Ou l'histoire d'un grand Secret...

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Alfred Saunière - Rennes-le-Château Archive

Alfred Saunière
Un frère en or à plusieurs facettes

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

 

Jean Marie
Alfred Saunière

 

Né le 17 février 1855 à Montazels
Mort le 9 septembre 1905 à Montazels
Frère de Bérenger Saunière

 

   Les prêtres qui ont gravité autour de Bérenger Saunière ont tous eu des comportements plus ou moins étranges ou atypiques. Ce fut le cas également avec son frère cadet, Alfred Saunière.

Longtemps oublié par les chercheurs,
on le découvre peu à peu aujourd'hui.

Une chose est certaine, il porte aussi
une grande part du mystère...

 


 

Alfred Saunière

(1855‑1905)

 

Une confusion qui a la vie dure...

    Avant d'aborder la vie d'Alfred Saunière, il est important de rappeler une confusion qui dure depuis très longtemps et qui continue de polluer certaines études et chroniques récentes. Il existe en effet deux portraits photographiques d'Alfred Saunière bien connus des passionnés, or l'un d'eux est à l'origine d'une malheureuse erreur qui, de plus, renforça un mythe : le fameux voyage de Bérenger Saunière à Paris...

 


Deux portraits d'Alfred Saunière faits à Paris, 27 faubourg Montmartre
chez le photographe A. Vaugon

 

   La confusion naquit en janvier 1956 lors de la révélation de l'affaire au public. Afin de créer un peu de publicité autour de son nouveau restaurant, Noël Corbu eut l'idée d'écrire le récit du "curé aux milliards". La fabuleuse histoire fit alors trois articles dans un journal régional, "La dépêche". On y voit la photo de soi‑disant Bérenger Saunière, mais en réalité, il s'agit de son frère Alfred... Bien sûr, à l'époque personne ne se doutait d'une telle erreur. 

Les trois articles parus dans le journal "La dépêche" en janvier 1956

et la photo par erreur d'Alfred Saunière

 

   C'est aussi à partir de cette époque que Gérard de Sède sera alerté et commencera son enquête à Rennes‑le‑Château. Le romancier aura alors toute la matière pour préparer son futur Best‑seller "L'Or de Rennes" qui paraîtra en 1967 avec l'aide occulte et mystérieuse de Pierre Plantard également présent sur les lieux.

   Les photographies de soi‑disant Bérenger Saunière avec l'adresse "
 A. Vaugon à Paris, 27 faubourg Montmartre " vont alors favoriser une piste qui arrange bien le romancier : le voyage présumé de Bérenger à Paris. Car, au fil de l'enquête, des révélations amenées par Pierre Plantard font apparaître plusieurs personnalités dans l'affaire, des célébrités qui résident à Paris dans des cercles artistiques et littéraires. Il fallait donc faire monter le "curé aux milliards" sur la capitale pour rendre crédible le récit... Or, les photos confirment cette thèse.

 

   Mais il faut bien se rendre à l'évidence ; il n'existe pour le moment aucune preuve permettant d'affirmer que Bérenger soit monté à Paris. Par contre, il en va pas de même pour Alfred Saunière qui a dû se rendre au laboratoire photo parisien...

  L'erreur se propagera pendant très longtemps, et jusqu'en 1990 les chercheurs et auteurs sont persuadés que les deux portraits sont bien ceux de
Bérenger Saunière. Même aujourd'hui, des documentaires et des livres reprennent cette erreur...

Bérenger Saunière

 

Une vie peu banale

    Jean Marie Alfred Saunière, frère cadet de Bérenger Saunière, naquit en 1855 à Montazels. Son père, Joseph Saunière (1823‑1895) était le régisseur des terres du château de Montazels. Comme Bérenger, il choisit la prêtrise et fut ordonné prêtre en 1878. Il fut ensuite nommé Vicaire à Alzonne où il occupera la cure durant 2 ans.

   En 1880 il devint professeur au Petit Séminaire de Narbonne et enseigna chez les jésuites, ceci jusqu'en 1892. Mais sa carrière prend subitement un virage car en 1893 il se déclare "Prêtre libre" et commence une carrière de missionnaire.

    Ce choix ne va toutefois pas couper ses liens avec l'évêché puisqu'on le dirige vers une branche ecclésiastique particulière : aumônier militaire.


Alfred Saunière jeune

 

   Mais a cette époque les troubles entre l'Église et l'État sont importants. Les prêtres sont tous la plupart antirépublicains et Alfred Saunière qui n'échappe pas à la règle, est particulièrement remarqué pour ses positions prononcées. De plus, le poste d'aumônier militaire lui sera refusé par les autorités civiles, or cette autorisation est indispensable pour l'évêché.

 

1897 ‑ Une relation surprenante

 

   En 1897, il rencontra la marquise du Bourg de Bozas et devint aumônier du Patronage de Narbonne. Ceci prouve qu'Alfred voyageait également. En effet la marquise avait plusieurs lieux de résidence. On prête d'ailleurs à Alfred une liaison avec la noble marquise...

 

   Mais la même année, il devint aussi le précepteur des enfants de la famille du marquis de Chefdebien, grand dignitaire de la Franc Maçonnerie. Comment et par qui put‑il obtenir ce poste ? Comment a‑t‑il connu cette famille ? Tout laisse penser que ce serait grâce à la marquise, mais ceci reste un mystère.

 

   Notons qu'au même moment, son frère Bérenger était en pleine décoration de son église Marie‑Madeleine. Les travaux se termineront par la visite de Mgr Billard le 6 juin 1897...

   Le marquis de Chefdebien de Zagarriga est un personnage curieux. Grand dignitaire de la Franc‑maçonnerie, il est issu d'une très ancienne famille du Languedoc, originaire du Poitou (branche cadette de la famille vicomtale des Chefdebien d'Armissan alliée en 1790 à la noble famille catalane des Cagarriga) et possédant de grands domaines. Son aïeul au XVIIIe fut le fondateur d'une loge maçonnique importante et très active que l'on retrouve aussi au XIXe siècle. Le marquis était aussi un intime du comte de Chambord, héritier au trône de France et mort le 24 août 1883.

 

Rappelons que la comtesse de Chambord fit don de 3000 francs‑or à Bérenger Saunière en 1886. Des liens existaient donc déjà...

 

   On peut aussi se poser des questions sur Alfred et les conséquences de ce contact prolongé avec une grande famille franc‑maçonne. Il est vrai que de nombreux prêtres à cette époque étaient francs‑maçons, mais il existait aussi des courants opposés très virulents.

 

   Alfred Saunière, précepteur, a‑t‑il profité de cette position privilégiée pour user de quelques avantages et dans quel sens ? A‑t‑il bénéficié d'informations importantes ?

 

   Naviguait‑il dans certains milieux politico‑financiers ? Il faut convenir que de nombreuses pistes restent à explorer dans ce domaine.


 

La comtesse de Chambord

   Il existait à Paris, rue Pierre Charron, au n°45 (angle de l'avenue George V) un bâtiment aujourd'hui détruit : l'Hôtel du marquis du Bourg de Bozas dans lequel on pouvait trouver le salon de la marquise du Bourg de Bozas, particulièrement en vogue à l'époque 1900. On y organisait des mondanités parisiennes et on aimait s'y montrer. D'ailleurs la marquise avait d'autres lieux de rencontre à Canne, à Biarritz ou à Deauville. Durant l'automne, on pouvait aussi la rencontrer lors des chasses organisées au château de Prye en Bourgogne et ensuite dans le Berri, au château de Saint Hubert entre 1880 et 1890 (ce château appartenu à l'évêché de Bourges en 1831).

 

Une vie de débauche ?

 

   Tout aurait pu se dérouler normalement, mais des années plus tard, Alfred fut chassé de la maison des Chefdebien et frappé de "suspens a divinis" par sa hiérarchie pour sa vie de débauche... Quel outrage a‑t‑il pu commettre ? Cet épisode restera sous silence.  

 

   Malgré certains écarts, son frère Bérenger le protégea sans cesse. Lors de son procès, Bérenger Saunière ne cessera d'affirmer que l'acharnement de sa hiérarchie envers lui est en réalité dû à son frère Alfred et à ses fautes. De quelles fautes s'agissait‑il ? Il n'en dira jamais plus. Le fait est que sa hiérarchie semblait être très au courant.

 

   Une autre rumeur rapportée par René Descadeillas explique qu'Alfred Saunière aurait eu un enfant illégitime avec une religieuse, mais aucun document ne viendra prouver ces dires. Cet épisode avec les Chefdebien fut sans doute l'échec de sa carrière et peut‑être celle de sa vie.

 

1903 ‑ Retour à Montazels et descente aux enfers

 

   On le retrouve à Montazels en 1903 où il vécut avec une femme plus jeune, Marie Emilie Salière et avec qui il aura un enfant, André. La fin de sa vie sera une véritable descente aux enfers. Ceux qui le connurent rapportèrent qu'il aimait boire entre amis, ce qui débouchait souvent par quelques scandales et des comportements extravagants. Ses échecs de carrière le rendirent sans aucun doute dépressif et alcoolique.

   Détail cocasse, un jour, complètement saoul, il se mit à uriner depuis sa terrasse sur la rue (propos rapportés par le maire du village de Montazels en 2001 M. André Fromilhague).

 

   Durant cette même période, le Domaine de son frère Bérenger se terminait. Finalement, Alfred, malade, mourut à 49 ans le 9 septembre 1905 et il ne connaîtra jamais son fils né 7 mois plus tard.

 

   Mais derrière ce drame familial, un autre mal plus profond couve depuis longtemps, celui des parents de Bérenger qui se déchiraient. À la mort d'Alfred un conflit familial plus grave que les autres vint éclater et Bérenger Saunière écrira dans une note datée du 18 avril 1906 : 

 

   " Les graves évènements qui se sont déroulés depuis la mort de mon pauvre frère m'ont ouvert les yeux et changé mes idées "

 

Un mystérieux frère en or

   Alfred est sans conteste un personnage extrêmement paradoxal. Alors qu'il poursuit une carrière religieuse irréprochable, il semble tout à coup sombrer dans une vie plutôt légère. Alors qu'il mène une vie discrète, il entre dans une famille aussi célèbre que mystérieuse du Languedoc. Alors qu'il suit une carrière religieuse, il devient un activiste politique chevronné. Alors qu'il semble retrouver une vie familiale à Montazels, il tombe dans une déchéance qui lui coûtera la vie. Tout le ramène à la lumière malgré lui, et pourtant le connaît‑on vraiment ?

 


Alfred Saunière
   Derrière une existence mouvementée, se cache en réalité un autre personnage qui a semble‑t‑il son poids en francs‑or...

  
En effet, Alfred aurait financé Bérenger par des dons relativement importants et que l'on estime à
55 000 francs‑or. Lors du procès de Bérenger à partir de 1902, ce dernier eut la constante volonté de minimiser le rôle de son frère. Voulait‑il le protéger ? Connaissait‑il vraiment ses relations politico‑religieuses ?
D'où venaient ces fonds ?

 

   Alfred est un homme à plusieurs facettes et l'une d'elles se dessine dès le 16 septembre 1902, date à laquelle le sous‑préfet de Narbonne souligne dans un rapport adressé au préfet les activités subversives d'Alfred Saunière.
   Ce dernier, antirépublicain convaincu, écrivait régulièrement dans le Courrier de Narbonne contre le gouvernement et dénonçait sans égard la politique républicaine.

   Or un autre document datant de 1896 prouve déjà son engagement politique. Il s'agit d'une demande d'information à propos de sa future affectation au 16e corps militaire en tant que prêtre. Déjà à cette époque, le sous‑préfet écrivait au préfet en relatant les comportements antirépublicains d'Alfred.


Relance de la demande d'information par le ministère des Cultes
envers Alfred Saunière prédicateur
et adressée au Préfet ‑ 1896

 

   C'est aussi avec ses courriers que l'on découvre Alfred rédacteur en chef du journal "la croix du midi". On comprend mieux alors pourquoi il choisit de quitter dès 1893 ses fonctions de prêtre pour devenir un prêtre libre. C'était le seul moyen pour lui de retrouver une certaine liberté de parole et ainsi d'affirmer ses convictions contre le gouvernement.

 

   Voici donc un prêtre libre, engagé dans la cause antirépublicaine ceci jusqu'à militer dans un journal d'opposition et de plus,  pourvoyeur de fonds pour le compte de son frère Bérenger.

   Détail amusant, Bérenger eut droit également au titre de "Prêtre libre" comme l'indique une enveloppe envoyée par l'un de ses amis, Jacques Sabatier.


Extrait d'une enveloppe envoyée par
Jacques Sabatier à son ami Bérenger Saunière
(Fond Corbu‑Captier)

 

   En effet, après sa suspension par la hiérarchie, l'abbé de Rennes‑le‑Château eut le même attribut... Décidemment, les prêtres Saunière avaient du sang de révolte dans les veines et chacun à sa manière le fit savoir. Malheureusement pour eux, cet affrontement contre les pouvoirs en place leur coûta très cher. Nous avons en tout cas ici un trait de caractère en commun qui mérite d'être relevé.

   Mais ceci ne dit toujours pas d'où venaient les fonds levés par Alfred. Avait‑il établi des accords avec certaines familles royalistes et en échange de quoi ? Tous les papiers relatifs à Alfred furent perdus ou détruits et il faudra du temps avant de comprendre, mais la patience est une qualité essentielle que doit posséder tout chercheur de Rennes...

 

   Nous avons très peu de photo d'Alfred et une nouvelle image est toujours un évènement.

   Cette photo rendue publique ne manque ni de charme ni de mystères.

   Voici une réunion de prêtre autour d'un livre que tient fermement Bérenger Saunière et qui démontre un sens accru de la mise en scène. Remarquez comme chaque prêtre pose son regard dans des directions différentes...

 

   Compte tenu de l'apparence physique de Bérenger Saunière et de l'année d'assassinat de Gélis (1897) on peut estimer la date de cette réunion entre 1895 et 1897.


De gauche à droite et selon les dernières hypothèses : Bérenger Saunière, Malot (curé de Grèzes près de Carcassonne et le neveu de l'abbé Gélis), Alfred Saunière, Henri Boudet (non certifié) et Antoine Gélis.