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Le feuillet Tobie - Rennes-le-Château Archive

Le feuillet du Liber Tobiæ
Un parchemin étrange

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

 

   Au cours de cette vaste enquête sur l'énigme de Rennes, il arrive parfois que certains évènements surviennent de façon totalement imprévue dans l'actualité castel rennaise. C'est le cas d'un document particulièrement intéressant pour sa valeur historique, mais aussi pour son caractère mystérieux, laissant derrière lui un parfum de Rennes : le feuillet Tobie.

 

   Ce sujet que je soumets aux passionnés ne cherche en aucune manière à prouver une quelconque thèse. Comme toujours, je laisse le lecteur juge. J'apporte uniquement ici un témoignage, ayant eu le privilège de manipuler ce vieux parchemin et d'avoir pu échanger quelques savoureuses discussions avec l'expert qui le présenta à une vente aux enchères parisienne à la fin du mois de mai 2009.

 

    Le temps nous dira si ce document possède une importance extrême ou non pour l'énigme. En attendant, prenons‑le tel que et laissons nous entrainer dans son rêve.

 

 

Je tiens à remercier ici, Mr Roch de Coligny, expert au Cabinet "Honoré d'Urfé" à Paris (62 rue Vaneau 75007 Paris), pour sa gentillesse et sa disponibilité, et qui me permit de mesurer la portée historique de ce parchemin et de son commentaire. Son appréciation sur l'authenticité et son analyse objective
sont évidemment cruciales dans ce type d'affaires.

Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un vrai parchemin.

 


Le parchemin Tobie dans sa vitrine
à Drouot‑Richelieu le 28 mai 2009

 

L'histoire d'une vente

   C'est un passionné qui m'alerta lors de son apparition. En effet, le parchemin fut présenté à une vente aux enchères publiques le vendredi 29 mai 2009 à 14 h, dans la salle 4 du prestigieux emplacement Drouot‑Richelieu à Paris.

 

   Mais pourquoi un tel intérêt ? Car je le confirme ici. À l'annonce de la vente, l'expert fut littéralement assailli de coups de téléphone, apparemment par des collectionneurs atteints de sauniérologie. Les principales questions étaient : "Etesvous sûr de son origine ?"

 

   Il faut dire que dans le commentaire du catalogue figurait cette petite phrase suffisante à réveiller n'importe quels chercheurs de Rennes :

 

   Le parchemin a ensuite servi de chemise pour renfermer différents documents médiévaux (dont les franchises de Bugarach en 1307) réunis par un notaire de l’Aude (Bernard Siau, à Couiza) qui détenait de nombreux manuscrits dans le “coffre d’Hautpoul”.

  

   C'est donc avec une certaine curiosité que je me rendis à l'exposition Richelieu Drouot du 28 mai. Il fallait en savoir plus sur son authenticité et son histoire.

 

   Mais comme il ne faut pas non plus quitter l'implacable réalité la côte des livres et des manuscrits anciens, rappelons que le feuillet Tobie fut estimé entre 4000 € et 8000 € prouvant ainsi sa valeur historique.

 


L'enluminure côté verso du feuillet Tobie

 

   Il est clair que le parchemin est d'une qualité exceptionnelle, mis en valeur par une magnifique lettrine. L'enlumineur, comme l'indique l'expertise, est inconnu, mais son talent ne fait aucun doute.

 

   Il est d'autre part incontestable que compte tenu du sérieux des experts et de la maison Drouot, le document et son commentaire sont à analyser de près, car un lien avec l'affaire de Rennes est évident. La référence au coffre d'Hautpoul reste tout de même mystérieuse.

 


Le parchemin Liber Tobiæ côté face

 

    Mais il est inutile de rapporter partiellement les commentaires de son expert. Voici donc un extrait du catalogue qui décrit parfaitement le manuscrit.

 

  Feuillet du Liber Tobiæ   (Chartres, XIIe s.)

 

   Commencement du Livre de Tobie (Liber Tobiæ). Scriptorium de Chartres, milieu du XIIe siècle (vers 1140‑1145).

 

   Grand feuillet de parchemin : 38 cm sur 54 (+ 5 à 8 mm par endroits); replis de 2 à 3 centimètres. En langue latine. Texte aux recto & verso, écrit en deux colonnes à 48 lignes réglées à la pointe sèche; belle écriture régulière, à l’encre brune, parfaitement lisible. Une grande lettrine (7 cm sur 7,5) aux couleurs bleu, rouge & vert rehaussées de blanc, sur fond doré; présentant un dragon mordant la barre du T et dont la queue s’enroule en une spirale feuillagée de façon à former le corps d’un T oncial. Une petite lettrine à l’or & filaments rouges. Titres aux lettres bleues & rouges.

 

Au XVIIIe siècle, le verso de ce feuillet a été masqué par du carton collé ; le parchemin a ensuite servi de chemise pour renfermer différents documents médiévaux (dont les franchises de Bugarach en 1307) réunis par un notaire de l’Aude (Bernard Siau, à Couiza) qui détenait de nombreux manuscrits dans le “coffre d’Hautpoul”. Le texte du verso reste donc à découvrir après décartonnage. Trois petits trous sans gravité; pliure à atténuer; replis écoinçonnés.

 

Feuillet de dimensions exceptionnelles. On ne connaît qu’un très petit nombre de manuscrits des XIe, XIIe ou XIIIe siècles, dont la hauteur dépasse 52 cm, et la largeur 35 cm (soit les dimensions d’une peau entière pliée en deux).

Avec 38 cm sur 54, nous avons ici un des plus grands manuscrits qui soient pour cette époque. Parmi ses pairs, citons la Bible de Souvigny (39 cm sur 59), celle de Saint Martial de Limoges (39,5 cm sur 53), celle de la Sauve Majeure (36 x 54 cm) & bien sûr celle de Saint Yriex (41 x 58,5 cm).

 

Composition

 

  Texte disposé sur deux colonnes à petites lignes (parva linea), comme le sont généralement les Bibles, les Liber precum et autres livres religieux.

 

  La disposition de ces colonnes obéit à certaines règles traditionnelles de proportion & de composition, que l’on peut dégager comme suit, bien que le parchemin ne soit pas “coupé au carré”.

‑ On remarquera tout d’abord que l’angle supérieur gauche du “bloc de composition” est disposé sur la diagonale de la feuille. La marge de tête et celle de pied sont dans un rapport du simple au double.

 

‑ On notera ensuite que les deux colonnes forment un “bloc de composition”, délimité par les réglures à la pointe sèche, de 248 sur 408 mm (au bord de la marge de grand fond, on aperçoit les trous de poinçons qui ont servi à déterminer la hauteur des lignes à régler). Ce qui fait un rapport très proche de la “divine proportion” (ou “nombre d’or”), selon laquelle le rapport de la largeur à la hauteur est le même que celui de la hauteur à la somme de ces deux grandeurs. De plus, le rapport de surface entre le bloc de composition et la page est quasiment du simple au double; cette proportion devient parfaitement exacte si l’on compte dans le bloc la première ligne suscrite.

 

‑ Le nombre de lignes est de quatre douzaines (soit 48), dont l’espacement est déterminé par un module préétabli (il ne s’agit pas d’une construction géométrique, mais d’une règle). Le titre, lui, est suscrit à trois lignes au‑dessus du bloc. De haut en bas de la feuille, l’on pourrait tracer exactement 64 lignes (soit 16 lignes supplémentaires). C’est dire que les lignes effectivement tracées occupent les trois quarts de la hauteur; la marge de tête tient l’espace de 5 lignes, celle de pied l’espace de 11.

 

‑ Nous pouvons ainsi remarquer que le scribe (ou plutôt le maître d’œuvre du manuscrit), ayant au départ deux données impératives (l’espacement des lignes et la grandeur des feuilles de parchemin), a établi pour l’ensemble des feuilles du futur manuscrit, un module linéaire horizontal dont il a ensuite déterminé les limites verticales (colonnes) selon la norme traditionnelle d’imposition du bloc sur la diagonale. Ce schéma établi une bonne fois (afin que l’ensemble du manuscrit soit harmonieux), il l’a reporté sur chaque feuille en déterminant l’angle supérieur gauche du bloc, puis en traçant les limites verticales, enfin en traçant la ligne supérieure et les suivantes. C’est ce qui explique la régularité parfaite du tracé malgré la forme irrégulière du parchemin. Nous avons donc là un bon exemple de composition, dont les harmonies & les proportions, voire la symbolique, restent encore à découvrir.

Ecriture

 

L’écriture de ce parchemin peut s’analyser comme suit :

 

‑ le ductus est nettement carolin. Nous ne sommes pas encore dans l’esprit de la gothique qui se caractérisera principalement par le fractionnement du geste et la standardisation du trait, et donc par la rupture des courbes et l’apparition d’angles vifs. Ici, nous avons l’harmonie traditionnelle de l’écriture.

 

Nota bene : nous écartons —nous ne sommes pas le seul— la notion de “gothique primitive”, qui semble tout à fait inadéquate, et qui devra être abandonnée un jour. En effet, on n’a élaboré cette notion qu’en se basant sur la forma litteræ. Or, il est clair que le principe de l’écriture, c’est bien le ductus (le geste), comme l’âme est le principe du corps vivant. Ainsi, puisque l’écriture est d’abord mouvement (et seulement par conséquent forme), c’est d’abord le ductus qui doit déterminer l’espèce de l’écriture, nonobstant des similitudes de forme avec d’autres espèces. Comme il se trouve que le ductus de la prétendue “gothique primitive” est le même que celui de la caroline classique, nous sommes donc en présence d’une véritable caroline, quoique évoluée dans ses formes. Le ductus de la gothique sera, lui, entièrement différent (quoique d’une forme parfois assez proche de la caroline tardive), donnant naissance à une nouvelle espèce d’écriture.

 

   Ce fut un véritable “saut”, une révolution (similaire à celle que l’on observe dans les autres arts, à la même époque). Il n’y a pas de continuité d’espèce, mais une différence de nature entre ces deux écritures, contrairement aux préjugés (quasi darwiniens) d’évolution continuelle & linéaire, qui ont présidé à la notion de “gothique primitive”.

 

‑ la forme des lettres, par contre, s’éloigne de la caroline traditionnelle : les hastes sont courtes; le dessin est étroit; le A s’est redressé, le D oncial cohabite avec le D droit (confer les trois graphies différentes du mot dedit aux lignes 34, 35 & 44 de la seconde colonne); on note les deux formes de S (le S droit, fréquent; et le S serpentin, rare, que l’on ne trouve qu’à la fin des mots, et qui y est systématique après O; confer les deux graphies du mot regis aux lignes 10 & 35 de la seconde colonne); les deux formes de R. La ligne s’est amincie; les abréviations sont assez fréquentes.

 

‑ toutefois, bien des signes restent classiques : la languette du E final est parfois saillante, même à l’intérieur de la ligne; une cédille sous le E signifie Æ; pas de trait diacritique sur le I; le jambage du G est ouvert. La ligature entre S & T est systématique.

 

   Ce manuscrit nous fait voir les derniers feux de la minuscule caroline, fidèle dans son esprit, évoluée dans ses formes. Cette écriture est à comparer, par exemple, à la minuscula claravallensis, utilisée dans le scriptorium cistercien de Clairvaux au xiie s. (dont on a un exemple dans la Regula pastoralis de saint Grégoire : BM de Troyes, Ms. 955).

   On la rapprochera aussi, surtout pour l’usage des majuscules, de deux manuscrits du second quart du xiie siècle, conservés à la Bibliothèque Bodléienne d’Oxford (Ms Latin 46, et Ms Holkham misc. 34).

   L’écriture de ce feuillet de Bible situe indubitablement sa réalisation dans le scriptorium épiscopal de Chartres. Une bible chartraine, issue du même escritoire, voire écrite de la même plume, est aujourd’hui conservée à Troyes (BM, ms 2391), dans laquelle on retrouve : la même écriture, les mêmes grandes capitales en bleu & en rouge, les mêmes petites capitales en rouge, les mêmes petites lettrines dorées à filaments (que l’on retrouve aussi, un peu différentes, dans Reims 342 & Tours 93).

Peinture

 

   L’on serait tenté de rapprocher notre enluminure, de l’œuvre des maîtres qui ont peint les lettrines des manuscrits suivants : • Troyes, BM, ms 2391 • Vendôme, BM, ms 23, 34, 61, 115 • Tours, BM, ms 93, 116, 291, 321 • Reims, BM, ms 342 • Orléans, BM, ms 144 • BSG, ms 7, 225, 553, 559, 1041 et 1042.

 

   Parmi ces peintres qui forment comme une communauté d’inspiration, se distingue le “maître de Vendôme” (et son atelier), à qui l’on peut attribuer les manuscrits Vendôme 23, 34, 61, 115, et Tours 321.

 

   C’est toutefois un enlumineur jusqu’ici inconnu, travaillant dans le scriptorium épiscopal de Chartres, qui a dessiné, peint & doré la grande lettrine de notre feuillet de Tobie. Quoiqu’on puisse le comparer, pour l’inspiration, aux maîtres des manuscrits ci‑dessus, notre enlumineur les surpasse hautement dans son art : alors que chez ses confrères, la disposition des rinceaux est régie par une géométrie figée, et que les feuillages, très convenus, parsèment l’espace sans l’occuper vraiment, ici au contraire la composition est audacieuse, l’espace est vigoureusement animé, le cadre est partout débordé, les feuillages exubérants se meuvent très librement, les couleurs sont d’une surprenante harmonie (le vert est particulièrement étonnant). Ce feuillet semble donc être un témoignage unique de l’œuvre de ce peintre attaché à l’escritoire cathédral de Chartres. À cette époque, la cité de Chartres était célèbre par son école cathédrale, fondée par saint Fulbert, et qui fut, aux dires de Jacques Le Goff, un des grands foyers de la Renaissance du XIIe s., que Paris ne surpassera que plus tard.

Notre feuillet enluminé illustre ainsi le rayonnement intellectuel & artistique de Chartres.

Extrait  du catalogue Drouot, édité par lafon svv & le Cabinet d’expertise : « honoré d’urfé », Paris, 2009

 

Le parchemin Liber Tobiæ côté face 

 


Le parchemin servait de couverture à un dossier

 

Un commentaire en or

   Mais le plus intéressant est certainement ce qui vient ensuite. Car derrière plusieurs pages d'analyse, un résumé construit à partir d'un commentaire est proposé comme une illustration ludique du parchemin. Le résumé a été élaboré par l'expert qui supposa utile de rapporter dans le catalogue quelques notes manuscrites trouvées avec le parchemin.

 

   En fait, le manuscrit de grand format servait à couvrir un dossier. Son envers était collé sur les deux faces externes de la chemise. C'est en voulant récupérer le document précieux que du cartonnage resta collé sur son verso.  Mais le plus étonnant est que si le parchemin fut choisi à la vente Drouot pour son bel aspect historique, certaines notes manuscrites que contenait le dossier n'eurent pas cette destinée. Heureusement pour les passionnés de Rennes, l'expert, en toute objectivité et ne connaissant pas réellement la portée de ses notes, fit un résumé dont voici le texte ci‑dessous  :

 

Résumé d’un commentaire ancien

 

   Nous donnons ici le résumé d’un long commentaire biblique & historique, écrit au début du XXe siècle, et qui accompagnait ce feuillet enluminé. Son auteur était vraisemblablement un ecclésiastique, qui avait eu accès au “coffre d’Hautpoul” dans lequel ce document était conservé.

   Ce manuscrit contient le commencement de l’histoire de Tobias : il raconte qu’étant enfant, Tobias allait dans le TEMPLE DE JERUSALEM et qu’ensuite il fut emmené en captivité dans un pays étranger. Là, il trouva grâce auprès du Roi, qui lui donna pouvoir d’aller librement partout où il voulait. Il alla donc dans la cité de RAGÈS, emportant avec lui DIX TALENTS D'ARGENT que le Roi lui avait confiés. Il y trouva un nommé Gabel, à qui il remit toute cette quantité d’argent; un DOCUMENT MANUSCRIT (“chirographe” : « SUB CYROGRAPHO ») fut alors rédigé.

 

   L’histoire se continue au verso : Tobias rendit visite à chaque personne de sa parenté pour lui apporter la CONSOLATION. On lit de plus qu’après le coucher du soleil, Tobias sortit de chez lui et alla en cachette enterrer le CORPS D'UNE PERSONNE ASSASSINÉE. Le verso rapporte aussi un épisode où est mentionné le DÉMON ASMODÉE. Les derniers mots du manuscrit font mention d’un laps de temps de trois jours et trois nuits. Comme l’indique la suite du LIBER TOBIAE, le “chirographe” dont il est question dans ce récit aura la plus grande importance, car il faut le détenir pour pouvoir recouvrer les dix talents d’argent. À sa mort, Tobias le donna à son fils, lui aussi nommé Tobias, et lui dit : « TU AMASSERAS UN GRAND TRÉSOR ». Tobias‑fils prit ce chirographe, mais comme il ne connaissait pas le chemin pour aller dans la cité de RAGÈS située dans une montagne inaccessible nommée EX‑BÉTHANIS, il rencontra un jeune homme de noble lignée qui, sachant tous les itinéraires, l’y conduisit. En route, accompagnés par Cyon, ils remontèrent le courant d’une rivière, où Tobias pêcha un poisson qu’ensuite il fit griller & saler. Après moult péripéties détaillées dans ce livre, Tobias devint très riche, et un second écrit fut rédigé.

 

   Pour retrouver le dépôt d’argent grâce au chirographe, Tobias donna cette consigne à son compagnon : « REDDIS CHIROGRAPHUM », ou « REDDAS CYROGRAFUM ». Une fois arrivé à terme, il rapporta une très grande fortune dans la maison d’Anne. Une des dernières phrases du liber tobiæ dit : « IL EST BON DE CACHER LE SECRET DU ROI » (« SACRAMENTA REGIS »).

   Le texte précédent (colonne de gauche du recto du parchemin) commence par cette maxime : « IL EST PERMIS AUX JUIFS DE SUIVRE LEURS LOIS », et se termine par une malédiction : toute province et toute cité qui ne voudra pas célébrer la solennité (le treizième jour du douzième mois), PERIRA PAR LE GLAIVE ET LE FEU, et sera détruite.

 

   Curieusement, on trouve dans ce feuillet isolé plusieurs leçons différant du texte traditionnel de la Vulgate, ainsi que quelques omissions de mots; de plus, l’orthographe des noms propres (noms de personnes ou de lieux) est parfois non conventionnelle.

 

   Selon une tradition plus ancienne (et plus détaillée), le chirographe de Tobias était un document manuscrit qui avait été divisé en deux parties : l’une fut gardée par Tobias, l’autre fut conservée avec les dix talents d’argent. Il fallait alors réunir les deux parties de ce chirographe pour pouvoir reprendre possession du dépôt. Cet argent était renfermé soit dans des coffres (IN ARCIS), soit dans des sacs (IN SACCELLIS) scellés; il fallait plusieurs bêtes de somme pour le transporter.

 

   Le talent était une mesure contenant six mille drachmes (la drachme étant une pièce d’argent); ce qui fait environ quarante‑cinq kilogrammes. Soit, pour dix talents : 60.000 drachmes, ou 450 kg. Si l’on considère le cours de l’argent au poids, dix talents ont une valeur pondérale brute de 30 000 francs‑or. Mais si l’on considère la quantité de pièces (60.000) contenues dans ces dix talents, on aboutit, eu égard à leur valeur moyenne sur le marché de l’archéologie, à une estimation minimale de six millions de francs‑or.

 

   La cité nommée « RAGÈS » (ou Rhadès ?), est située dans la montagne « EX‑BÉTHANIS », près de la Medie Terra. Cette cité très ancienne, dont il reste à déterminer la localisation exacte, fut presque totalement détruite par des envahisseurs au cours du XIIIe siècle (soit peu de temps après l’écriture de notre manuscrit).

(fin du résumé du commentaire composé au début du XXe s.)

 

Et si le Chirographe était le parchemin ?

 

   Il est évident que l'auteur des notes manuscrites, peut‑être un ecclésiastique, devait se trouver dans la mouvance de Rennes. Un vocabulaire particulièrement évocateur y est utilisé. Mais surtout, il est très important de connaître la forme de ces notes et leurs teneurs exactes, car s'il y a eu analyse c'est que le manuscrit a une valeur dans l'énigme. D'autre part, le résumé comporte des majuscules qui d'après l'expert ont été parfaitement reportées. Pourquoi s'être donné la peine de mettre toute une série de mots en majuscules ? Sommes‑nous face à un nouveau parchemin codé dont les notes seraient un mode d'emploi ?

 

   Pour être sûr de ne pas transformer les quelques informations existantes aujourd'hui, voici ce que nous dit Mr Roch de Coligny, expert auprès du cabinet d'expertise « Honoré d'Urfé » et avec qui j'ai eu un entretien direct :

 

   « Le commentaire initial est issu de 4 notes et la date de son élaboration pourrait se situer vers le début du XXe siècle avec une marge maximale d'erreur de 25 ans. L'écriture est lisible et régulière. Il n'y a pas de signature, mais compte tenu du vocabulaire utilisé on pourrait l'attribuer à un ecclésiastique. La datation a été réalisée d'après le style de l'écriture. Je confirme également que le parchemin « Feuillet du Liber Tobiæ » et le commentaire sont authentiques. De plus il n'a jamais été question d'associer à la vente le parchemin et le commentaire »

 

« Les mots en majuscules du résumé proviennent exactement des notes manuscrites »

 

« Les mots en italiques Vulgate et Media Terra ont été soulignés dans les notes »

 

« Il n'existe pas de coïncidence entre ces éléments. Ce qui aurait été surprenant, au contraire, ce serait de ne pas trouver dans le reste des archives d'Hautpoul, des documents relatifs à leurs seigneuries de Rennes ou de Bugarach ! On y trouve par exemple aussi la copie faite en 1782 par le notaire Bernard Siau, de la convention de Bugarach en 1307 et qui était adressée à la Marquise de Hautpoul, seigneuresse de Bugarach... »

 

« Je veux me limiter à mon métier d'expert et je ne désire pas prendre parti pour l'affaire de Rennes le Château... »

(Roch de Coligny)

 

   Ces commentaires sont tout à l'honneur de M de Coligny qui fait preuve ici d'une parfaite honnêteté et qui veut bien sûr conserver son objectivité. Il reste néanmoins que si ces documents sont authentiques (et rien ne permet d'affirmer le contraire), ces informations inédites sont incontestablement de nouveaux grains à moudre pour tous les chercheurs...

 

   Le verso du parchemin est moins attrayant pour une vente à Drouot, mais sa valeur reste intacte. Ayant servi de couverture, le précieux parchemin fut collé à un dossier cartonné, puis délicatement arraché. Heureusement, les parties encollées ont résisté et elles conservent toujours l'écriture sous une couche de papier.

 


Un document précieux qui reste à nettoyer...

 


Verso du parchemin (Détail)

 

   Un travail de nettoyage est évidemment à prévoir pour retrouver la beauté du document, mais par transparence on peut déjà juger de son contenu. On peut ainsi vérifier que le mot ASMODEE est bien présent au verso. Il restait introuvable au recto.

 


Le parchemin verso et par transparence
On distingue sous la tache blanche au centre "ASMODEE"

 

Qu'est‑ce que le livre de Tobie ?

   Le livre de Tobie fait partie de l'Ancien Testament et raconte les aventures d'un juif appelé Tobit sous la forme d'un roman épique et initiatique. Il apporte en fait une réponse à la question qui taraude la communauté juive en exil : comment vivre son judaïsme au milieu des païens ? Pour Tobie, la religion devient essentiellement une pratique familiale. En exil, le Juif doit vivre le plus possible retranché des païens et surtout se marier au sein de sa communauté.
 

Résumé du livre :

 

  Déporté à Ninive et devenu aveugle, Tobit rencontre sa future épouse, Sara, victime des démons qui font périr l'un à la suite de l'autre ses époux. Tobit retrouve la vue et Sara est dépossédée grâce à l'intervention de l'ange Raphaël.

 

   Tobit, un Juif pieux fait partie de la déportation à Ninive. Victime d'une maladie des yeux, il devient aveugle et est réduit à la misère. Il envoie alors son fils, Tobie, recouvrer une dette. Tobie part alors dans un long voyage. Il y rencontrera sa future épouse, Sara, victime d'un démon qui fait périr ses fiancés au fur et à mesure qu'ils se déclarent...

 

   Tobit sera guéri de sa cécité et Sara délivrée de son démon grâce à l'intervention d'un ange, Raphaël, qui va accompagner Tobie tout au long de son voyage.

 

   Tobie raconte en fait un véritable voyage initiatique. Le jeune homme part très loin pour finalement trouver comme épouse sa plus proche parente. Parti pour une raison financière, il revient de son voyage avec le remède qui guérira son père. L'aboutissement heureux de cette quête réside dans la fidélité à la loi. Tobit (le père) est un modèle dans ce domaine. Au péril de sa vie, il s'attache à garder les commandements de la Loi alors même qu'il se trouve en terre étrangère.

 

   À la lecture du livre, on comprend que l'auteur est Tobit lui‑même, mais pourtant il ne s'agit pas d'une histoire rédigée au moment de la captivité des Juifs dans le royaume assyrien. En fait, tout indique que le livre a été rédigé pendant la période grecque, probablement 200 ans avant notre ère (ainsi, il est question de payer l'ange Raphaël avec des drachmes). Sans certitude, cet ouvrage est peut‑être l'œuvre d'un Juif de la diaspora qui essaye de réfléchir à la manière de vivre sa foi en milieu païen. Le livre de Tobie témoigne d'un monothéisme fervent et d'un attachement scrupuleux à la Loi. Le monde païen est perçu comme hostile et le Juif fidèle doit l'éviter.

 

Le livre complet est disponible ici :

 

http://www.bibleetnombres.online.fr/bible6nc/tobie.htm

 


Photo prise en Corrèze où l'on voit l'Ange Raphaël et Tobie
Sculpture bénie en 1899 aux célèbres grottes de St‑Antoine de Padoue à Brive.
(Merci à F. Pous pour sa photo)

 

 

   Finalement la vente sera réalisée à 14 h le vendredi 29 mai 2009 et le parchemin partira dans la poche d'un collectionneur pour 12000 €

 

   Dommage que le petit musée de Rhedae ne puisse pas encore s'offrir un tel document... Un jour peut‑être...

 

À signaler que des documents médiévaux devraient faire l'objet d'une autre vente, mais pas avant un an, donc à suivre...

 


Prix de vente : 12000 €