'angle NE en (1) et l'angle Ouest en (8)
L'axe solaire F traverse l'angle SE en (3) et l'ouverture centrale du mur NO en (9)
L'axe solaire G traverse l'angle SE en (3) et l'angle nord en (10)

(d'après les travaux de Fernand Niel)

 

    Si l'on admet ces propriétés solaires, il faut aussi admettre que les architectes n'avaient pas pour seul objectif de reconstruire un château imprenable, mais également un lieu de culte, un monument spirituel qui suit certaines consignes religieuses très anciennes. Cette idée de temple est dérangeante puisque la croyance cathare impose, au contraire, l'absence de matériel et donc d'église.

   Or, il ne faut pas oublier que le château fut reconstruit par Raymond de Péreille en 1206 à la demande des Cathares, notamment Raymond Blasco et Raymond de Mirepoix. Et Montségur ne devint le siège de l'Église cathare qu'en 1232, quand Guilhabert de Castres obtint l'accord des propriétaires du château, soit 26 ans après le début de la reconstruction. Cette reconstruction n'était donc pas essentiellement orientée vers une fortification.

    Les Cathares adoraient-ils le Soleil ? Leur religion était-elle imprégnée du culte solaire comme l'était la civilisation de l'ancienne Égypte ? La question se pose. D'ailleurs, les pourparlers après la capitulation qui eurent lieu le 1er mars 1244 pour accorder un délai de 15 jours aux Cathares n'avaient-ils pas pour but de se rapprocher d'une date particulière ? Celle du 21 mars et de l'équinoxe de printemps. Voulaient-ils célébrer une dernière fois une fête manichéenne le 15 mars ? Le Soleil jouait-il un rôle très important, un symbole de lumière et de renaissance tout comme Sirius dans l'Égypte ancienne ?

 

  Solstice : C'est l'époque de l'année où le Soleil est le plus éloigné de l'équateur, ce qui correspond à la durée maximale du jour. Le solstice d'été se produit entre le 20 et le 22 juin et marque le début de l'été. La durée minimale du jour correspond au solstice d'hiver situé entre le 20 et le 22 décembre et qui marque le début de l'hiver.

  Équinoxe : C'est l'époque de l'année où le Soleil, dans son mouvement apparent sur l'écliptique, traverse l'équateur céleste et crée une durée égale entre le jour et la nuit. L'équinoxe de printemps ou vernal correspond à l'équinoxe de mars dans l'hémisphère nord (équinoxe de septembre dans l'hémisphère sud). L'équinoxe de septembre correspond à l'équinoxe d'automne dans l'hémisphère nord.
L'équinoxe de mars peut se produire entre le 19 et le 21 mars. Le 19 mars est tombé 15 fois dans la seconde moitié du XVIIe siècle et 5 fois à la fin du XVIIIe siècle (dernière occurence en 1796).

   Durant l'Équinoxe de printemps, autour du 20 mars, la durée du jour et de la nuit est dans un équilibre parfait. La Terre bascule dans la période de l’année où les jours rallongent, rappelant que, même après la nuit la plus noire, le Soleil pointe à nouveau à l’horizon. L’Équinoxe de Printemps représente donc la Lumière nouvelle, les commencements, le réveil de la Nature et de la vie, la résurrection... C'est une notion parfaitement manichéenne dont est issu le catharisme et qui a pour fondement la séparation du monde entre le royaume de la Lumière et le royaume des Ténèbres, entre le bien et le mal, entre le jour et la nuit...

Le château de Montségur - Vue satellite Google Earth
 
Montségur... Ombre portée d'une constellation ?

   Les curiosités solaires ne s'arrêtent pas là. Un autre sujet très différent rend Montségur intrigant et encore plus ésotérique. C'est celui des contours de la forteresse. En effet, l'enceinte actuelle, qui est aussi comme nous l'avons vu celle de l'époque cathare puisque d'autres fondations importantes n'ont pas été retrouvées, dessine une forme particulière qui semble mal adaptée au pog.

   Pourquoi s'être donné tant de mal à étirer le château sur sa longueur alors que les fondations de la face Nord-ouest auraient pu être implantées plus loin. Ceci aurait permis d'élargir la cour intérieure. De plus, si l'objectif avait été de fortifier entièrement les remparts, pourquoi ne pas avoir construit un angle supplémentaire sur cette face nord-ouest de façon à rendre l'édifice plus équilibré, plus géométrique, et surtout moins vulnérable ? D'ailleurs, les habitations cathares venues se coller sur les remparts extérieurs tout en y ajoutant un second mur de défense prouvent que le château aurait pu être plus large, épousant au mieux le pog.


Vu de haut, le château de Montségur possède une forme atypique
présentant des murailles longues et fragiles

 

     La reconstruction de Raymond de Péreille a-t-elle respecté en partie les anciennes ruines et donc les anciennes fondations ? Ou a-t-elle suivi des recommandations cathares ? Nous n'en savons rien, mais le fait est que cette forme atypique fait écho a une constellation bien connu : le Bouvier dans laquelle le donjon de la salle basse jouerait le rôle de l'étoile la plus brillante : Arcturus... Le château serait alors comme une ombre portée de la constellation du Bouvier...

 


La constellation du Bouvier et son étoile Arcturus
   Le Bouvier est une constellation de l'hémisphère nord, et ses étoiles principales dessinent dans le ciel un grand cerf-volant. La constellation située entre la Vierge et la Lyre renferme 85 étoiles visibles à l'oeil nu.
   Plusieurs versions existent sur l'origine du Bouvier, tantôt  celle d'un laboureur conduisant les sept boeufs de la constellation de la Grande Ourse et les faisant tourner autour de l'étoile Polaire, tantôt celle du vigneron Icariuis, tantôt  celle de l'inventeur de la charrue, Philomelos.


Le Bouvier dans l'
Uranographia
de Johannes Hevelius.
    La constellation du Bouvier a aussi été appelée Atlas, et la mythologie nous raconte qu'Atlas supportait l'axe du monde. Or, autrefois la tête du Bouvier était très rapprochée de l'étoile Polaire.

   Autre remarque, Nigidius, l'un des plus grands savants romains, donnait à la constellation du Bouvier le nom d'Horus, ou de nourricier d'Horus, fils d'Osiris et de la Vierge Isis.

  Pour retrouver à l'oeil nu Arcturus, l'étoile la plus brillante de la constellation du Bouvier, il suffit de suivre le prolongement de la queue de la Grande Ourse.

 

 Le nom "Arcturus" signifie en grec « gardien de l'ours(e) »
La constellation du Bouvier est une constellation très ancienne qui était déjà connue du temps des Sumériens, et c'est l'une des 48 constellations répertoriées par le grec Ptolémée au IIe siècle. Pour les Romains, le Bouvier était le pasteur qui gardait le troupeau de sept boeufs (septem triones) représentés par les sept étoiles les plus brillantes de la Grande Ourse.

 

Le Bouvier dans la mythologie grecque, ou la légende de Callisto et d'Arcas, respectivement l'Ourse et le Bouvier

   Dans la mythologie grecque, le Bouvier est le Gardien de l’Ourse qui s'appelait Callisto, une nymphe chasseresse, compagne d’Artemis. Callisto, ayant été piégée et violée par Zeus, elle eut un fils de Zeus qu’elle appela Arcas. Malheureusement, Héra, l'épouse de Zeus, ayant eu vent de cette naissance, décida de transformer la jeune mère en ourse après la naissance de l'enfant. Quelques années plus tard, alors qu'Arcas devenu grand était en train de chasser, il croisa sa mère, toujours changée en ourse ; mais, ne réalisant pas qu'il s'agissait de Callisto, lui lança une flèche. Zeus détourna sa flèche. Arcas comprit alors qu'il s'agissait d'elle et se jeta dans ses bras.

    Dans la version relatée par Ovide dans ses Métamorphoses, Arcas est tué par Lycaon qui le sert à manger à Zeus. Après avoir foudroyé les fils de Lycaon et changé le roi lui-même en loup, Zeus ressuscite Arcas pour le mettre sur le trône arcadien. Arcas épouse Chrysopélie, dont il a deux fils, Élatos et Aphéidas. Après sa mort, Arcas est placé dans le ciel par Zeus aux côtés de sa mère et devient le Bouvier, gardien de l'Ourse. Arcas(1) avait son tombeau, ses temples et ses sacrifices en Arcadie (Pausanias), ainsi que Callisto sa mère.

(1) Arcas, fils de Zeus et de Callisto, est aussi roi éponyme de la province d'Arcadie. Son nom semble lié au grec ancien arktos signifiant « ours »

 

   L'un des restes archéologiques retrouvés sur le site du château de Montségur, une colombe de pierre...

   Une signature cathare tout en symbole, une colombe blanche, signe de paix et de tolérance.

   L'objet unique est aujourd'hui conservé dans une collection privée à Toulouse.

 

Le chant du Bouvier, un chant initiatique

   Jusque là, nous pourrions affirmer que la ressemblance du château de Montségur avec la constellation du Bouvier est de l'ordre de l'interprétation gratuite, sans aucun fondement sérieux. D'ailleurs, et ce n'est pas une surprise, la plupart des historiens réfutent toute idée ésotérique rapportée au récit de Montségur et des Cathares en général, jusqu'à douter de l'existence même d'une Église cathare. Pourtant, un autre indice vient s'ajouter au thème du Bouvier, celui d'un chant cathare très ancien...

   En effet, il existe un chant cathare, le seul parvenu jusqu'à nous, et dont le titre est "Le cant del Boièr"... Traduction : "Le chant du Bouvier"...
Or, ce chant régional est très particulier puisqu'il s'appuie sur un refrain constitué des cinq voyelles A.E.I.O.U.

Voici que le Bouvier s'invite factuellement dans l'histoire des Cathares et leurs chants identitaires...

 

 

   Cette incantation occitane venue du fond des âges a en effet la particularité de contenir dans son refrain un chant de voyelles. Ce chant mystérieux serait, selon la tradition, porteur d’un message codé, mais quel est-il ? Qui est cette pauvre Jeanne demandant à être enterrée dans une profonde cave située sur le chemin des pèlerins, les pieds contre le mur et la tête sous la cannelle ? Certains affirment que Jeanne serait une allégorie de l'Église cathare, mais il s'agit d'une simple interprétation. Ce chant porteur d'un rébus énigmatique serait en tout cas issu des derniers jours de Montségur et aurait réussi à traverser la terreur inquisitoriale pour remonter jusqu'à nous. S'agit-il d'un héritage occulte laissé par les malheureux cathares ?

    Pour montrer la portée allégorique utilisée, prenons par exemple le mot "cannelle". L’utilisation de la cannelle comme épice remonte à 3000 av. J.-C. et l’arbre tropical produit donc l’une des épices les plus anciennes au monde. L’écorce du cannelier en Chine du sud ou de Ceylan au Sri Lanka est commercialisée depuis des millénaires. Au temps de David et Salomon, 1600 av. J.-C. elle était connue en Judée et on la faisait brûler dans diverses cérémonies de culte. On mentionne aussi la cannelle dans la Bible, lorsque Moïse, sur l’ordre de Dieu, doit utiliser l’épice pour fabriquer une huile d’onction. Le célèbre médecin de la Rome antique, Hippocrate, vantait les vertus thérapeutiques de la cannelle...

   Chaque année, au début du mois de septembre, la tradition veut que des soirées musicales se déroulent dans l’église de Roquefixade, là où un autre célèbre château cathare domine le village. Ces concerts de musique ancienne nous emmènent à l’époque des troubadours et à celle du baroque et s'accompagnent impérativement d’une vieille complainte :
Le Cant del Boièr (Le Chant du Bouvier)

 

    La piste du chant des voyelles est en tout cas passionnante. Dans la tradition pythagoricienne, le disciple grec mathématicien et philosophe Nicomaque de Gérase (60-120) donne cet enseignement :

    « Les sons de chacune des sept sphères produisent un certain bruit, la première réalisant le premier son, et à ces sons l’on a donné les noms des voyelles. Ce sont là des choses qualifiées d’inexprimables par elles-mêmes chez les savants, ainsi que tout ce qui est formé, attendu que le son, ici, a la même valeur que l’unité en arithmétique, le point en géométrie, la lettre en grammaire. Si ces choses sont combinées avec des substances matérielles, telles que les consonnes, de même que l’âme est unie au corps et l’harmonie aux cordes, elles réalisent des êtres animés, celle-ci des tons et des chants, celle-là des facultés actives et productrices des choses divines. Voilà pourquoi les théurges, lorsqu’ils adorent la divinité, l’invoquent symboliquement avec des sifflements ou stridents ou roucoulés, avec des sons inarticulés et sans consonnes. »

   Le grec Nicomaque de Gérase était un mathématicien et un philosophe néo-pythagoricien grec très influencé par Aristote. Musicologue et théoricien de la musique, il est resté célèbre pour avoir défini les éléments harmoniques.
    La notion de sons organisés uniquement autour des voyelles AEIOU n'est donc pas réservée aux Cathares, et ce concept est très ancien puisqu'on le retrouve dans la Grèce antique.

   Il faut noter que la langue grecque possède sept voyelles alors que la langue d'Oc n'en possède que cinq.
  

Platon et Nicomaque de Gérase inventeurs de la musique
   Un autre philosophe grec aborde aussi la question. Il s'agit de Démétrios de Phalère (IIIe siècle av. J.-C.) qui rapporte :

    « Les prêtres égyptiens chantaient les louanges des dieux en se servant des sept voyelles qu’ils répétaient successivement, et l’agréable euphonie du son de ces lettres peut tenir de flûte et de cithare. »

   Démétrios de Phalère
naquit vers 360 av. J.-C. et disparut en 282 av. J.-C. Orateur et homme d'État athénien, il était aussi philosophe, aristotélicien, péripatéticien et écrivain. Élève et disciple d'Aristote et de Théophraste, il est l’un des fondateurs de la bibliothèque d'Alexandrie.

 

   À l'origine, le chant initiatique des voyelles qui se prononçait dans les anciens temples grecs était basé sur 7 voyelles, alors que les Romains, du fait de l'alphabet latin, n'utilisaient que les 5 voyelles AEIOU.
Les sept voyelles grecques antiques :

Majuscule Minuscule Nom
A α Alpha
E ε Epsilon
H η Eta
I ι Iota
O ο Omicron
Υ υ Upsilon
Ω ω Omega

   Dans l'alphabet grec, les 5 voyelles de base AEIOY sont des adaptations des consonnes sémitiques. Deux autres voyelles ont été ajoutées. Dans les dialectes grecs du groupe oriental qui n’utilisent pas l’aspiration, la lettre « Η » (Eta), empruntée à la consonne sémitique « ח » (het), a été utilisée pour noter la voyelle longue "E" (Epsilon). La seconde voyelle, la lettre « Ω » (Oméga), a été introduite pour le son.

   En phonétique, on appelle
voyelle un son du langage humain dont le mode de production est caractérisé par le libre passage de l'air dans les cavités situées au-dessus de la glotte, à savoir la cavité buccale et/ou les fosses nasales.

Prononciation :
   Les voyelles A E I O U sont chantées en accentuant le H (Eta) de l’inspiration au début et qui représente un son à part entière. Le U final est prononcé "OU" en accentuant vers un léger son AÏE qui représente une voyelle à part entière. On retrouve ainsi les 7 voyelles du son initiatique symbolisant le cycle de la vie, la première voyelle H étant l'inspiration, la naissance, et la dernière Ω l'expiration, la mort.
A E I O U représente le temps d'une vie.

............... H (inspiration… La naissance)
...............
A   E   I   O   U    ......… Y [AÏE] (expiration… La mort)

   En reprenant AEIOU plusieurs fois en tant que refrain, l'idée devient celle du cycle éternel de la vie et de la mort, la naissance faisant suite à la mort. On retrouve ainsi dans le chant du Bouvier le concept de la Résurection, de la vie après la mort, de la renaissance, une croyance chère aux Cathares. La notion rejoint celle du manichéisme, la lumière après les ténèbres... L'équinoxe de Printemps...
  
Notons que l'on retrouve également une partie de cette notion dans la tradition chrétienne puisqu'elle assimile Dieu à l’Alpha et l’Oméga, le début et la fin de toute chose...

 

AEIOU... Allons plus loin

   Pour les historiens, le monogramme A.E.I.O.U. n'aurait existé qu'au travers du règne d'un empereur du Saint-Empire, Frédéric III. En effet, Frédéric III adopta pour la maison de Habsbourg une devise utilisant le symbole A.E.I.O.U.

L'empereur ira même jusqu'à lui affecter une traduction que l'on retrouva dans l'un de ses carnets découverts en 1666 :
En latin : « 
Austriae Est Imperare Orbi Universo »
Et en allemand « 
Alles Erdreich Ist Oesterreich Untertan »
Ce qui signifie : « 
Il appartient à l'Autriche de gouverner le monde »

 

Frédéric V de Habsbourg
ou Frédéric III
empereur romain germanique

   Il naquit en
à Innsbruck en Tyrol et décéda en à Linz en Autriche.

   Il fut prince de la maison de Habsbourg, fils du duc Ernest d'Autriche. Il hérita à la mort de son père en 1424 des domaines de l'Autriche intérieure (la Styrie, la Carinthie et la Carniole)  et succéda à son cousin Ladislas le Posthume en tant qu'archiduc d'Autriche en 1457. Élu roi des Romains en 1440 et couronné empereur en 1452, il régna sur le Saint-Empire pendant 53 ans jusqu'à sa mort.

   Il fut l'avant-dernier empereur romain germanique à être sacré par le pape, et le dernier dont le couronnement eut lieu à Rome. Frédéric III est l'arrière-grand-père de l'empereur Charles Quint.

Frédéric III (1415-1493)
Empereur du Saint Empire
(par Hans Burgkmair)
    La maison souveraine des Habsbourg était d'une telle puissance qu'elle alimenta tous les empereurs du Saint-Empire romain germanique. Cette ancienne famille politique avait la main sur les terres d’Europe occidentale et centrale, le tout dirigé par un souverain arborant le titre d'Empereur des Romains entre 1452 et 1740.
   Ci-contre le monogramme définit par Frédéric III. On peut y voir clairement les voyelles A.E.I.O.U.
(le U se prononce OU)
    Amateur d'ésotérisme, l'empereur Frédéric III utilisa aussi la mystérieuse formule AEIOU pour signer sa vaisselle de table, ses armoiries, et des châteaux tels que le château de Wiener Neustadt et le château de Linz.

 



Ci-dessus l'inscription AEIOU
au château de Graz, 1453


À gauche, une enluminure d'un livre
de Frédéric III avec le monogramme AEIOU, 1446
    Il faut aussi noter sur l'enluminure l'année 1226. Étrange, lorsque l'on sait qu'après qu'un concile eut lieu à Bourges le 29 novembre 1225 sur la question cathare, le comte Raymond VII fut à nouveau excommunié en janvier 1226 et flagellé publiquement. 1226 est aussi l'année où la seconde croisade albigeoise commença. Le château de Montségur était alors à son apogée...

 

    Ajoutons que, selon la légende, Frédéric III et les empereurs du Saint-Empire romain germanique descendraient d'une lignée mérovingienne. Voilà de quoi alimenter tous les mystères. Quoi qu'il en soit, si les récits officiels présentent le monogramme AEIOU comme une création de Frédéric III, ceci est incohérent avec le chant du Bouvier datant au moins de 1244.

   Or, le mystère s'épaissit puisque l'on retrouve une trace de ce chant de voyelles dans "La Pistis Sophia" (Foi et Sagesse), un texte copte très ancien dont l’original fut retrouvé en Égypte au 18e siècle. La Pistis Sophia prétend faire un compte rendu des échanges que Jésus eut avec ses disciples durant les douze années qui suivirent la Résurrection.

    Le manuscrit de 348 pages copié au VIIe ou VIIIe siècle était dans la collection du docteur Anthony Askew. Acheté dans les années 1760, le manuscrit demeura dans l'ombre au British Museum pendant presque un siècle. Il s'agit d'une Bible gnostique qui renfermerait tous les Mystères sacrés de la Gnose selon la Tradition Primordiale. La rédaction en est attribuée à Valentin, un Égyptien éduqué à Alexandrie, considéré comme hérétique, et qui partit enseigner la Gnose chrétienne dans la Rome au IIe siècle.

 

   Alors, Jésus se tint debout avec ses disciples sur la montagne de l’Océan, il prononça cette prière, disant : « Écoutemoi, ô mon père, père de toute paternité, Infini de la lumière, AEIOU, iaô, aôi, ôïa, psinôther, thernôps, nôpsiter, zagouri, pagouri, nethmomaôth, nepsiomaôth, marakhakhtha, thôbarrabaôth tharnakhakhan, Zorokothora, Ieou, Sabaôth !» Et pendant que Jésus disait ces choses, Thomas, André, Jacques et Simon le Chanaéen étaient à l’Occident, le visage tourné vers l’Orient ; Philippe et Barthélemi étaient au Sud, le visage tourné vers le Nord ; le reste des disciples avec toutes les femmes disciples se tenaient derrière Jésus. Et Jésus se tenait sur l’autel. Et Jésus s’écria en se tournant vers les quatre angles du monde avec ses disciples tous vêtus de vêtements de lin, disant : « Iaô Iaô ; et l’interprétation en est Iôta, car le Plérôme est sorti : alpha, parce qu’ils se retourneront dedans ; oméga, parce qu’il est la fin de toutes les fins. »  

Extrait : "La Pistis Sophia" ('Foi et Sagesse')

 

   Encore plus étrange... Si l'on admet que la formule A.E.I.O.U. est très antérieure à Frédéric III, on peut aussi douter de sa traduction donnée par l'empereur et consacrée à l'Autriche. Car, il existe une autre traduction plus ancienne...
   « Austria » est une latinisation de l'allemand "Österreich". En effet, l'orthographe du nom "Austria" se rapproche, au profit des locuteurs latins, de la sonorité du nom allemand "Österreich". Cela a conduit à beaucoup de confusion, car l'allemand "Ost" signifie "Est", alors que le latin "auster" signifie "sud". On peut donc proposer une traduction plus proche de l'étymologie latine...

Austriae Est Imperare Orbi Universo
" Le Sud doit gouverner le monde "

   "Auster" est dans la mythologie romaine le dieu des vents du sud, ou plus exactement du midi, un vent du sud chaud, épais et humide, annonciateur d'orages. Le nom "Australie" (la 'terre du sud') dérive d'Auster. De même, le mot "australis" est originellement le génitif singulier d'un adjectif latin signifiant : méridional, austral, du sud.
   Frédéric III aurait-il orienté la traduction à des fins politiques ? S'agit-il d'une 
rétroacronymie qui est le fait de donner un nouveau sens à un acronyme ou à un sigle existant ?

 

Des Cathares au carré SATOR

   Existerait-il une relation entre les Bons hommes et Bonnes femmes, les parfaits, leur croyance, et le mystérieux carré SATOR ? A priori, rien ne semble les relier et pourtant...  Commençons par le carré SATOR...

Ci-dessus le carré SATOR d'Oppède dans le Vaucluse (région PACA).
À noter, les S et le N inversés


Ci-contre, le carré SATOR de l'ermitage Saint Antoine de Galamus à Saint-Paul-de-Fenouillet dans l'Aude

 

    Le carré Sator est un carré magique contenant le palindrome latin : SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS. Chacun de ces cinq mots, inscrits dans un carré de 25 cases, peut être lu horizontalement ou verticalement. Il faut d'ailleurs noter que le changement de l'ordre de lecture n'altère en aucun cas le sens de la phrase du point de vue de la grammaire latine. En d'autres termes, si la place des mots est modifiée, la signification reste identique.
    Le carré SATOR a été trouvé dans de nombreux lieux en Europe comme en Syrie, en Hongrie, au Portugal ou en Angleterre. Le plus ancien connu à ce jour est à Pompéi et sa date est donc antérieure à l'an 79. Le pays le plus riche en exemplaires reste la France avec une préférence pour le Sud-Ouest.
S A T O R
A R E P O
T E N E T
O P E R A
R O T A S

 

    L'énigme a intrigué de nombreux savants et suscité diverses hypothèses juives ou chrétiennes, privilégiant celles concernant un signe de reconnaissance qui aurait été utilisé par les premiers chrétiens. Toutefois, il n'existe  aucune preuve de cela. Mieux, aucune interprétation officielle ou traduction n'ont pu être argumentées par les historiens et les archéologues. La piste cathare offre pourtant une jolie interprétation...

Venons-en à l'étude des mots et leur traduction :

   SATOR : laboureur, planteur, semeur ; ou métaphoriquement créateur, père, auteur (au nominatif : c'est donc le sujet)
   AREPO : signification inconnue en latin, mais qui trouve toutefois en Celte une traduction : « charrue » La langue gauloise fut utilisée jusqu'au Ve siècle 
   TENET : [il/elle] tient (du verbe tenere) ; tient en son pouvoir, maintient (troisième personne du présent)
   OPERA : œuvre, travail, soin
   ROTAS : roues, rotation, orbite, révolution, cycle

    Nous voici donc en présence d'un laboureur qui tient sa charrue et qui fait tourner son oeuvre. Cela ne vous rappelle-t-il rien ? S'agirait-il du Bouvier (le laboureur) conduisant les sept boeufs, les sept étoiles de la constellation de la Grande Ourse, tenant sa charrue en faisant tourner son oeuvre autour de l'étoile Polaire ? Ainsi, la traduction du carré SATOR pourrait être :

Le Bouvier et sa charrue tiennent
son oeuvre en rotation

 

   L'étoile Polaire est de façon générale une étoile visible à l’œil nu se trouvant approximativement dans l'alignement de l’axe de rotation de la Terre. Notons que l'étoile Polaire est située près d’un des pôles célestes.

La constellation du Bouvier tournant autour de l'étoile polaire Polaris
    Du fait de son alignement avec l’axe de rotation de la Terre, l'étoile Polaire est donc perçue comme immobile par un observateur situé sur la planète, alors que les autres étoiles visibles semblent décrire un mouvement circulaire autour de l’étoile centrale.
   La constellation du Bouvier (le laboureur) et la Grande Ourse (la charrue) ainsi que toutes les autres constellations, effectuent des rotations autour de l'étoile Polaire. En accélérant le temps, les étoiles finissent par décrire un immense ballet circulaire...

 

   Nos ancêtres avaient une parfaite connaissance de notre ciel, des étoiles et des mouvements apparents des astres. Les étoiles formant des cercles autour de l'étoile Polaire, cette dernière devient un astre divin, le centre des cercles. Le centre est vu comme l'origine, le centre est Dieu...
Voir les bases de la Géométrie sacrée...

Les astres dessinent des cercles autour de l'étoile Polaire
   Nous y sommes... En décrivant des cercles autour d'une étoile centrale, le Bouvier devient celui qui fait tourner le monde à l'aide de sa charrue... Un monde qui tourne sur un axe... L'axe du monde (Axis Mundi). Les Cathares avaient peut-être cette connaissance du ciel, alors qu'à la même période, le long tunnel de l'obscurantisme religieux continuait d'affirmer que la Terre est immobile au milieu d'une voûte céleste en mouvement...

   Le nom "Arcturus" signifie en grec « gardien de l'ours(e) »  Pour les Romains, le Bouvier était le pasteur qui gardait le troupeau de sept boeufs (septem triones) représentés par les sept étoiles les plus brillantes de la Grande Ourse.

 

     Sur la Grande Ourse, une constellation formée par sept étoiles, se trouve l'étoile double ALCOR, la deuxième étoile à partir de la queue, compagne de Mizar.

   Dans les aventures d'Arsène Lupin "La comtesse de Cagliostro" de Maurice Leblanc, ALCOR est l'acrostiche de : "Ad Lapidem Currebat Olim Regina" (Vers la pierre courrait jadis la Reine).

   De plus, toujours dans le roman, certaines abbayes du pays de Caux reproduiraient au sol le tracé de la Grande Ourse, et Alcor indiquerait le lieu où serait enfoui un hypothétique trésor des rois de France...

Le Bouvier (le laboureur) et sa charrue
SATOR et AREPO
   La désignation latine de la Grande Ourse est "Septentrion" de "septem" (sept) et "triones" (pluriel de trio) qui signifie "Boeuf de labour"

 

   "Dans la figure de la Grande Ourse, les trois étoiles de l’extrémité forment la queue, et les quatre en quadrilatère se trouvent dans le corps. Dans le Chariot, les quatre étoiles forment les roues, et les trois le timon, les chevaux ou les bœufs […] Les Latins donnaient aux bœufs de labour le nom de triones ; au lieu de dire un chariot et trois bœufs, ils finirent par dire les sept bœufs, septem triones. C’est de là que dérive le mot septentrion et il y a sans doute aujourd’hui peu de personnes qui en écrivant ce mot savent qu’elles parlent de sept bœufs..."    Camille Flammarion

 


Le Bouvier (SATOR) et sa charrue (AREPO) tient (TENERE)
son oeuvre (OPERA) en rotation (ROTAS)

 

    En suivant la Grande Ourse, la constellation du Bouvier est la dernière à disparaître dans le jour naissant, tout en pivotant délicatement sur son étoile majeure, Arcturus, soleil des nuits d’été...

 

Montségur et son mythe trésoraire
Commençons par des faits historiques

   De nombreuses légendes de trésors animent Montségur et celles-ci sont construites sur deux faits historiques. Le premier fait nous est fourni par le sergent Imbert de Salles dans une déclaration faite devant l'Inquisiteur Ferrier le 19 mai 1244. D'après ses dires, après la prise du Roc de la Tour à la Noël 1243, deux Bons hommes auraient été chargés d'évacuer et de cacher un trésor dans une grotte inconnue du Haut comté de Foix...
   Les deux parfaits sont Mathieu et Pierre Bonnet diacre de Toulouse. Tous deux vont traverser les lignes avec quelques complicités et fuir à cheval, emportant avec eux de l'or, de l'argent, et une quantité infinie de monnaie. Où sont-ils allés ? Toujours d'après Imbert de Salles, ils se seraient rendus dans une grotte fortifiée du Sabarthès pour y cacher le trésor. Une autre hypothèse est que les fuyards seraient parvenus en Italie à Crémone, un lieu où une autre communauté cathare était installée. D'ailleurs, des correspondances entre Montségur et Crémone ont été retrouvées.

    "Lorsque Matheus, hérétique, et Pierre Bonnet, diacre des hérétiques de Toulouse, sortirent du château de Montségur avec de l'or, de l'argent et une grande quantité de monnaie aurum, argentum et pecunia infinitam, ils passèrent par le lieu où les hommes de Camon étaient sentinelle, ceux-ci donnèrent toutes facilités pour aller et venir à travers leurs lignes. Pierre Bonnet et Matheus transportèrent le trésor dans une spoulga du Sabarthes qui appartenait à Pons Arnaud de Castelverdu."

   Extrait de la déclaration du soldat Imbert de Salles à l'Inquisiteur Ferrier

   On ne sait pas ce que devint le diacre Pierre Bonet. Par contre on est sûr que Mathieu revint à Montségur entre le 14 et le 21 février 1244. À noter que ce témoignage fut consigné sans torture, mais que ce soldat fut le seul a avoir donné cette information...

   Le deuxième fait historique est plus étrange. Il se situe plus tard, durant la trêve de mars 1244. D
ans la nuit du 15 au 16 mars 1244, l'évêque cathare Bertrand Marty et Pierre-Roger de Mirepoix firent évader quatre parfaits préalablement dissimulés dans un souterrain du château. Cette galerie qui pourrait se trouver sous le donjon primitif n'a pas été découverte à ce jour.
   Le moment venu, on les fit descendre au moyen d'une corde de plus de 200 mètres par le précipice situé le long de la grande paroi occidentale. Les volontaires sont Amiel Aicard, Hugon Poitevin, Laurent Peytavi et Pierre Sabatier. On retrouvera ce dernier en Lombardie (Italie). Leur objectif était très probablement de récupérer le dépôt numéraire caché dans une grotte de Sabarthès par Mathieu et Pierre Bonet. Pour la rejoindre, ils passèrent en toute discrétion le col de Pyere par la montagne de la Frau.

   L'historien Michel Roquebert reconstitua même leur parcours : Caussou, Prades-d'Alion et Usson dans la très haute vallée de l'Aude où ils retrouvèrent Mathieu qui avait de nouveau quitté Montségur le 21 février. Amiel Aicard aurait suivi Mathieu qui connaissait la route vers Usson. On retrouvera même Amiel dans la communauté cathare de Crémone en Italie après 1244. L’évêque de Crémone avait d'ailleurs demandé à Bertrand Marty, évêque de Montségur, que deux parfaits lui soient envoyés. Laurent Peytavi sera également retrouvé en Lombardie. Soumis aux questions de l'Inquisition, Arnaud-Roger de Mirepoix avouera comme en témoigne le procès-verbal de sa déposition : "Cela fut fait afin que l'Église ne pût perdre son trésor qui était caché dans les bois"

   Néanmoins cette évasion reste un mystère. Si la récupération du trésor était nécessaire, que sont devenus les livres sacrés, les parchemins, les exemplaires de l'Évangile de Jean qui servaient au consolament ? Aucun document ne fut consigné ou confisqué, aucun écrit, aucun livre, aucun témoignage qui en parle... Et pourtant, comment imaginer que la capitale du catharisme, durant 40 ans, ait pu faire vivre sa doctrine avec plus de 200 parfaits sans aucun manuscrit sacré, sans aucun écrit ?

   Les quatre fuyards étaient-ils missionnés pour mettre à l'abri d'autres objets ? Des livres sacrés ? Des documents génants pour l'Église de Rome ? Des reliques ? De l'or ou d'autres richesses ? Si une partie trésoraire était à l'abri, que sont devenus les supports spirituels ? La conclusion semble évidente. Les quatre parfaits ont certainement dû sauver des livres, des documents et peut-être plus encore...
    De ce supposé trésor nous ne savons que peu de choses. Pour les historiens, il aurait été uniquement constitué de quelques documents hérétiques, mais pourquoi fallait-il deux évasions et six parfaits pour finalement ne transporter que des textes ? Et pourquoi protéger des documents religieux puisque l'Inquisition avait depuis longtemps récupéré de nombreux écrits cathares ?

 

Un trésor d'or et d'argent... Quelle origine ?

   Si l'on suppose qu'un trésor de métaux précieux et de monnaies a existé, quelle était sa réelle origine ? Après tout, les Cathares détestaient le matériel et tout ce qui a un rapport avec la vie terrestre, d'autant que leur religion faisait profession de pauvreté. Ce paradoxe peut s'expliquer. L'Église cathare travaillait et recevait de nombreux legs. Montségur avait de l'argent comme toutes les communautés cathares, un trésor alimenté par des dons que les croyants avaient coutume de faire avant leur mort. L'Église faisait même office de banque de temps à autre. Les croyants confiaient leurs économies et elle assurait leur sécurité avec des intérêts. Il y avait aussi l'Inquisition et la terreur qu'elle semait. Pour corrompre un agent domanial du Roi ou d'un seigneur, acheter des informations ou de faux témoins, soudoyer une décision du clergé, corrompre la justice, il fallait de l'argent, beaucoup d'argent. Il y avait aussi l'émigration des hérétiques vers la Lombardie ou la Sicile qui nécessitait de payer les passeurs, les refuges, les escortes et des complices de toutes sortes. En outre, compte tenu de la montée en puissance de l'armée royale, il fallut fortifier le château, un projet lancé vers 1240. D'énormes capitaux furent attribués à Montségur. En clair, de la monnaie et de l'or a profusion étaient indispensables. C'était une question de survie pour la communauté cathare.

   Enfin, si les historiens considèrent que la chute de Montségur en 1244 est une étape très importante de la fin du catharisme, la religion dissidente survécut encore des années, au moins jusqu'en 1321, date à laquelle le dernier parfait connu, Guihem Bélibaste, fut brûlé vif à Villerouge-Termenès. Des ressources financières importantes devaient donc persister.

   Rappelons que deux épisodes ont été consignés durant les interrogatoires de Montségur. Selon des aveux, vers la Noël 1243, un trésor est évacué et dans la nuit du 15 au 16 mars 1244, quatre parfaits auraient été chargés de le récupérer dans une cache provisoire. Cette cache décidée en 1243 serait une grotte et la région ne manque ni de cavernes ni d'infractuosités...

 

    La vallée de l'Ariège est née d'une faille qui a généré des grottes extraordinaires et de longs réseaux souterrains. Les plus célèbres cavernes sont les "spoulgas", des grottes fortifiées de l'époque médiévale dont on peut voir encore leurs enceintes imposantes faites de pierres meulières. Dans la grotte des Deux Églises, vaste comme une immense cathédrale, des conduits sont aujourd'hui obstrués par les éboulis et pourraient conserver quelques secrets...
Spoulgas de Bouan (Ariège)

L'entrée principale de la grotte des Églises dans l'Ariège

   La grotte des Églises est située sur le territoire de la commune d'Ornolac-Ussat-les-Bains dans la haute vallée de l'Ariège (pays du Sarbathès), en France. En fait, il s'agit d'un ensemble de cavités dont celle nommée "Les Églises Inférieures" d'une superficie de 46 500 m2 est la plus vaste. Trois entrées y donnent accès avec notamment l'entrée nord présentant une fortification défensive de type spoulga. La galerie pariétale est fermée à la visite.

   Découverte en 1921, le site archéologique se trouve dans une galerie ornée de peintures à l'ocre et des gravures représentant des chevaux et des bouquetins. L'occupation humaine s'étend de la fin du paléolithique à l'âge de Bronze moyen, et au XIIIe siècle par les Cathares persécutés. Elle fut fouillée au XIXe siècle par Félix Garrigou, et à partir de 1964 jusqu'en 1977 par Jean Clottes.

    Non loin de là, à 2,75 km, se trouve une autre grotte, celle de Fontanet, située sur la même commune. En face, sur l'autre rive de l'Ariège, se trouve la grotte de Lombrives, et près de la D123, à Ussat-les-Bains, à environ 500 m de la grotte des Églises, la grotte de l'Ermite


La grotte de Lombrives, lieu de légendes (Ariège)
    La grotte de Lombrives est la plus mythique. Elle s'ouvre à une centaine de mètres au-dessus du niveau du fond de la vallée de l'Ariège, dans le massif du Cap de la Lesse (1189 m). Ce massif renferme aussi les grottes de Niaux et de Sabart. L’ensemble des trois grottes constitue un réseau de galeries qui se développent sur 14 kilomètres. La grotte est caractérisée par des galeries et des salles de très grandes dimensions, ouvrant sur des paysages souterrains variés et un riche passé : préhistorique, protohistorique et historique.
   Lombrives servit de refuge pendant des centaines, voire des milliers d'années. Des hommes préhistoriques du Néolithique, des proscrits, des hérétiques et des Cathares, des persécutés, des brigands, des ermites, des lépreux, de simples bergers ainsi que des faux-monnayeurs s'y sont abrités. La grotte aurait aussi servi de refuge au parfait Amiel Aicard après la chute du château de Montségur en 1244. Elle abrita aussi des prêtres et des nobles pendant la Révolution française puis des Républicains pendant le Premier Empire.

   En 1328, plus de 500 Cathares persécutés durant la Croisade des albigeois par la Sainte Inquisition et le roi Louis IX, s’y sont réfugiés. Le cardinal et l'inquisiteur Jacques Fournier (futur pape Benoît XII) les fit emmurer vivants et la légende raconte qu'un trésor cathare aurait été caché dans la grotte en 1244 par les quatre fuyards de l'Inquisition.

 

De Montségur au Graal...

   Toutes ces traces historiques ont permis d'alimenter au fil des années des récits merveilleux et des légendes. Montségur aurait abrité le riche trésor des Cathares, mais ce n'est pas tout. Dès 1820, des archéologues commencent à fouiller le site, l'objectif étant de retrouver des traces du site antique, mais les milieux érudits connaissent les liens du pog avec les dissidents médiévaux.

   En 1870, la publication de "L'histoire des Albigeois" par le pasteur Napoléon Peyrat créera la mythologie de Montségur. Le site devient "la forteresse du Paraclet" et des nécropoles ainsi que des salles souterraines seraient cachées sous les ruines. Un vandalisme va alors se mettre en place à la fin du XIXe siècle, à coup de dynamite, mais sans découvertes probantes.

   Dans les années 1930, des recherches sont menées pour retrouver les magasins et les cryptes albigeoises. Quant au fabuleux trésor, il fait rêver le grand public et les auteurs. Les fébriles Occitans s'emparent du symbole, et Montségur devient la représentation concrète de la résistance du peuple occitan contre la royauté du Nord. Montségur est aussi repris par les néo-gnostiques comme Jules Doinel. On va même faire de Montségur la cache du Graal, la célèbre coupe dans laquelle Joseph d'Arimathie aurait recueilli le sang du Christ sur le mont Golgotha...

   Le Graal est un objet mythique de la légende arthurienne et qui occupa la quête des chevaliers de la Table ronde. À partir du XIIIe siècle, le Graal est assimilé au Saint Calice,  la coupe utilisée par Jésus-Christ et ses douze disciples au cours de la Cène. Elle est aussi celle qui recueillit le sang du Christ, devenant le Saint Graal. La nature du Graal a donné lieu à de nombreuses interprétations symboliques et ésotériques, ainsi qu'à de multiples illustrations artistiques.

   Pour Joséphin Pélandan, fondateur de l'Ordre des Rose-Croix chrétien, Montségur devient le château de Montsalvat impliqué dans la légende arthurienne. Ce foisonnement de récits légendaires va attirer des courants ésotériques, des écrivains et des poètes comme Maurice Magre ou Lévis-Mirepoix.  

 

Jules Doinel
Archiviste et occultiste français, fondateur en 1890 de l'Église gnostique de France.

   Il entre au petit séminaire des jésuites vers 1860 et publie aussi différents ouvrages sur l'histoire médiévale, notamment sur Jeanne d'Arc, Blanche de Castille, Hugues Le Bouteiller et les Croisades. Il a notamment été archiviste du Cantal (1871), du Loiret (1875), et de l'Aude (1900).

   Franc-maçon, Doinel est reçu apprenti dans la loge orléanaise
Les émules de Montyon, du Grand-Orient de France, le en 1884, et sera reçu maître en , puis orateur en 1886. La loge, sous son impulsion, changera de titre : Les Adeptes d'Isis - Montyon.

Jules Doinel vers 1890
(1842-1902)
   Le , il est élu archiviste du Grand-Orient de France. En 1892, il devient vénérable maître de sa loge, et entre 1890 et 1893, il est membre du conseil de l'Ordre du Grand-Orient de France. Le , il est reçu membre du chapitre Rose-croix L'étoile Polaire de Paris, et le il est exclu de sa loge pour avoir versé dans l'occultisme et les pratiques mystiques. Il est aussi membre de l'Ordre Martiniste.

Sceau épiscopal
de l'église gnostique
de Jules Doinel
    Fasciné par les Cathares et leur martyre, il étudie les Bogomiles, les Pauliciens, les Manichéens et les Gnostiques. Une nuit de 1888, une vision le charge de fonder une nouvelle église, et en 1890, l'Église gnostique de France est créée. Il décrète également l'an 1 de la Restauration de la Gnose.
    Doinel publie Lucifer démasqué en 1895, dirigé contre les occultistes et certains francs-maçons. Plus tard en 1896, Jules Doinel réintègre l'Église gnostique en tant qu'évêque d'Alet et de Mirepoix, après avoir déménagé à Carcassonne où il est nommé bibliothécaire. À la fin du XIXe siècle, des sièges de l'Église gnostique sont présents dans 16 villes de France, dont Paris, mais aussi en Pologne, en Belgique, en Bohème et en Italie. Des occultistes connus adhèrent à l'Église gnostique comme Papus, Sédir, Lucien Chamuel, Louis-Sophrone Fugairon, Jean Bricaud, Déodat Roché et René Guénon.

À noter que le sceau épiscopal
de l'église gnostique de Jules Doinel
est inspiré des armoiries du Costa Rica visibles sur le drapeau national...
Cette piste fera l'objet
d'une autre étude...

   Doinel publie aussi ses vues sur la franc-maçonnerie et signe XXX son ouvrage La loque noire. Il rejoint dès lors les milieux anti-maçonniques au côté de Léo Taxil et fonde la ligue de Laboarum. À la demande de ses anciens frères, il est muté en 1900 dans l'Aude, loin de sa famille, et prend sa retraite chez les bénédictins. Sa conversion au catholicisme n'est pas attestée, mais ses derniers poèmes dédiés au curé de la Chapelle-Biche démontrent ses idées à la fin de sa vie. Doinel meurt subitement dans la nuit du 16 au .

 

   L'évacuation d'un trésor constitué d'or, d'argent et de monnaie est aujourd'hui largement admise, mais d'autres hypothèses viennent compléter le mystère. La présence de documents sacrés primitifs ou de textes liturgiques dualistes dans l'enceinte de Montségur est envisagée avec sérieux. Comment imaginer que cet important rassemblement cathare luttant pour la survie de ses croyances n'avait pas pris la précaution de protéger ses biens spirituels les plus précieux. Et si ces textes étaient d'une valeur inestimable ? Et si ces documents représentaient pour l'Église de Rome un danger ? Une vérité inavouable ? Et si les Cathares disposaient d'une relique unique et essentielle ? Un objet spirituel qu'il fallait à tout prix cacher et mettre à l'abri ? Un Graal ?
  
   Comment ne pas penser à ces quatre fuyards qui acceptèrent d'abandonner leurs compagnons et de ne pas mourir dans les flammes avec les martyres de Montségur ?  Comment peut-on croire que ces quatre Cathares abandonnèrent leur foi et leur honneur pour un simple magot constitué d'or et de monnaie, même important ? Et surtout, pourquoi avoir planifié la sortie du trésor en deux étapes, augmentant ainsi les risques ?
   En réalité, cette échappée de la dernière nuit pourrait dissimuler bien autre chose. S'agissait-il de documents sacrés ? D'un héritage ancestral ? D'une pierre sacrée comme une météorite ? Ou d'une relique qui ne devait pas tomber dans les mains des assiégeants. Tout a été imaginé, mais une chose est certaine : il fallait impérativement mettre à l'abri ce trésor pour qu'il soit hors de portée du Roi et du Pape...

Nous sommes donc en présence de plusieurs questions essentielles restées sans réponse malgré l'Inquisition et les innombrables recherches historiques :

   Quelle était l'origine exacte de la fortune cathare ?
   Quelle était la composition de leur trésor ?
   Les Cathares étaient-ils les héritiers d'une connaissance occulte et sacrée ?

Pour ajouter aux mystères, une croyance de l’époque soutenait que seuls les Cathares détenaient les Saints sacrements du Christ.

 

Du Graal aux S.S.

   Un tournant va toutefois s'engager un peu avant la Seconde guerre mondiale avec un écrivain historien allemand, Otto Rhan, un nom qui fait aujourd'hui partie de la mythologie de Rennes-le-Château et qui va contribuer aux légendes du Graal et de Montségur. Ce dernier va en effet publier en 1933 un livre "Croisade contre le Graal" suite aux rencontres qu'il va faire dans le sud de la France. La thèse d'Otto Rahn consiste pour l'essentiel à assimiler le château de Montségur à Montsalvage, le légendaire château du Graal.

  
Montsalvat ou Montsalvage est le lieu mythique du château du Graal de la légende arthurienne où Perceval assiste à la procession de la Sainte Lance dont le sang fut recueilli dans la coupe sacrée. C'est dans l'œuvre du poète épique bavarois Wolfram von Eschenbach, Parzival, composée entre 1195 et 1215 d'après le Perceval de Chrétien de Troyes, qu'est fait mention pour la première fois du château de Montsalvage. Bâtie par le roi Titurel (qui fait également l'objet d'un autre poème de Wolfram), chef des Templeisen et fondateur de la dynastie du Graal, la forteresse de Montsalvage est située sur une haute colline de la Terre de Salväsch (ou Sauveterre), entourée d'une muraille. À ses pieds se trouve un lac.

Représentation légendaire du Montsalvat ou Montsalvage
   En parallèle, et pour servir l'idéologie nazie, l'Ahnenerbe, un groupe de recherches mystiques et ésotériques nazi est créé par Himmler. Sa définition exacte est « Société pour la recherche et l'enseignement sur l'héritage ancestral » un institut de recherches pluridisciplinaire nazi créé en juillet 1935 et intégré aux S.S. en janvier 1939.

   Fortement influencé par les théories d'Otto Rahn sur le Graal, son existence et son pouvoir, Himmler aurait ordonné le lancement d'expéditions de recherches dans le Languedoc et plus spécifiquement à Montségur. En effet, aux yeux d'Himmler, le Graal donne au christianisme une dimension nordique indiscutable.
   Otto Rahn et Antonin Gadal (1877-1962) un instituteur à la retraite qui aménagea la célèbre grotte de Lombrives, vont ainsi déterminer que la plus célèbre relique se trouverait dans les vestiges du pog de Montségur, et que les Cathares auraient été les gardiens. Ils mettront en place des fouilles minutieuses dans le château de Montségur et dans la plupart des grottes de Sabarthès. Toutefois, leur théorie ne pourra jamais être prouvée ni ettayée.

   C'est donc en 1931 qu'un jeune homme habillé en montagnard va se diriger vers le château de Montségur. Que vient faire Otto Rahn dans cette ruine dévastée ? Ce dernier remarque très vite des anomalies sur le terrain. Les murailles de la forteresse épaisses de 2 m sont dépourvues de crénelage, excepté le mur oriental. Les tours d'angle sont absentes, et la forme de construction pentagonale accolée à un donjon rectangulaire est étrange. L'édifice semble ne pas avoir été construit selon des contraintes défensives, mais plutôt selon une architecture atypique, voire sacrée. Montségur serait devenu le mont Thabor des Cathares. Otto Rahn passera trois mois à étudier le site avant de revenir en 1937. Était-il missionné par Alfred Rosenberg pour retrouver le Saint Graal ? ou bien s'agissait-il d'une simple visite des lieux animée par un passionné de la période cathare ? Il semble que son départ soit plus dû à une absence de financement plutôt qu'à une fin de mission officielle. N'oublions pas non plus que le catharisme s'étendait jusqu'en Allemagne, d'où ces thèses très prises au sérieux par le IIIe Reich.
   Après 1937, Otto Rahn repartit pour l'Allemagne et ne remit plus les pieds dans le Languedoc. Il disparaîtra dans des conditions mystérieuses.   

 

   Otto Rahn (1904-1939), est un écrivain et archéologue autodidacte allemand, officier de la S.S. Il est l'auteur de deux ouvrages consacrés à la légende du Graal et à la croisade contre les Albigeois, Croisade contre le Graal (1933) et La Cour de Lucifer (1937).

   Les circonstances de son œuvre comme de sa mort font l'objet de plusieurs controverses transformant la vie d'Otto Rahn en un mythe contemporain.

Otto Rhan (1904-1939)
    Otto Rahn se passionne très vite pour les mythes et les épopées germaniques, comme celle de Siegfried « le tueur de dragons ». Il s'éloigne également du christianisme dans lequel il est élevé, et se rapproche des traditions païennes. Il affirmera plus tard : « Mes ancêtres étaient païens et mes aïeux hérétiques ». Il poursuit ses études à Giessen et y décroche le baccalauréat allemand en 1922. C'est là que naît, sous la conduite de Freiherr von Gall, son professeur de religion, sa fascination pour les Cathares.
   Dans les années 1930, Otto Rahn effectue de longs voyages à travers l'Europe qu'il consigne dans son livre "La cour de Lucifer". Ses voyages vont l'amener dans le sud de la France et notamment en Ariège où il veut prouver la véracité historique de la légende de Parzival de Wolfram von Eschenbach. Sa thèse essentielle et sa quête ont pour objectif de retrouver le Graal dans les vestiges du pog de Montségur qu'il croie être un symbole païen et le Montsalvat de la légende. Il y rencontre entre autres Antonin Gadal, Maurice Magre, Déodat Roché et la comtesse de Pujol-Murat. C'est à Ussat les Bains qu'Otto Rahn lie une forte amitié avec Antonin Gadal qui lui présente ses travaux archéologiques. Son premier livre "Croisade contre le Graal" naîtra de cette rencontre.

    Son premier ouvrage est un échec, mais il attire l'attention de Heinrich Himmler, au point que ce dernier offre "La Cour de Lucifer" à Hitler pour son anniversaire, le . Il aborde dans ce livre des thématiques typiquement nordiques, se détachant de la recherche du Graal en se référant à l'Edda et en citant les noms de divinités de la mythologie scandinave comme Odin, Balder, Thor, Hel et Widar.
   Otto Rahn entre dans la Schutzstaffel (S.S.) comme archéologue en
1935 pour pouvoir effectuer ses recherches sur le catharisme. Incorporé à l'État-major de Himmler, il y rencontre Karl Wolff et entretient des relations avec le mystérieux Karl Maria Wiligut, surnommé « le Raspoutine de Himmler ». Sa progression rapide dans la hiérarchie S.S. l'amène au grade de Obersturmführer.   

   Sa mort reste mystérieuse. Ainsi, Gérard de Sède dans son livre "Le trésor Cathare" diffuse des rumeurs sur sa décapitation dans un camp de concentration, alors que Saint-Loup (nom de plume du Waffen SS français Marc Augier), dans son roman "Nouveaux cathares pour Montségur", explore une autre hypothèse à la suite d'une enquête effectuée auprès des autorités de la République fédérale de Bonn grâce à laquelle des papiers laissés par Alfred Rosenberg indiquent une autre explication : "Otto Rahn se serait donné la mort en absorbant une dose de cyanure au sommet d'une montagne de Kufstein pour des raisons politico-mystiques et intimes non précisées". Son corps aurait été retrouvé congelé, le , sur le glacier du massif de l'Empereur. Saint-Loup a supposé qu'Otto Rahn, pacifiste, ne pouvait pas soutenir les ambitions guerrières du IIIe Reich. Il aurait alors suivi la coutume cathare de l'Endura, le suicide rituel.

 

Une découverte cathare et une piste wisigothe ?

   Il faut reconnaître que jusque là, les différentes recherches étaient basées sur des hypothèses peu crédibles, mais un fait historique issu des recherches passionnantes de l'auteur Emmanuel de Careil va relancer le mythe. Le hasard a voulu en effet que durant l'année 1943, en pleine Seconde guerre mondiale, la Gestapo arrête en Belgique un résistant du nom d'Alfred Lardinois (1900-1966). Le malheureux est torturé durant plusieurs jours, et pour arrêter son supplice et négocier sa liberté, il finit par livrer à ses bourreaux une information plutôt surprenante. Voici son récit...

   Passionné par l'histoire des Cathares, des Templiers et des Wisigoths dans le sud de la France, c'est en tant que fantassin belge du 10ème régiment de ligne qu'Alfred Lardinois va vivre une étrange aventure. Alors que son régiment est posté dans le Languedoc, il va profiter de ses permissions pour assouvir sa passion et visiter notamment le château de Montségur. Alfred Lardinois suit en effet les traces d'Otto Rahn et celles de ses études sur la citadelle du Graal parues en 1933 et 1937.
   Ayant une bonne connaissance du terrain à travers les différents écrits de l'époque, le passionné se met a fouiller méticuleusement les alentours du château et finit par découvrir dans une infractuosité remplie de végétation un énorme coffre en bois.
Nous sommes en 1939.
     La malle contient des pièces de monnaie, des objets en or, une énorme émeraude et un calice serti de pierres précieuses. Surtout, et c'est là où le fait devient intérressant, la description qu'il fait de certains bijoux dont des bracelets et des colliers rappelle très précisement le style et l'art wisigoth. Afin de protéger sa découverte et de pouvoir récupérer le magot à la fin de la guerre, Alfred déplace la malle et la cache dans un endroit éloigné du site.
   Affecté comme agent de renseignement et d'action belge le 1er septembre 1942 en tant qu'adjudant, il est malheureusement arrêté en 1943 par les Allemands. Remis à la Gestapo, il est torturé plusieurs jours et finira par parler de sa découverte cathare afin de négocier sa liberté.  

   Les détails fournis sont tels que son témoignage a de quoi surprendre. Les Allemands récupèrent la malle sur son aide et celle-ci est déplacée au château de Wewelsburg. Quant à Alfred Lardinois, il est envoyé à Dachau. Sauvé par les Américains, il décédera en Belgique en 1966.

   Alfred Lardinois ayant réellement existé, on peut évidemment douter de son récit. Cette malle a-t-elle vraimment existé et si oui, appartenait-elle aux Cathares de Montségur ? L'hypothèse selon laquelle ces derniers auraient puisé dans une cache wisigothe située dans le Razès deviendrait alors réaliste. Une cache wisigothe ? Ceci entre en parfaite résonnance avec l'énigme trésoraire de Rennes-le-Château. Or, il faut noter que l'information donnée par Alfred Lardinois est datée de
1943, soit 13 ans avant la publication de l'affaire des deux Rennes en 1956... Exit donc une quelconque influence de l'affaire de Rennes.

   Qu'est devenue cette malle ? Le coffre aurait voyagé courant 1943 jusqu'au château de Wewelsburg, le temple de la SchutzStaffel en Westphalie, d'où l'on pense qu'il aurait été déménagé à la fin de la guerre pour être caché en Autriche.  

Le château de Wewelsburg, temple occulte et maudit du 3ème Reich
Conçu pour être le centre idéologique nazi, il accueillit des cérémonies païennes
Le château aurait aussi conservé de nombreuses œuvres d'art
dérobées durant la Seconde guerre mondiale
    C'est en 1945, une fois démobilisé, qu'Alfred Lardinois recevra la distinction de « Chevalier de l'ordre de Léopold II » avec palme, la « croix de guerre » de 1939-45 (avec palme) ainsi que la « médaille commémorative » de 1939-45 à deux éclairs entrecroisés, pour services rendus à son gouvernement dans le cadre de ses fonctions.

 

La redécouverte des Cathares

   C'est en 1577 que l'on retrouve encore une trace de la famille de Lévis en lien avec Montségur. Il s'agit de Jean VI vicomte de Montségur. Son frère Antoine-Guillaume qui le succédera en 1603 ne relèvera pas le titre. Alors que le dernier document qui mentionne le château date de 1510, la citadelle des martyres tombe dans l'oubli à partir du XVIe siècle.

   Le réveil se déroulera en 1862 où les vestiges seront classés monument historique. Il faudra encore attendre 10 ans pour qu'un pasteur protestant ariégeois, Napoléon Peyrat (1809-1881) publie en 1870 un premier livre culte "Histoire des albigeois". Il est le premier à identifier Montségur à un sanctuaire majeur le la religion cathare et son travail historique sera dans l'air du temps, imprégné de romantisme et de fantastique. Le mythe cathare est né, mais c'est aussi une porte qui s'ouvre vers toutes les dérives. Le mysticisme et l'ésotérisme se développent rapidement sans support historique au cours du XIXe siècle. Tout est mélangé entre druidisme celtique, culte solaire, tradition hindoue, gnose wisigothique. Joséphin Péladan identifie Montségur au Montsalvat de Lohengrin et de Parzival. On comprend alors pourquoi, l'histoire de Montségur franchit si facilement le Rhin avec un certain Otto Rhan qui viendra fouler les terres d'Oc.

    C'est au début du XXe siècle qu'un autre personnage va émerger et laisser durablement son empreinte dans l'Aude : Déodat Roché.  

 

Déodat Roché (1877-1978)
Magistrat, philosophe, anthroposophe, franc-maçon et grand spécialiste historien du catharisme

   Né en 1877 à Arques (Aude) il s'intéresse très vite à l'occultisme, à la spiritualité et à la tragédie cathare. Ordonné diacre en 1903 sous le nom de Théodotos, évêque gnostique de Carcassonne, il fonde la revue : "Le réveil des Albigeois" qui devient : "La Gnose Moderne". Licencié en droit, il fait des études de philosophie, puis devient avocat. Franc-maçon au Grand-Orient de France, il occupe des fonctions supérieures, mais sa carrière de magistrat prend fin avec le gouvernement de Vichy en 1941. Radié du barreau, il va alors se consacrer entièrement à sa première passion, le catharisme. 

   Maire d'Arques en 1935, Conseiller du Canton de Couiza, il fonde en 1948 la "Société du Souvenir et des Etudes Cathares" avec Lucienne Julien qui sera secrétaire puis présidente. Déodat Roché sera à l'origine de la stèle de commémoration au pied du pog de Montségur en 1960.

   Il décédera dans sa maison natale à Arques en 1978 et cette dernière deviendra un musée sur le catharisme
.

Déodat Roché au pied de sa stèle
à Montségur

 

   Puis arrive l'année 1966 dans laquelle le public français découvre dans une émission de télévision la violence de la croisade albigeoise. Stupeur... Car jusque là, le mythe était surtout teinté de mystère et de romantisme. Cette émission s'appelait "La caméra explore le temps" et le choix audacieux qui fut fait était de présenter les Cathares sous un format plus proche de l'Histoire. Il fallut alors évoquer la rébellion d'un peuple et son anti-chrétienté face à une cruauté papale et royale sans limite. Un schisme naîtra à l'ORTF et un bras de fer s'engagera entre le Général de Gaule, la direction et les réalisateurs de la nouvelle vague. Il y a des sujets qui fâchent... On trouvera très vite à la place, pour les fans de l'Histoire de France, Thierry la Fronde et Jacquou le Croquant... 

    Aujourd'hui, le tourisme a pris le flambeau et même si cela irrite quelques irréductibles, il a l'avantage de raviver la mémoire. Le meilleur exemple est celui du sentier cathare, un itinéraire reliant les célèbres « citadelles du vertige ». Long de 250 km, il traverse l'Aude et l'Ariège avec des sites incontournables comme Aguilar, Quéribus, Peyrepertuse, Puilaurens, Puivert, Montségur, Roquefixade et Foix.

 


Le sentier cathare sur 250 km et les châteaux du vertige dits "cathares"

 

Un héritage et une mémoire...
    Comment résumer cette période noire du catharisme, cette parenthèse de l'Histoire méconnue et peu enseignée ? Il faudrait tout d'abord évoquer une religion chrétienne dualiste et plus proche des Hommes qui se répandit un peu partout en Europe, en Flandre, dans la vallée du Rhin, en Champagne, en Italie, et dans le sud de la France où un puissant comte de Toulouse gouvernait entre le Rhône et la Dordogne. Ce monde semble harmonieux, rythmé par les traditions raffinées, l'amour courtois et la belle philosophie chevaleresque chantés en langue d'Oc. C'était sans compter sur l'esprit d'intolérance religieuse de l'Église de Rome et la soif d'un pouvoir royal qui s'acharna sur un peuple. Trois croisades successives furent nécessaires pour éradiquer le mal hérétique, celle de Simon de Montfort en 1209, celle d'Amaury de Montfort en 1219 et celle du roi de France Louis VIII en 1226. Tout ne fut que désolation, massacres d'hommes, de femmes et d'enfants, pillages, bûchers, tortures, délations, destructions, emprisonnements, sièges, famines... Le résultat peu glorieux sera la disparition du catharisme, la dissolution du comté de Toulouse et la création de la très Sainte Inquisition qui finira le travail dans la terreur.  

 

   Comment peut-on après ceci affirmer que l'existence des Cathares serait un mythe ? Une légende destinée à satisfaire de nos jours les productions artisanales et les circuits touristiques ? Comment tirer un trait sur tant de souffrance ? Tant de cruauté ? Comment effacer 300 ans de catharisme ? Comment peut-on aujourd'hui accepter que certains historiens déconstruisent l'hérésie cathare et les cruautés, les bûchers infligés à un peuple ?

   Dans une revue récente "Historia", on pouvait lire un entretien d'un directeur de recherche du CNRS en poste au Centre d'études européennes de Sciences Po affirmant ceci : "Le Pays cathare, un monde imaginaire à but commercial". L'argumentation est facile. La région du Languedoc a utilisé son patrimoine historique à outrance pour se développer. Comment accepter qu'une université entre dans le jeu de cette déconstruction en organisant une exposition au titre provocateur "Les Cathares ont-ils vraiment existé ?". Serait-ce les prémices d'une lame de fond qui a pour but de modifier les regards de notre société sur notre Histoire ? Un courant que l'on commence à nommer timidement "Wokisme" et qui permet à des minorités d'affirmer leur vérité tout en déboulonnant des statues de personnage célèbres ?

   Le chanoine Delaruelle en 1967 affirmait dans la revue Archéologia "Il n'y a jamais eu de bûcher à Montségur". L'Église éprouverait-elle aussi le besoin de retrouver une certaine sérénité ? En résumé, deux camps d'historiens s'affrontent : l'un posté sur une lecture traditionnelle, le second critiquant les sources, et le sujet principal de discorde porte sur le mot "cathare" que l'on trouve rarement dans les archives. A croire que l'absence de cette appellation permettrait de réfuter la présence d'une hérésie et de ses cruautés dans le Midi. Et effectivement, les sources médiévales du Midi désignent les Cathares par ces mots : "Albigeois, Bons hommes", "manichéens", "ariens", "vaudois", "patarins", "hérétiques". Nous y voilà, quatre siècles de souffrance sont remis en cause pour un problème de vocabulaire ! Car, il ne faut pas se tromper : clamer au grand public que les Cathares n'auraient jamais existé revient à un dénie de l'Histoire.

   Pourtant les sources disent le contraire, et le remarquable travail de l'historien journaliste Michel Roquebert a permis de retrouver les noms de 200 réfugiés et victimes du bûcher de Montségur. Les archives ne manquent pas... Celles de Guillaume de Puylaurens, de l'abbaye de Berdoues, de Guillaume Pelhisson, de l'abbaye de Saint-Paul de Narbonne, de l'Inquisition, toutes témoignent de cette même tragédie effroyable qui répandit le sang et les larmes sur les terres du Languedoc.

  Sur quoi s'appuient les détracteurs ? Des documents qui ne sont que partiels ou perdus, des preuves absentes, une chronologie complexe et confuse, des témoignages qui ne viendraient que de l'Église et de l'Inquisition, et surtout un nom qui mit en lumière Montségur tout en lui ajoutant le romantisme de son époque, Napoléon Peyrat (1809-1881). L'Ariégeois, pasteur protestant, consacra en effet sa vie aux Cathares et écrivit son célèbre livre "Histoire des Albigeois" (1870) en idéalisant une société médiévale entre fantastique et Histoire. Formidable travail qui permit d'éveiller les consciences au 19e siècle, mais qui malheureusement jettera le discrédit sur Montségur. Il n'en fallait pas plus à quelques historiens pour démonter le catharisme et réécrire cette période trouble. La crise albigeoise ne serait finalement que le résultat d'une dissidence banale entre un pouvoir royal et religieux, et quelques hérétiques, des Bons hommes et des Bonnes femmes n'ayant pas suivi la foi officielle de Rome. Plus d'Église cathare, plus de cérémonie et le consolament est une invention, pas de prêtres, d'évêques, exit tout aspect ésotérique ou spirituel. Mieux, le catharisme ne serait finalement qu'une affaire de tourisme créée de toute pièce, et amplifiée par le moteur économique de toute une région. Le révisionnisme est en marche, et il est clair que
certains passages de notre Histoire dérangent. N'oublions jamais que notre histoire médiévale s'est forgée par les guerres de religion les plus effroyables, et il faut sans cesse se battre contre l'oubli. 
    La colombe de lumière à Minerve est heureusement là pour témoigner de la barbarie infligée à une communauté au nom d'une religion et d'une royauté. Véritable symbole de la tolérance entre les peuples, le catharisme prend aujourd'hui tout son sens et toute sa force. Quatre siècles de souffrance n'auraient donc pas suffi à nous rendre plus clairvoyants et plus sages ?

   N'oublions jamais que plus de deux cents hommes et femmes périrent volontairement sur le bûcher de Montségur tout en nous laissant un message d'amour et de paix... N'oublions jamais Montségur !  

La colombe de lumière à Minerve
« Al cap dels sèt cent ans, verdejera lo laurel »
Au bout de 700 ans reverdira le laurier…

Selon la légende, cette prédiction aurait été formulée par Guilhem Bélibaste,
l'un des derniers cathares mis au bûcher en 1321...

 

Chronologie de la croisade
IIIe siècle Le prophète Manès fonde la doctrine manichéenne du bien et du mal.
950 Apparition en Bulgarie d'une religion européenne évangélique hostile à l'Église de Rome sous le nom de bogomilisme du nom d'un prêtre, Bogomile.
1022 Adémar de Chabannes, chroniqueur, alerte sur des condamnations à Toulouse de "manichéens" envoyés au bûcher.
1025 Des accusés à Arras avouent travailler de leurs mains, faire voeu de chasteté, être contre le baptême et toute forme de sacrement afin de devenir de "Purs chrétiens".
1028 Le duc d'Aquitaine Guillaume V réunit un concile en 1028 à Charroux afin de combattre les hérétiques.
1049 Un concile à Reims signale que des hérétiques surgissent dans toutes les parties de la Gaule.
1056 À Toulouse, des hérétiques sont condamnés
1119 Le concile de Toulouse dénonce les hérétiques
1139 Second concile de Latran
1140 Pierre de Bruis très actif dans le Languedoc termine sur le bûcher à Saint Gilles
1145 Mission de Bernard de Clairvaux dans le comté de Toulouse pour s'opposer aux discours non chrétiens
1147 Des moines cisterciens sont envoyés pour tenter de redonner la raison aux Albigeois, mais tous échouent
1163 Le moine Eckbert de Schönau écrit "Liber contra hereses katharorum"
et utilise le nom "
cathare"
1165 Assemblée de Lombers et condamnation d'hérétiques locaux
1167 Assemblée cathare à Saint-Félix-de-Caraman sous la direction de l'évêque Nicétas de Constantinople
1177 Le comte Raymond V de Toulouse demande à l'abbaye de Cîteaux une aide pour combattre l'hérésie
1178 Mission d'Henri de Marsiac dans le Midi
1179 Le concile œcuménique de Latran III indique que l'hérésie progresse 
1199 L'hérésie gagne la Dalmatie et la Bosnie où le bogomilisme est religion d'État
25 mars 1199 L'Inquisition est annoncée par la bulle papale Inocent III "Vergentis in senium"
1206 L'évêque castillan Diego d'Osma et son chanoine Dominique de Guzman tentent de convaincre les hérétiques et fonde le monastère de Prouilhe près de Limoux.
1207 Miracle de Fanjeaux et joute oratoire entre Saint Dominique et un évêque cathare
15 janv 1208 Chargé de combattre l'hérésie cathare, le légat du pape Pierre de Castelnau est assassiné
1209 Première croisade albigeoise.
Arnaud Amaury et Guy des Vaux de Cernay 
parcourent alors le royaume de France afin d'inciter les barons à prendre part à la croisade. Simon de Montfort est choisi par quatre barons pour diriger la croisade albigeoise.
22 juillet 1209 L'armée des croisés menée par le représentant du pape Arnaud Amaury et Simon de Monfort, est chargée par le pape Innocent III de mettre un terme à la religion cathare. C'est le massacre de Béziers.
15 août 1209 Le vicomte Raimond-Roger Trencavel essuie une défaite cuisante à Carcassonne devant les croisés commandés par Simon de Montfort. Carcassonne capitule.
10 nov 1209 Le vicomte Raimond-Roger Trencavel meurt dans la prison de la cité de Carcassonne.
22 juillet 1210 La ville de Minerve capitule devant les croisés
3 mai 1211 La ville de Lavaur tombe. La soeur d'Aimery, dame Guiraude est jetée au fond d'un puits et lapidée. Pas moins de 400 parfaits sont brûlés vifs.
1212  Le Nord de l'Albigeois (territoires du Tarn) et l'Agenais sont envahis par une nouvelle arrivée de croisés.
12 sept 1213 Simon de Montfort et les croisés atteignent Muret. C'est la bataille de Muret. Après le sac de Béziers et la prise de Carcassonne, l'armée vainc Pierre II roi d'Aragon et meurt
Juin 1215 Croisade des Albigeois à Toulouse. Les croisés de Simon de Montfort entrent à Toulouse, tandis que Raymond VI fuit en Angleterre.
30 nov 1215 Quatrième concile de Latran. Le pape Innocent III et le concile œcuménique prennent des décisions radicales. Les religions cathares et vaudoises sont condamnées. La discrimination du peuple juif est approuvée. Une nouvelle croisade est décidée. Simon de Montfort se fait attribuer les terres de ses ennemis
25 juin 1218 Toulouse se révolte contre Simon de Montfort et le pousse hors des murs. La ville est assiégée, mais une lourde pierre s'abat sur sa tempe et le tue sur le coup. Son fils, Amaury, reprend le combat, mais il sera écrasé par Raymond VII qui récupérera ses terres.
1219 Seconde croisade albigeoise Son fils, Amaury VI de Montfort, reprend le combat mais il sera écrasé par Raymond VII qui récupérera ses terres.
14 juillet 1223 Le roi Philippe Auguste meurt et la paix est remise en cause
30 janv 1226 Troisième croisade albigeoise
Tout est prêt pour une nouvelle croisade contre les Cathares et elle est conduite par Louis VIII, le père du futur Saint Louis
.
12 avril 1229 La régente Blanche de Castille, mère de Louis IX, obtient la signature du traité de Paris avec le comte de Toulouse Raymond VII qui met fin à la croisade albigeoise. Le comte est contraint d'abandonner une partie de ses terres au profit du Roi. À la mort du comte, la couronne récupérera l'ensemble des territoires.
Février 1231 Le pape Grégoire IX pose les bases de l'Inquisition en France
20 avril 1233 Le pape Grégoire IX lance l'Inquisition en France et la chasse aux hérétiques est confiée aux Dominicains, l'Ordre des Frères prêcheurs fondé par Dominique de Guzman.
1234 Canonisation de Dominique de Guzman par l'Église.
13 mai 1239 Robert le Bougre jette dans les flammes 183 personnes en Champagne. C'est le bûcher du Mont-Aimé
Juillet 1241 Le château de Montségur est assiégé par Raymond Trencavel comte de Toulouse
28 mai 1242 Des Inquisiteurs sont assassinés à Avignonet-Lauragais par des chevaliers cathares
Noël 1243 Prise du Roc de la Tour au château de Montségur
16 mars 1244 Le château de Montségur capitule et 225 Cathares sont brûlés vifs au pied des remparts, au "Prat des cramats"
27 sept 1249 Raymond VII, comte de Toulouse, principal défenseur des Cathares, meurt et laisse ses terres à son gendre héritier, Alphonse de Poitiers. À la mort de ce dernier, en 1271, le comté de Toulouse reviendra à la Couronne de France.
80 croyants Cathares sont brûlés à Agen.
1252 Une bulle papale d'Innocent IV décide de légitimer la torture.
1255 Chabert de Baibaire rend Queribus qui est la dernière place forte cathare.
1270 Mort de Louis IX (Saint Louis) lors de la huitième croisade, devant Tunis.
13 fév 1278 À Vérone, 200 Cathares sont brûlés vivants dans l'un des pires épisodes de l'Inquisition qui est alors à son apogée.
1303 Geoffroy d’Ablis est nommé inquisiteur à Carcassonne
1309 Jacques et Guilhem Authié, Arnaud Marty, Prades Tavernier, Amiel de Perles, Philippe d’Alairac et Raymond Fabre sont capturés et mis au bûcher. Guilhem Bélibaste s’enfuit de l’autre côté des Pyrénées.
24 août 1321 Le dernier "parfait" cathare occitan connu, Guilhem Bélibaste, meurt sur le bûcher au pied du château de Villerouge-Termenès. C'est la fin officielle du catharisme
24 août 1324 L’Inquisiteur dominicain Bernard Gui rédige son célèbre ouvrage "Pratica Inquisitionis" ("la pratique de l’Inquisition")
1325 Bûcher d'une croyante cathare à Carcassonne
1328 Jacques Fournier, évêque de Pamiers en Ariège et futur pape Benoît XII, décide d'emmurer vivant 510 Cathares dans la grotte de Lombrives
9 sept 1329 Dernier bûcher connu de trois Cathares à Carcassonne
1412 Dernières sentences contre les Cathares italiens