Rennes‑le‑Château
fourmille de belles histoires. Voici celle d'un limonadier
pas comme les autres...
Élie Bot naquit en 1861 et mourut à
l'âge de 86 ans, le 15 mars 1947, 30 ans
après la disparition de Bérenger Saunière.
Limonadier à
Luc sur Aude,
c'est un personnage peu connu de l'affaire de Rennes. Pourtant, il
fut le bras droit de Saunière en tant que maçon et maître d'ouvrage.
À ce titre, il connut mieux que personne
toutes les directives du prêtre à propos de ses
constructions, ses plans, ses projets, et peut‑être plus encore...
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Elie Bot (1861‑1947)
|
La période du gros
œuvre... |
Devant l'importance du
travail de restauration de son église en
1885, l'abbé Saunière n'eut pas le choix. Il devait embaucher
une équipe de maçons pour l'aider dans cette tâche immense.
C'est donc le 1er juin 1885 que Saunière recruta
un limonadier de
Luc‑sur‑Aude, un petit village situé à quelques kilomètres de
Rennes‑le‑Château et qui connaissait la maçonnerie. Cette
association devait former jusqu'à leur mort une complicité
des plus énigmatiques qui soient.
Saunière
réussit donc à convaincre
Élie Bot de travailler pour lui en tant qu'entrepreneur, vers la fin de
l'année
1886, les samedis
après‑midi et les dimanches.
C'est ainsi qu'en 1887, date de début de la restauration de
l'église Marie Madeleine, Élie Bot
et un jeune manœuvre démontèrent l'autel à la demande du jeune prêtre. Trouvèrent‑ils des parchemins dans l'un des
piliers wisigothiques ? Gérard de Sède nous l'affirme dans son roman. Illustré des deux fameux
parchemins le best‑seller alimentera durant
50 ans les chercheurs...
À propos des parchemins, une phrase étonnante
d'Élie Bot nous est rapportée par
P. Jarnac dans son livre "Histoire du
trésor de Rennes‑Le‑Château" :
"Les parchemins restèrent à peu
près illisibles et en tout cas,
ils ne se
rapportaient pas à de l'argent ..."
Si cette phrase est vérifiée, on peut
faire deux remarques : Élie Bot confirme l'existence de
parchemins, mais leur décryptage lui était en tout cas
inconnu. D'autre part, le lien direct entre parchemin et
trésor n'était pas établi pour
Élie Bot et donc peut être aussi pour Saunière
...
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Plus
tard, ce fut la découverte près de l'autel d'une cache sous
la
dalle des Chevaliers. Les ouvriers présents découvrirent
une "oule" pleine d'objets brillants. On connaît la suite,
puisque ce fut sans doute cette découverte très concrète qui
réveilla l'affaire des deux Rennes...
Comment alors
imaginer qu'Élie Bot ne fut pas au courant d'une
partie des secrets de son employeur et ceci malgré les
efforts de Saunière d'étouffer par la suite les bruits sur
ce cadeau providentiel ?
Il est tout à fait légitime de penser
qu'une entente secrète se noua dès lors entre les deux hommes.
L'un donnait les directives, l'autre agissait avec la pelle
et la pioche, le tout dans une complicité parfaite. Car même
aujourd'hui, nous ne savons que très peu de choses sur leurs relations
exactes. On peut même parler de trio
puisqu'il ne faut pas oublier
Marie Dénarnaud,
la confidente et complice qui aida l'abbé à prospecter la nuit les
tombes dans le petit cimetière de Rennes‑le‑Château...
C'est en 1900 que
Saunière acheta 6 terrains
au nom de Marie Dénarnaud, l'objectif étant de construire son "Domaine". Il employa pour cela
un architecte,
Tiburce Caminade, un entrepreneur, Élie Bot et
17 ouvriers.
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La Tour Magdala en pleine construction |

La Tour Magdala fraichement terminée |
Un chantier très important se mit en place et le domaine nécessita de nombreux travaux de
terrassement. Les terrains durent être aplanis avec des niveaux de terrasse différents. Des tonnes de terre durent être déplacées et
ramenées, le tout sans nos machines actuelles. Il fallut également respecter un plan précis, le Domaine devant respecter un cahier des
charges extrêmement détaillé. La Villa Béthanie fut
construite à partir de pierres taillées à Saint Sauveur et
ramenées à dos de mulet. Prenez le temps de gravir à
pied la colline jusqu'à Rennes‑le‑Château et vous comprendrez ce que ces travaux pharaoniques ont dû représenter pour l'époque, sans
la technologie actuelle. |

La Tour Magdala se termine ‑
Le sas est prêt à être posé |
Voici donc comment ce simple limonadier entra dans la légende. Homme de confiance de l'abbé
Saunière, il supervisa tous les travaux et les constructions jusqu'en
1910. Elie Bot réalisa ainsi sous ses
ordres : la réfection de l'église Marie‑Madeleine, la Tour Magdala, la Tour de l'Orangeraie, le Belvédère, les jardins,
et la Villa Béthanie,
sans compter tous les aménagements annexes. Toutes
ces constructions sont telles que le souhaitait Saunière et
selon des plans bien établis. La géométrie du Domaine démontre aujourd'hui l'ampleur du projet et sa rigueur. |

La Villa Béthanie et les jardins en 1904 |
Mais nous sommes encore bien
obligés de nous poser quelques questions.
Elie Bot ne pouvait en tant qu'entrepreneur prendre le risque d'entamer des travaux aussi
conséquents sans avoir l'assurance d'être payé. Et pourtant,
même si nous n'avons pas aujourd'hui toutes les traces des
sommes versées, les travaux furent correctement
terminés.
Plusieurs anecdotes significatives nous ont été rapportées :
lors des repas avec ses invités il était parfois question
d'argent. C'est ainsi qu'Antoine Beaux, un confrère de
Campagne‑sur‑Aude, interpella
Saunière en ironisant :
"Mon cher, à vous voir
mener si grand train,
on croirait que vous avez
trouvé un trésor"
Saunière répondit en langue d'oc :
"Me l'an donat, l'ai panat, l'ai parat é
bé lo teni"
Traduction :
"Ils me l'ont
donné, je l'ai pris, je l'ai apprêté; eh bien,
je le tiens bien"
Il est très intéressant de
remarquer l'utilisation dans sa réponse du "Ils"
au pluriel qui montre que
Saunière
n'était pas seul dans la confidence. Nous savons
aujourd'hui que très probablement le prêtre fut instrumentalisé par
Henri Boudet,
Jean Jourde et
Mgr
Billard
pour gérer certaines affaires
obscures...
Ces affaires troubles menées par
Saunière sont confirmées par une autre remarque d'Élie Bot en parlant de l'abbé :
Quelquefois, en se mettant
à table, il lui arrivait de s'exclamer en patois
:
"Je n'ai plus le sou, il faut que j'aille
en chercher !"
C'est un fait, Saunière
s'absentait régulièrement durant plusieurs jours. Il prenait sans
aucun doute le train de
Couiza pour rejoindre notamment des banques à
Toulouse,
Perpignan ou
Budapest. Pour éviter de répondre
à des questions embarrassantes et faire croire à son
entourage qu'il était toujours à Rennes‑le‑Château, un
habile stratagème était organisé avec la complicité de
Marie Dénarnaud.
Des
lettres d'excuse soigneusement préparées étaient laissées à
Marie qui n'avait plus qu'à les poster lorsque c'était
nécessaire... Quant à Élie Bot, bras droit de
Saunière, il avait toute la confiance de ce dernier pour
traiter les affaires courantes avec les artisans.
|

Saunière à gauche et Élie Bot à ses côtés
en 1903
|
Les carnets de comptabilité de 1995 à
1915 de Bérenger Saunière offrent quelques
informations sur les relations qu'Élie Bot
entretenait avec son employeur. Bien que ce qui a été déclaré
par l'abbé dans ses carnets n'était certainement que la face
visible de l'iceberg, ces quelques chiffres sont
révélateurs.
Ci‑contre, une lettre d'Élie Bot datée
du
26 octobre 1907 et réclamant à Saunière un
règlement de 124,20 Francs or, mais ce n'est pas le seul
exemple. Le 1er mars 1906
Élie Bot réclamait 456,17 Francs or.
Saunière était‑il mauvais payeur ? Mauvais
comptable ? Ou tout simplement ceci n'était‑ce qu'une
couverture pour cacher autre chose ?
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Lettre de Bot adressée à Saunière 1907
(© Pierre Jarnac)
|
Les tableaux ci‑dessous présentent par
année les versements effectués par
Saunière à
Élie Bot et inscrits dans ses carnets. Les montants sont
donnés en Francs or
(Source Octonovo) |
1
901 |
juin
|
300
|
juillet
|
400
|
août
|
400
|
septembre
|
200
|
octobre
|
400
|
novembre
|
400
|
décembre
|
200
|
Total
|
2300
|
|
1
902 |
3 mai
|
200
|
21 juin
|
412,50
|
14 août
|
200
|
27 septembre
|
400
|
8 novembre
|
200
|
décembre
|
200
|
Total
|
1612,50
|
|
1
903
|
9 février
|
250
|
21 mars
|
200
|
2 mai
|
300
|
24 juin
|
300
|
3 août
|
350
|
26 sept
|
300
|
14 novembre
|
300
|
décembre
|
200
|
Total
|
2300
|
|
1
904 |
7 mai |
200 |
4 juin |
200 |
5 juillet |
300 |
août |
100 |
septembre |
300 |
octobre |
300 |
6 décembre |
200 |
Total |
1600 |
|
1
905 |
14 / jan |
200 |
13 / mars |
200 |
6 / mai |
200 |
juillet / août |
200 |
2 sept |
300 |
nov / déc |
200 |
Total |
1300 |
|
1
906 |
janvier |
200 |
Total |
200 |
|
1
908 |
janvier |
124 |
Total |
124 |
(Ce versement correspond à la lettre
ci‑dessus)
|
|
Soit un total de
9436,50 Francs or, sans compter les régularisations...
Sachant que le Franc
or valait entre 1905 et 1910 environ
19,9 Francs actuels
(ce coefficient INSEE tient compte de
l'érosion monétaire liée à la
consommation des ménages), la somme serait équivalente à :
9 436,50 x 19,9 =
187 786,35 Francs actuels, soit
28 628 €
Si cette somme parait désuète
pour construire tout un domaine viabilisé, il faut savoir
que la comparaison du pouvoir d'achat sur de longues périodes
est empirique. En effet, entre 1905 et aujourd'hui, le confort, la
qualité des matériaux, et l'exigence des normes ont beaucoup
évolué, surtout dans l'habitat.
D'autre part, il est très difficile d'estimer
le coût réel des travaux, car Saunière achetait aussi par lui
même des matériaux et des fournitures...
Lors de son procès en 1911,
Bérenger Saunière
déclarait avoir dépensé:
Villa Béthanie : 4522 Francs or (90000
Francs actuels)
Tour Magdala : 2010 Francs or (40000 Francs
actuels)
Terrasse et jardins : 955 Francs or (19000
Francs actuels)
Soit 7487 Francs or
|
Il faut rappeler que le salaire
officiel de Bérenger Saunière était de
75 Francs or par mois, soit 1490 Francs actuels.
Les juges avaient donc de quoi se poser des questions...
|

Reconnaissance de dettes de 400
francs or de Saunière à Elie Bot
et datée du 21 mars 1906
‑ © Pierre Jarnac |
Son caveau à Luc‑sur‑Aude |
Elie Bot fut enterré en mars
1947 dans le petit cimetière de
Luc‑sur‑Aude, et il fit construire pour lui et sa famille
un tombeau imposant.
Sous la plaque épitaphe, on peut voir
Élie Bot dans un médaillon en gilet, cravate et veste.
Mais ce qui est surprenant est derrière la porte du caveau.
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 |
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L'intérieur du caveau et son tabernacle
décoré d'une belle croix celtique
Ci‑contre, le caveau d'Élie Bot à Luc‑sur‑Aude |
Lorsque l'on pousse la porte du caveau, il est troublant de s'apercevoir qu'Élie Bot
semblait inspiré par l'église de Rennes‑le‑Château.
On retrouve en effet au fond l'autel décoré de deux
tours, la voûte constellée d'étoiles d'or et les murs aux
fleurs de lys. Un même bleu colore le tout. Sur chaque côté de l'autel on trouve les initiales E B pour Élie Bot.
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L'autel en pierre de taille est un
tabernacle rappelant étrangement celui de l’église de Saunière ci‑contre.
On retrouve les deux colonnes et la forme triangulaire caractéristique bordée d'escaliers.
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L'autel de l'église de
Rennes‑le‑Château
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Le tabernacle d'Elie Bot
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Croix celtiques
Comment ne pas faire la relation entre
cette belle croix celtique au‑dessus de l'autel d'Élie Bot et les multiples croix celtiques dans l'église de
Saunière ?
Il faut se rappeler que très
probablement
Boudet et
Jean Jourde, agissant
dans l'ombre pour crypter l'église, utilisèrent la croix celtique à plusieurs reprises comme élément de décoration. C'est aussi
une manière d'établir un lien avec le livre codé "La Vraie Langue
Celtique".
Est‑il possible que 20 ans plus tard,
Élie Bot ait voulu
conserver ce lien symbolique ? Peut‑être à la demande de
Boudet...
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La croix celtique au‑dessus de
l'autel d'Elie Bot
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La croix celtique au‑dessus des anges
dans l'église de Rennes‑le‑Château
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La croix celtique au‑dessus de la
chaire
dans l'église de Rennes‑le‑Château
|
Notons que la croix celtique a revêtu de
nombreuses mutations au cours des âges. Il n'existe pas une
croix type, mais un ensemble de configuration possible selon les
époques et les influences culturelles ou régionales. Sa
construction de base ne change pas. Un cercle et une croix
centrée.
Voici
quelques exemples : |

Croix celtique
du XVe ou du XVIe
siècle
Église Saint Friard à Besné
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Croix gravée dans un cercle
Croix celtique du VIIe
siècle
Chapelle Scotts en Irlande
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Croix celtique
du XIIe ‑ XIVe
siècle
Église Saint‑Laurent à Dinan
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Enfin, si l'on se tourne le dos au caveau, on
peut admirer la colline de Rennes‑le‑Château.
Élie Bot,
fidèle bras droit de Saunière, peut ainsi surveiller ses
constructions pour l'éternité...
Le moins que l'on puisse dire est que
l'ésotérisme de Saunière déteignit fortement sur son âme
damnée Élie Bot...
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En face du caveau d'Élie Bot
Rennes‑le‑Château
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