Ou l'histoire d'un grand Secret...

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Jean Jourde - Rennes-le-Château Archive

Jean Jourde
Un lazariste entouré de mystères...

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

 

    R. P.  Jean Jourde
 

Né le  16 décembre 1852 à Aniane
Mort le 17 mai 1930 à Montolieu
 

Supérieur du couvent lazariste
de Montolieu de 1915 à 1930

 

   Voici un autre prêtre du Haut‑Razès qui ne manque pas non plus de mystères. Découvert tardivement dans l'affaire de Rennes grâce au chercheur Franck Daffos, il fut révélé en 2007.
Ce personnage trouve sans aucun doute, toute sa place dans le puzzle de la fin du 19
e siècle. Était‑il l'éminence grise de Boudet ? Est‑il le dernier maillon d'une longue chaîne de rebondissements historiques et secrets ?
Certains indices tendent à le montrer...


Plaque d'un calvaire de l'Aude
où figure le Père Jean Jourde
(photo F. Pous)

Je tiens à remercier le chercheur et historien Franck Daffos qui fit connaître
au public ce prêtre, l'une des clés du mystère des deux Rennes,
 et sans qui cette pièce du puzzle nous serait encore inconnue
(lire "Le puzzle reconstitué" aux Ed. Pégase)

 

Je remercie également les Sœurs de la Maison de la Charité de Montolieu de m'avoir si gentiment accueilli dans leur retraite, un lieu hors du temps et chargé d'Histoire...

 

 

   Lorsque l'on entre dans la nébuleuse Jean Jourde, on change également d'univers. Du petit monde de Rennes‑le‑Château, on pénètre dans celui des lazaristes et de la Compagnie du Saint Sacrement, dans celui de l'église Saint‑Sulpice de Paris, de Jean‑Jacques Olier, de Nicolas Pavillon, de la famille Fouquet, de Louis XIV, de Nicolas Poussin, des sociétés secrètes comme L'Angélique ou la Compagnie de Jésus, du Méridien de Paris, des Cassini et des frères Perrault...

 

    Ce sont des faits historiques qui se mêlent et s'entremêlent sur plusieurs siècles d'intrigues. Ce sont des liens secrets qui se tissèrent entre des hommes de pouvoir, des hommes d'Églises, des artistes et des scientifiques. D'affaires d'État en  procès‑fleuves, d'indices codés en tableaux hermétiques,  de Sociétés Secrètes en complots, tout montre une effervescence qui culmine toujours autour des mêmes personnages et des mêmes thèmes récurrents. Quel est donc ce secret qui préoccupa tant de puissants et que Nicolas Poussin voulait conserver précieusement ?


   Jean Jourde le connaissait‑il ? C'est‑il impliqué pour clore au mieux une affaire sulfureuse ? Et de façon plus générale, existe‑t‑il un début à cette résurgence castel rennaise qui s'étale entre le XVIe et le XIXe siècle ? Existe‑t‑il une fin ?

 

   Difficile de conclure. On peut toutefois poser un premier jalon au XVIe siècle avec Saint Vincent de Paul, le fondateur des lazaristes. Quant au jalon final, il pourrait bien être Jean Jourde et sa disparition en 1930...

Saint Vincent de Paul Chapelle des lazaristes
à Paris

 

Son corps y est
conservé au


95 de la rue de Sèvres

 

   C'est en 1633, que Saint Vincent de Paul fonda avec Louise de Marillac, la Congrégation des "Filles de la Charité" après avoir fondé l'année précédente celle des "lazaristes". Usé et fatigué, il mourut le 27 septembre 1660.

 

   À noter que Saint Vincent de Paul eut toujours une grande vénération pour les lieux de consécration à des Vierges Noires. Rappelons aussi que Jean Jacques Olier, curé de l'église Saint‑Sulpice et Nicolas Pavillon, le célèbre évêque d'Alet‑les‑Bains,  furent ses élèves ce qui le relie pleinement au secret de Rennes.

 

Jean Jourde et sa carrière lazariste

1852 ‑ Naissance de Jean Jourde près de Montpellier

 

   Jean Jourde naquit le 16 décembre 1852 à Aniane, près de Montpellier. Son père, également nommé Jean Jourde et sa mère, Claire Rougier, ne se doutaient pas que leur fils irait un jour ouvrir les portes d'un séminaire pour y suivre sa foi.


En effet, sa première formation était plutôt orientée vers la technique et plus exactement vers le métier de "Métreur" que l'on appelait aussi "Toiseur" (La Toise étant une ancienne unité de mesure).  L'activité consistait à mesurer et à quantifier tous les besoins liés à un projet de construction ou de rénovation. Débutant avec un géomètre, son avenir était tout tracé. Pourtant, comme prédestiné à suivre un autre chemin, il changea radicalement ses projets. Au grand regret de son père, le jeune homme prit soudainement conscience que Dieu l'appelait à une autre destinée.

 

1874 ‑ Entrée au Séminaire de Saint‑Sulpice à Paris

 

   C'est ainsi qu'il franchit la porte du grand Séminaire lazaristes le 14 août 1874 pour y préparer sa prêtrise. Et le lieu est prestigieux puisqu'il s'agit du grand Séminaire de Saint‑Sulpice à Paris, l'école phare des prêtres lazaristes.  De 1874 à 1880 , soit durant 6 ans, il suivra des cours de langues anciennes, d'hébreu, de latin, de grec et de théologie, en plus des matières classiques. Le niveau est élevé et il s'adresse à une élite, la future élite cléricale, rien que çà....


Le séminaire de Saint‑Sulpice à Issy‑les‑Moulineaux (Paris) aujourd'hui

 

   Jean Jourde a les compétences. Il l'a prouvé dans sa précédente vie alors qu'il était pressenti comme un futur ingénieur brillant. L'un de ses professeurs va aussi se révéler être un atout majeur dans sa future destinée. Car en face d'une vingtaine d'élèves maximum, se trouve le Père Fulcran Vigouroux (1837‑1915). Son nom est resté célèbre pour avoir édité un ouvrage imposant : le dictionnaire de la bible en cinq volumes (1891‑1912). Ce travail colossal avait pour objectif de réunir dans un seul recueil la base des connaissances religieuses de l'époque...

 

   De ces cours magistraux sortiront du rang quelques érudits religieux qui marqueront l'histoire théologique et canonique comme Jacques Thomas (1853‑1893) ou Joseph‑Marie Lagrange (1855‑1938) qui rejoindra les Dominicains puis Jérusalem.  

 


Le séminaire Saint‑Sulpice de Paris en 1887

 

    N'oublions pas non plus que durant 6 ans il aura tout le loisir de découvrir l'église Saint‑Sulpice de Paris, l'un des épicentres de l'affaire de Rennes. Ce sera incontestablement un autre atout et un lien particulier pour ce futur prêtre, voué à un bien étrange parcours.

 

   Jean Jourde reçut le sous‑diaconat le 21 décembre 1878 et le diaconat le 7 juin 1879.

 


Le séminaire de Saint‑Sulpice tel que l'a connu Jean Jourde entre 1874 et 1880

 

   La fondation de la Compagnie des Sulpiciens (prêtres de Saint‑Sulpice) avait pour objectif de créer un séminaire où les prêtres et les futurs ecclésiastiques recevraient une éducation religieuse exemplaire. Le recrutement était très sévère et ouvert non seulement à des candidatures nationales, mais internationales. Il était demandé aux candidats une grande moralité, une volonté de piété certaine, une vocation ecclésiastique évidente et enfin des qualités intellectuelles élevées. L'école devait former une élite. On y prodiguait des cours de Morale, de Patrologie, de Droit canonique, d'Hébreu et de Grec. Les élèves devaient suivre durant un an des cours fondamentaux dans les locaux de la place Saint‑Sulpice puis une autre année à la "Solitude" d'Issy‑les‑Moulineaux.
   Il faut remarquer qu'entre 1870 et 1880, l'enseignement des futurs prêtres de province était plus traditionnel et essentiellement orienté sur l'étude de la Vulgate et du latin. Les Sulpiciens avaient une démarche beaucoup plus large, plus scientifique et surtout analytique, fournissant aux élèves des bases très solides et reconnues.

 

1880 ‑ Prêtrise et arrivée à ND de Marceille

 

  Jourde obtint sa prêtrise le 22 mai 1880, soit 5 ans avant que Bérenger Saunière ne gravisse en tant que nouveau prêtre, la colline de Rennes‑le‑Château.

   Cette année fut un nouveau virage pour le jeune sulpicien, car le hasard, s'il s'agit vraiment de hasard, voulut qu'il soit dirigé pour sa première mission vers ND de Marceille, le fameux Sanctuaire audois.

 

   Est‑ce l'envie de retourner dans sa région d'enfance ? Ou bien a‑t‑il été conseillé ? D'autres points de chute lazaristes existent pourtant autour de Montpellier. Le fait est que le jeune prêtre, érudit, promis aux plus belles carrières lazaristes, va se retrouver dans un lieu plutôt isolé, proche de Limoux. C'est suite à deux départs qu'il rejoindra l'équipe lazariste dirigée par le R.P. Léopold Vannier. Elle se compose de Etienne Portes, Pierre Pendariés, Marc Guéry et Amédée Ferrafiat. Ce dernier est déjà connu par les passionnés de Rennes pour avoir posé au centre d'une photo célèbre, celle de la mission du 21 juin 1891 à Rennes‑le‑Château...

 


La mission du 21 juin 1891 à Rennes‑le‑Château ‑ Bérenger Saunière est parmi
les enfants au centre et le père lazariste Amédée Ferrafiat au centre.
Ce dernier connaissait obligatoirement Jean Jourde également lazariste...

 

1891 ‑ Mutation au sanctuaire de Valfleury près de Lyon

 

   Jourde restera finalement 11 ans à ND de Marceille et sera muté l'année de la Mission de Rennes‑le‑Château en 1891 au sanctuaire de Valfleury près de Lyon, sur la route du Pilat. Ce lieu de tradition lazariste depuis 1687 est chargé d'Histoire. D'ailleurs le sanctuaire de Valfleury comporte des points communs avec ND de Marceille.
   Entre temps, le R.P. Vannier partira pour l'Espagne et sera remplacé en 1887 par Joseph Courtade, le nouveau supérieur des frères de la Mission à ND de Marceille.
Jean Jourde restera à Valfleury jusqu'en 1899, soit 8 ans.

 

1899 ‑ Retour à ND de Marceille

 

   Avait‑il interrompu un travail en cours ? Restait‑il quelques affaires à terminer ou à diriger ? Le fait est que Jean Jourde revint à ND de Marceille dès 1899 après son séjour à Lyon. Mais son titre n'est plus le même, car c'est en tant que supérieur des frères de la Mission qu'il réapparait, suite au départ de Pons Belot pour Montolieu.

 

   Il y restera jusqu'en 1906, mais entre temps, il va vivre un épisode longtemps pressenti, un séisme dans le monde religieux français : la séparation de l'Église et de l'État en 1905. C'est une période trouble dont les prémices se feront sentir dès 1903 avec des manifestations violentes. ND de Marceille et sa Mission lazariste ne furent pas épargnées et malgré la fermeté de Jourde opposé à cette loi, la petite communauté sera contrainte de se dissoudre et de quitter les lieux. Toute la communauté ? Non, Jean Jourde continuera d'occuper ND de Marceille, une façon de marquer son désaccord, mais en vain. Jourde déclarera d'ailleurs :

 

" Les uns tiennent les portes, les autres les poussent,
mais bientôt ils entreront. Seule l'Histoire jugera..."

 

Il partira finalement pour l'Espagne en 1907...


Expulsion des ecclésiastiques de Saint‑Sulpice à Paris en 1905

 

1907 ‑ Une pause à Figueras en Espagne

 

   Après cette lourde crise dans le monde catholique, Jean Jourde dut sans doute faire une pause hors des tumultes politiques et religieux. Il va donc poursuivre son œuvre en tant que supérieur des Filles de la Charité d'abord à Gérone, puis en 1908 à Figueras en Espagne. Jean Jourde y restera jusqu'en 1914

 

1914 ‑ Retour en France, dans l'Aude

 

   Le père Jean Jourde eut décidément beaucoup de difficultés à quitter cette région audoise. Il va d'abord revenir dans le Razès, puis en 1915, il va à Montolieu où il prend le poste d'aumônier principal dans la Maison de repos des Filles de la Charité. Il occupe ensuite la haute fonction de Supérieur de cette Congrégation dès 1917. Mais avant, il suit les traces de Saint Vincent de Paul en passant par Dax. Il y rencontre Pons Belot,  un ancien Supérieur de ND de Marceille âgé de 82 ans. Ce dernier sera aussi muté à la Maison de Montolieu.

 

   En 1917, Jean Jourde a 65 ans et cette affectation d'aumônier principal sera la dernière avant sa disparition à 78 ans le 17 mai 1930, après une longue et terrible maladie.
   Il sera resté 13 ans au couvent de Montolieu, auprès des sœurs de la Mission. Il  confiera finalement son poste en 1929  à Eugène Vidal, son successeur, dans les moments les plus éprouvants de sa maladie.


Le couvent des Filles de la Charité à Montolieu (au centre) et son jardin
Jean Jourde y termina ses derniers jours en 1930

 

Ses liens avec l'affaire de Rennes‑le‑Château

Pourquoi Jean Jourde est-il lié à l'affaire de Rennes ? 

 

   Il est impossible en lisant la biographie de Jourde de réagir ou d'entrevoir un seul fait anormal sans une bonne connaissance de l'affaire de Rennes. Sa vie fut à la fois exemplaire et discrète, presque banale. Pourtant un détail sort du lot : ses obsèques, comme nous le verrons plus loin.

   Par contre si l'on garde l'esprit certains faits marquants de Rennes, des liens apparaissent et pas des moindres :

  Jean Jourde était lazariste, une Congrégation fortement impliquée dans l'affaire de Rennes depuis sa création par Saint Vincent de Paul. Nous trouvons étroitement liés aux lazaristes, l'église Saint‑Sulpice de Paris, mais aussi des personnages comme Jean‑Jacques Olier ou Nicolas Pavillon, élèves de Saint‑Vincent de Paul, la Compagnie du Saint Sacrement crée par Olier et même Nicolas Poussin qui aurait été lié à cette société secrète.

 

  Jean Jourde fit son séminaire à Issy‑les‑Moulineaux près de Paris (Séminaire de Saint Sulpice). Il connaissait donc parfaitement l'église Saint‑Sulpice de Paris et ses curiosités.

 

   Jean Jourde suivit les cours de Fulcran Vigouroux, un éminent professeur de théologie, auteur du dictionnaire de la bible. Ce fait nous relie au Codex Bezae et aux parchemins supposés découverts par Saunière

 

   Jean Jourde commença sa mission à ND de Marceille en 1880, l'un des lieux historiques de l'affaire, 5 ans avant l'arrivée de Saunière à Rennes‑le‑Château.

 

   La formule "Venez à moi vous tous qui souffrez..." visible sous la fresque de La Montagne Fleurie à Rennes‑le‑Château était auparavant présente dans la chapelle de la Maison de repos lazariste à Montolieu. Jean Jourde la connaissait obligatoirement.

 

   Jean Jourde resta 8 ans au sanctuaire de Val Fleury à Lyon entre 1891 et 1899. Or on sait que non seulement Saunière allait régulièrement à Lyon, mais aussi que l'architecture du Domaine provient sans doute de ce lieu qui présente de nombreux points communs avec le Domaine de Rennes‑le‑Château.

 

   Jean Jourde ne cessera de revenir dans le Haut‑Razès. Il naviguera entre ND de Marceille, Montolieu et Rennes‑les‑Bains où il allait régulièrement soigner ses rhumatismes.

 

   Jean Jourde préparera l'abbé Rescanière en 1914 pour prendre la place de Boudet à la cure de Rennes‑les‑Bains.

   Ces attaches suffisent‑elles à prouver que le R.P. Jean Jourde participa activement à l'affaire de Rennes ? Inutile d'espérer trouver un quelconque document public ou un courrier comportant une preuve. Le secret est à la hauteur de ses exigences. Les pièces importantes ont certainement été détruites ou secrètement archivées après la mort du Supérieur lazariste. D'ailleurs l'absence totale de pièce documentaire prouve comme pour Saunière ou Boudet que toute cette affaire se déroula dans la plus grande discrétion. Seuls des documents épars collectés par la suite et que Pierre Plantard réussira à détourner pour son propre compte, parviendront en goute à goute aux chercheurs du 20e siècle. L'opuscule du Serpent Rouge (le poème) en fait partie...

 

   Comment peut‑on alors procéder pour mettre en relief l'activité souterraine de Jean Jourde ?  Un exercice simple est de comparer la chronologie des évènements entre ses activités et celles des deux Rennes. Or il faut reconnaître que cet examen présente des points de synchronisation plutôt surprenants. Jugez plutôt...

 

Les dates clés de Jean Jourde

Quelques dates clés des deux Rennes

 

1825 ‑ J.B.B Rouch professeur de dessin à Limoux peint "Le Christ au lièvre"

 

1842 ‑ Henri Gasc peint "La Crucifixion" qui sera jumelé avec "Le Christ au lièvre"

 

1872 ‑ Henri Boudet est nommé à la cure de Rennes‑les‑Bains et remplace l'abbé Vié, décédé. Henri Gasc, chanoine de ND de Marceille, quitte le sanctuaire.

1874 ‑ Jean Jourde entre au séminaire de Saint Sulpice à Issy‑les‑Moulineaux pour y préparer sa prêtrise.

 

1880 ‑ Sorti du séminaire de Saint‑Sulpice, Jean Jourde arrive pour sa première mission à ND de Marceille sous la direction du R.P. Vannier

Les parchemins et les pierres gravées furent probablement conçues entre 1880 et 1903

 

Jean Jourde prend alors certainement connaissance de l'affaire de ND de Marceille par le R.P. Vannier arrivé un an plus tôt en 1879. L'objectif sera sans doute de mettre la main sur la cache originelle.

1882 ‑ Henri Gasc meurt

 

Boudet eut certainement des contacts avec Henri Gasc l'initiant au secret

 

Jean Jourde rencontra‑t‑il Boudet ? Il n'existe aucune preuve, mais comment imaginer que ce petit monde ne se connaissait pas ? Jean Jourde resta tout de même 11 ans à ND de Marceille

1885 ‑ Bérenger Saunière arrive à Rennes‑Le‑Château

Boudet aurait découvert la cache originelle, la cache secondaire étant celle de ND de Marceille

Jean Jourde fut‑il l'éminence grise de Boudet ? 1886 est en tout cas une date importante. C'est une période charnière entre la publication de LVC et le début des travaux par Saunière.

 

1886 ‑ H. Boudet fait paraître son livre culte "La Vraie Langue Celtique" à compte d'auteur

 

Cet ouvrage serait en fait une œuvre collégiale entre Vannier, Jourde et Boudet

1887 ‑ Départ du R.P. Vannier pour l'Espagne. Jean Jourde devient alors probablement le seul dépositaire du secret avec Boudet...

 

Jean Jourde aurait financé Saunière depuis ND de Marceille pour la restauration de son église

1887 ‑ Début de la restauration de l'église de Rennes‑le‑Château par Saunière.

Saunière place les liquidités sur différents comptes bancaires.

 

 

 

 

Très probablement les plans du Domaine de Saunière sont créés et travaillés à Lyon à partir de 1890

 

 

1890 ‑ La restauration de l'église de Saunière s'achève. Saunière commence aussi à aller sur Lyon, peut‑être pour y chercher des financements, mais aussi pour récupérer le projet et les plans de son futur Domaine.

1891 ‑ Jean Jourde est muté au sanctuaire de Valfleury près de Lyon

1891 ‑ La restauration de l'église de Saunière s'achève

Jean Jourde situé à Lyon s'emploierait à gérer le financement de Saunière, mais aussi à préparer la suite et surtout le Domaine, un vaste projet codé.

1893 ‑ Mgr Billard achète en son nom propre ND de Marceille, démarche qui commença dès 1890. Des sommes seront également investies au monastère de Prouilhe par Mgr Billard...

 

1894 ‑ Saunière achète des terrains au nom de Marie Dénarnaud. En même temps, des mandats lui arrivent de tout le diocèse de Carcassonne.

 

1897 ‑ L'église de Saunière est complètement restaurée et inaugurée. Entièrement codée, elle illustre en images la "Vraie Langue Celtique" de Boudet.

C'est aussi l'année de l'assassinat de l'abbé Antoine Gélis à Coustaussa.
En savait‑il trop ? Exerçait‑il un chantage ?

1899 ‑ Jean Jourde revient brusquement à ND de Marceille et devient supérieur des lazaristes.

Visiblement Jean Jourde reste attaché à ND de Marceille... Pour quelle raison ? Ce n'est pourtant pas le seul lieu lazariste de l'Aude...

 

1899 ‑ Saunière arrête ses visites à Lyon. Il augmente par contre son périmètre pour la collecte de fonds. A l'aide d'annuaires ecclésiastiques, il contacte dans toute la France ses collègues prêtres afin de récupérer des financements. La couverture officielle est : "Intention de messes"...

 

1900 ‑ Début de la construction du Domaine.
Les plans du Domaine auraient été élaborés à Lyon.

 

1901 ‑ Mgr Billard meurt à Prouilhe.

1903 ‑ Des troubles commencent et la haine de clergé se repend dans tout le pays. À Notre Dame de Marceille les lazaristes sont contraints de partir, mais Jean Jourde s'insurge et refuse de quitter les lieux.

 

Jean Jourde fit visiblement tout pour préserver ND de Marceille et ses secrets...

1904 ‑ La Villa Béthania et le Domaine sont presque terminés.

 

1905 ‑ Parution des lois de Séparation de l'Église et de l'État. Jean Jourde continue sa clandestinité. Il reçoit également le futur successeur de Boudet, l'abbé Rescanières qui sera en poste à Rennes‑les‑Bains en 1914

 
Depuis ND de Marceille Jean Jourde aurait mis en place certains codages comme la fameuse parution par la S.E.S.A. de la stèle de la Marquise.

1906 ‑ Parution par la S.E.S.A. de la stèle de Blanchefort

 

 

1907 ‑ Jean Jourde part finalement en Espagne à Figueras, abandonnant pour un temps ND de Marceille...

 

1914 ‑ Comme par hasard Jean Jourde revient en France dans l'Aude suite à la retraite de Boudet. Il forme l'abbé Rescanières pour prendre la cure de Rennes‑les‑Bains.

1914 ‑ Boudet malade prend sa retraite et quitte sa cure de Rennes‑les‑Bains. L'abbé Rescanières lui succèdera, mais pas longtemps...

 

1915 ‑ Jean Jourde devient Supérieur des Filles de la Charité à Montolieu. À partir de cette année, Jourde effectue de nombreuses visites à Rennes‑les‑Bains pour ses rhumatismes.

 

Étrange coïncidence. Jourde revient dans l'Aude la même année du décès de Boudet. Suite à cette disparition, Jean Jourde devient alors l'unique dépositaire du secret de Rennes. Sa présence permanente dans le Razès est alors justifiée. Il s'installe définitivement à Montolieu. Une coïncidence de plus, Jourde va soulager ses rhumatismes à Rennes‑les‑Bains...

1915 ‑ Boudet meurt à Axat

L'abbé Rescanières meurt également à Rennes‑les‑Bains le 1er février 1915

 

C'est aussi l'année présumée de la conception du poème "Le Serpent Rouge"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1917 ‑ Il occupe ensuite la haute fonction de Supérieur de cette Congrégation.

1917 ‑ Saunière meurt à Rennes‑le‑Château

 

 

1920 ‑ Les lazaristes se réinstallent à ND de Marceille

1928 ‑ Jean Jourde est éprouvé par une terrible maladie invalidante.

 

1928 ‑ Conçu en 1903 le célèbre tombeau des Pontils prend sa forme définitive. Egalement, découverte de la dalle de Coume Sourde.

1930 ‑ Jean Jourde meurt à Montolieu et des obsèques exceptionnelles sont organisées.

L'affaire serait‑elle définitivement classée ?

1930 ‑ Les codages s'arrêtent et l'affaire entre dans le coma jusqu'à ce qu'un certain Noël Corbu en 1946...

 

 

 

Une photo de Jean Jourde ?

   Nous n'avons aucune photo publique authentifiée de Jean Jourde. Dommage pour un prêtre qui visiblement œuvra tant pour l'affaire de Rennes. Aucune photo ? Peut‑être pas. Il existe dans la collection des 33 cartes postales que Saunière commercialisa, une image montrant la Villa Béthania à la fin des travaux et un prêtre, muni d'un document, frappant à la porte d'entrée. Curieuse carte postale que cette scène où un curé est mis à contribution pour immortaliser la Villa fraichement terminée. Mais qui est donc ce curé ? Et qui prit la photo ?

   La Villa fut terminée entre 1904 et 1906 en même temps que le Domaine. Or cette époque troublée fait suite à un cataclysme qui éclata dans le monde religieux français. La loi de Séparation de l'Église et de l'État qui commença ses effets vers 1903 devait bouleverser à tout jamais les traditions séculaires. Les lazaristes furent alors priés de quitter les lieux de culte. Or dans le Razès, l'un d'eux va se distinguer : Jean Jourde qui refusera de partir de ND de Marceille. Il ne quittera en fait le sanctuaire qu'en 1907 pour Figueras. En clair, entre 1903 et 1907, Jean Jourde était dans l'Aude, or la carte postale fut prise entre 1904 et 1906...

    Mais ce n'est pas la seule raison de soupçonner sa présence sur la carte. Jean Jourde fut aussi très certainement impliqué dans le financement et l'élaboration du Domaine de Saunière. Quoi de plus normal qu'un maître d'œuvre venant constater le bon déroulement des travaux ? Cette photo est une mise en scène et cela ressemble fort à une remise des clés suite à une réception des travaux... La carte postale serait alors là pour célébrer la fin du grand projet "Saunière" et la visite du commanditaire... 


Serait‑ce Jean Jourde frappant à la porte de Bérenger Saunière ?
(Carte postale Saunière 1904‑1906)


S'agit‑il de Jean Jourde posant pour
cette carte postale ?
Très certainement, oui...
 

 

Montolieu et son couvent historique

 

   Suite au décès de Boudet en 1915, Jean Jourde prit la décision de s'installer à Montolieu (le mont des Oliviers) au Nord Ouest de Carcassonne, une petite commune réputée aujourd'hui pour ses nombreuses bouquineries. C'est donc un tant qu'aumônier qu'il intégra la Maison des lazaristes. Curieusement, il effectuera dès lors de nombreux aller‑retour à Rennes‑Les‑Bains, sous le prétexte de profiter des eaux bienfaisantes contre ses rhumatismes. Ces soins, par ailleurs certainement importants à sa santé, rejoignaient‑ils quelques autres intérêts dans la région ? La somme des coïncidences entre sa vie et l'énigme ne surprend plus...

 

   Le couvent de Montolieu est un lieu à part du reste de la petite commune, un lieu hors du temps. C'est avant tout un site historique important puisqu'il fut fondé par Louis‑le‑Pieux, fils de Charlemagne, vers l'an 815 en devenant l'abbaye Saint‑Jean‑Baptiste‑de‑Mallast. Les moines bénédictins y séjournèrent durant 10 siècles jusqu'à la Révolution. Devenue bien national, l'abbaye sera pillée et réduite à une ruine.  Les lazaristes deviendront propriétaires en l'achetant en 1826 pour en faire un collège de garçon. Ils construiront des parties habitables, mais le collège fermera en 1858.

 

   C'est en 1869 que le lieu sera cédé aux Filles de la Charité, la branche féminine de la Congrégation de Saint Vincent de Paul. Ce lieu est encore aujourd'hui utilisé par les Sœurs comme maison de repos, mais il reste incontestablement un site lazariste comme le témoignent les statues, les vitraux et quelques tableaux qui ornent le couvent.

 

La Fresque "La Montagne Fleurie" et Montolieu

 

   Nous savons que Jean Jourde intégra la maison lazariste de Montolieu en tant qu'aumônier principal puis comme Supérieur dès 1915. Mais ce lieu lui était déjà certainement familier puisqu'il était en contact à ND de Marceille avec Pons Belot, le futur supérieur de Montolieu.

 

   Le fait est qu'une coïncidence étonnante existe entre la chapelle de Montolieu et l'église restaurée de Saunière, puisqu'une sentence très particulière fut retrouvée aux deux endroits. La formule dans la chapelle était inscrite le long de la voute située au‑dessus du chœur, comme le montre une ancienne carte postale. On pouvait y lire  :

 

VENEZ A MOI VOUS TOUS QUI SOUFFREZ
ET JE VOUS SOULAGERAI

 

Or la formule inscrite sous la fresque de la Montagne Fleurie dans l'église Marie‑Madeleine est identique à l'exception de 4 mots qui ont été ajoutés :

 

VENEZ A MOI VOUS TOUS QUI SOUFFREZ ET QUI ETES ACCABLES
ET JE VOUS SOULAGERAI

 

   Ce fait n'est pas anodin, car il existe à ce jour un seul lieu où la formule a été retrouvée aussi proche et de plus inscrite en ornement le long d'une voute. La coïncidence est plus que troublante, et ceci renforce l'idée que cette sentence possède une importance toute particulière. La fresque étant, on le sait aujourd'hui codée, cette expression liant la paroisse de Saunière à la chapelle de Montolieu serait non seulement volontaire, mais hautement significative.

 

La phrase est en fait une extrapolation extraite des évangiles de Matthieu XI,28 :

 

Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau
et moi je vous redonnerai du repos

 


La fresque de la Montagne Fleurie au‑dessus du confessionnal
et sa sentence (église de Rennes‑le‑Château)

 


La chapelle du Couvent des Filles de la Charité à Montolieu, en 1890
avant la restauration pour le centenaire et les obsèques de Jean Jourde en 1930
Cette année 1890 Jourde arrive à ND de Marceille

 


L'inscription "Venez à moi..." est nettement visible (photo 1890)

 

   Il est évidemment très tentant de supposer que Jean Jourde s'inspira de cette inscription pour l'intégrer dans le décor de la fresque dans l'église de Bérenger Saunière. Il ne pouvait ignorer cette sentence visible de tous, c'est un fait.
  Mais il reste à comprendre pourquoi et surtout quelle a été la motivation de rallonger cette formule. Car rien n'a été fait au hasard, soyons‑en certains.

 

   La comparaison des deux anciennes photos de la chapelle montre l'importance des travaux engagés avant 1930. On peut d'ailleurs constater pour l'occasion, l'apparition de trois vitraux dans le chœur. Mais cette restauration prévue pour le centenaire de l'apparition de la Vierge à Catherine Labouré en 1830, fut bousculée par un autre évènement moins prévisible, le décès de Jean Jourde le 17 mai 1930.  Il fallait donc absolument terminer les travaux pour la célébration. 


La petite chapelle du couvent restaurée en 1930. Le chœur est décoré de vitraux et la sentence "VENEZ A MOI..." est toujours
présente sur la voute.

 

   Comme on peut en juger, la sentence peinte fut conservée lors de la restauration de 1930, mais la petite chapelle a  bien changé et son aspect sobre d'aujourd'hui contraste avec son ancienne apparence. La citation a disparu et seuls les vitraux continuent de nous rappeler que la chapelle vécut plusieurs métamorphoses.


La chapelle du Couvent des Filles de la Charité à Montolieu, aujourd'hui
La citation "Venez à moi..." a malheureusement disparu lors de la dernière
restauration. De chaque côté, sont encore visibles les vitraux célébrant
l'apparition de la Vierge à Catherine Labouré en 1830.

 

   La statue au centre du chœur de la chapelle et le vitrail à droite rappelle une symbolique bien connue puisqu'il s'agit de la Vierge écrasant un serpent vert sous ses pieds.  On retrouve cette représentation dans la nef de l'église Saint‑Sulpice à Paris, ou dans le jardin de ND de Marceille, preuve que nous sommes à Montolieu dans un couvent lazariste.

 

   Les années notées au bas du vitrail 1830‑1930 rappellent les dates commémoratives.

 

 Le vitrail central en haut représente le revers de la médaille miraculeuse.

 

  Cette représentation de Marie trouve son origine dans les apparitions de la Vierge à une jeune novice des Filles de la Charité, rue du Bac à Paris en 1830. En effet, le 27 novembre 1830, la Vierge apparut une seconde fois à Catherine Labouré. Elle vit comme deux tableaux vivants dans lesquels la Sainte Vierge était debout sur un demi‑globe terrestre, ses pieds écrasant un serpent. La Vierge demanda alors que soit frappée une médaille à son effigie. "La Médaille Miraculeuse" fut ainsi créée et diffusée à plus d'un milliard d'exemplaires dans le monde depuis cette date.


Le vitrail droit porte deux dates 1830‑1930

 

Des obsèques hors normes pour un Lazariste

 

   Un fait marquant dans l'histoire de Jean Jourde est incontestablement celui de ses obsèques qui furent particulièrement célébrées. Mais pour comprendre l'importance inexpliquée de cette cérémonie, il faut au préalable comprendre la pensée lazariste et leurs traditions.

 

   Les enfants de Saint Vincent de Paul sont avant tout des soldats de Dieu et le terme n'est pas à prendre à la légère. La Congrégation est en effet connue pour effacer la personnalité de ses disciples. Elle se comporte comme une réelle armée, avec ses hiérarchies, ses missions en France ou à l'étranger, ses codes et ses dons du corps et de l'esprit. Il n'existe ni honneur, ni récompense, ni médaille pour mission bien remplie. C'est un pacte fait avec Dieu et avec la Congrégation. La vie éphémère n'est qu'un modeste souffle sur Terre. Ceci est si vrai que la tradition lazariste demande que, quelque soit leur grade, les défunts soient ensevelis par deux dans la même sépulture.

 

   Jean Jourde n'échappa pas à la règle. Après avoir rendu sa belle âme à Dieu, il fut enterré dans le petit cimetière du couvent avec les restes du R.P. Gardat. Quelques dizaines d'années plus tard, son corps fut transféré dans une fosse commune.

 

   Le corps n'est rien, seules l'âme et sa beauté comptent et il aimait répéter à ses proches "N'oubliez jamais que nous sommes tous mortels". Voilà ce que la tradition lazariste inculque à ses disciples : compassion, foi et reniement de sa personnalité.


Le cimetière du couvent de Montolieu où fut enterré Jean Jourde
(photo prise depuis le parc)

 

   Pourtant, dans le cas de Jean Jourde, la cérémonie de sa disparition ne cadre pas avec la sobriété des célébrations qu'impose l'Ordre.

 

   Le 17 mai 1930, Jean Jourde décède après de longues souffrances et une maladie particulièrement invalidante qui l'immobilisera dès 1928. Comme tout les lazaristes, son décès aurait dû provoquer une humble et discrète cérémonie. Pourtant, un fait étonnant dans la Mission de Montolieu se produisit. Des obsèques extraordinaires furent organisées dans la petite chapelle fraîchement rénovée. Il est vrai que l'année 1930 coïncide aussi avec le centenaire de l'apparition de la Vierge, mais cet anniversaire ne peut expliquer les obsèques hors norme d'un lazariste.

 

   Car dès 1928, Jourde qui est en fin de vie focalisait toutes les attentions. C'est ainsi que Mgr Lacoste vint s'entretenir avec lui très longuement cette même année, un fait très inhabituel.

   À l'annonce de son décès, des funérailles nationales s'organisèrent dès le lendemain, mais elles furent retardées pour laisser le temps à tous ceux qui le souhaitaient de venir lui rendre un dernier salut.  De grandes célébrités du monde ecclésiastique vinrent s'agenouiller devant la dépouille. Nous trouvons le R.P. Sackebant, ou le R.P. Elie Calmet, Supérieur de ND de Marceille, de même que des hauts représentants de l'évêché de Carcassonne.

 

   Qu'a donc réalisé de si extraordinaire Jean Jourde pour générer une telle commémoration ? Ce n'est certainement pas sa vie discrète ou sa fidélité à l'Ordre, son travail ou son humanisme qui firent déplacer tant de personnalités. D'autres personnages marquèrent aussi leur époque sans pour autant générer une telle passion, d'autant que cet excès de célébration reste unique dans l'histoire des lazaristes du 19e siècle. Alors ? Aurions‑nous mal perçu la vraie personnalité de ce prêtre peu ordinaire ?

 

   Certains diront que durant sa retraite à Montolieu, la majorité de son temps était consacré à jardiner et à méditer. Impossible donc d'imaginer Jourde en manipulateur d'un complot ou dépositaire d'un important secret. Pourtant, il serait tout aussi stupide de croire que ses activités liées à l'affaire de Rennes auraient été partagées avec l'ensemble du couvent. Un secret bien gardé est un secret où nul ne possède une vision complète. Rappelons‑nous aussi que son lien avec l'affaire date probablement de 1880, soit 35 ans avant Montolieu. 50 ans à gérer l'affaire de Rennes, un demi‑siècle à préparer la communication pour les générations futures, ceci valait bien quelques années tranquilles à jardiner dans le parc du couvent...

 

   Il est évident que si Jourde menait des activités nécessitant une parfaite discrétion, aucun bruit ne devait filtrer. Voulait‑il au travers de cet engagement s'enrichir ou acquérir une quelconque notoriété ? Évidemment non. Cela est contraire non seulement à sa pensée, mais aussi à sa condition lazariste. Jean Jourde, dépourvu de toute richesse fit tout de même don par testament à sa congrégation des biens qu'il reçut en héritage de sa famille mais le legs fut refusé. Jean Jourde avait‑il déjà trop donné ?


Le cimetière du couvent de Montolieu où fut enterré Jean Jourde

 

   De nombreux détails de sa vie et de ses derniers moments à Montolieu sont connus au travers de son homélie funèbre publiée dans les annales de la Congrégation de la Mission. En voici un extrait :

 

   Terrassé par la maladie, atteint d'une albuminurie qui entraîna peu à peu l'infection générale et la gangrène du pied, réduit à une faiblesse extrême, il supporta son mal pendant quelques mois, avec une patience et une résignation qui furent pour tout son entourage une haute et salutaire prédication.

 

   Entouré durant le cours de sa maladie des soins les plus intelligents et les plus dévoués, le malade attendit la mort, qui à chaque instant le frôlait, avec la sérénité d'un sage ou d'un prédestiné.

 

   Lui qui avait préparé tant de belles âmes au grand voyage de l'éternité, il n'a pas cru qu'il put faire exception à la loi générale, et, le moment venu, avec cette simplicité et cette bonhommie qui l'ont toujours caractérisé, il accueillit sans émotion la proposition que lui fit M. Vidal de recevoir les derniers sacrements. "Bien sûr, dit‑il, mais auparavant je vais faire ma dernière confession."

 

   Ainsi disposé, il attendit, plein de confiance le moment suprême. Le 17 mai, à deux heures de l'après‑midi, il rendait à Dieu sa belle âme purifiée, ennoblie par la souffrance, fortifiée par la foi et la confiance en Dieu.

 

   Les obsèques furent retardées jusqu'au mardi suivant, afin de donner le temps d'arriver à ceux et celles qui, l'ayant bien connu, tinrent à lui rendre les derniers devoirs. Ce fut une imposante cérémonie, dans cette magnifique chapelle de la Communauté, nouvellement restaurée avec un goût très sûr, à l'occasion du Centenaire, toute resplendissante de ses peintures délicates, avec ses nouvelles fenêtres en ogive et ses claires verrières, ses bancs vernis, ses statues remises à neuf. Le cher défunt eut été si heureux de contempler toutes ces beautés, lui qui les avait désirées ; et il ne les a pas vues !

 

Extrait des Annales de la Congrégation de la Mission Tome 95, année 1930 no 1

 

   C'est en 1869 que les sœurs de Montolieu demandèrent l'autorisation de convertir une partie du couvent, une petite vigne sauvage, en un cimetière particulier. La préfecture donna son autorisation en octobre 1871 et la municipalité fournira l'acte officiel le 10 novembre 1871. Ainsi le cimetière reçut sa première inhumation le 26 avril 1872. 58 ans plus tard il accueillait Jean Jourde.


Le cimetière du couvent de Montolieu, un lieu hors du temps...

 

   Sur le côté gauche du cimetière privé quelques stèles sont encore visibles, rappelant que des anciennes sépultures ont été reconditionnées. La stèle de Jean Jourde fut‑elle entreposée ici quelque temps ? Il y a de fortes chances.


Quelques stèles et dalles abandonnées témoignent de leur séparation avec les défunts. Jean Jourde avait certainement sa stèle...

 

Le couvent de Montolieu aujourd'hui

 

   C'est avec une extrême gentillesse que les sœurs de la Charité m'autorisèrent à déambuler dans les couloirs et dans les jardins du couvent. Un calme nostalgique y règne et les vieilles pierres rappellent à chaque détour que ces lieux sont chargés d'Histoire. Les murs font apparaître de temps à autre quelques surprises comme ce magnifique portrait non signé de Saint Vincent de Paul, inévitable saint patron des lieux... La finesse de l'huile dénote de surcroît un grand artiste.

  
Le couvent de Montolieu ‑ Une porte donnant sur le parc

 

   Les jardins sont tout aussi imprégnés de cette même sérénité, à la fois pesante et intemporelle.

   Quelques sœurs s'affairent à cueillir des fruits, d'autres binent dans le verger une terre asséchée par le manque d'eau du mois d'août, mais riche par les siècles de jardinage ininterrompu.

   Je pensais alors à Jean Jourde qui devait certainement rêvasser dans ce parc, son esprit flottant entre ses pensées de bon lazariste et l'affaire de Rennes qu'il devait mener au mieux des intérêts de sa Congrégation et pour les générations futures.  Combien de plans avait‑il pu imaginer ? Combien de codages ? Combien de scénarios avait‑il dû élaborer ? Combien de contacts avait‑il entrepris pour arriver au but ultime qu'il s'était fixé : Protéger définitivement le Secret de Rennes ?   


Saint Vincent de Paul
Toile non signée
(couvent de Montolieu)

 


Le couvent de Montolieu et son entrée dans les jardins

 


Le couvent de Montolieu et son verger

 


St Vincent de Paul en visite à Montolieu (Couvent de Montolieu ‑ Huile non signée)

   La retraite des Filles de la Charité est finalement un vaste domaine luxuriant ceinturé par un mur épais et protégeant tant bien que mal quelques hectares de la folie de notre monde. Des bâtiments anciens et restaurés se mêlent à d'autres, plus modernes. Un calvaire et un simple clocher signalent la présence séculaire d'une tradition religieuse. Les sœurs n'y venaient pas seulement pour terminer leur existence, mais également pour se ressourcer avant d'affronter de nouvelles missions. Durant 15 ans, Jourde les guida le temps d'un repos, soulageant et assistant les malades.

   A l'extérieur, la petite ville du livre s'affaire, agitée par les bouquinistes et les touristes toujours plus nombreux.

 

   Combien de temps encore cette enceinte protégera‑t‑elle les sœurs de Saint Vincent de ce monde des affaires et des stress de notre siècle ? Combien de temps encore cette paisible ancienne abbaye gardera‑t‑elle ses secrets et protègera‑t‑elle le souvenir de Jean Jourde ?

 


À droite la maison où mourut Jean Jourde en 1930

 

   La puissance des lazaristes n'est plus, mais des traces demeurent toujours et l'affaire de Rennes sert de révélateur. En suivant les pas de Jean Jourde, c'est tout un monde religieux et hermétique que l'on met en lumière. Ce couvent encore habité par les enfants de Saint Vincent de Paul nous permet encore d'observer ce rare témoignage du passé.


Le portail d'entrée du couvent ‑ Sur chaque pilier un sanglier et
un diablotin gardent la porte du couvent...

 

  

 

    Incontestablement, la vie de Jean Jourde montre un parcours ecclésiastique en tant que Prêtre de la Mission, exemplaire. Il consacra sa vie à Dieu et  fut un soldat lazariste comme tant d'autres, se consacrant entièrement à son sacerdoce.

   Il fut apprécié en tant qu'homme pour ses valeurs profondément humanistes et son homélie le prouve. Le personnage était certainement plein d'attention, résolument  tourné vers les autres et leurs souffrances. Ses étapes à Paris, à ND de Marceille, au sanctuaire de Valfleury près de Lyon ou en Espagne marquèrent son entourage.

 

   C'était aussi un homme de conviction et d'action. Sa révolte à ND de Marceille contre les nouveaux statuts de l'Église et de l'État le prouve. Refuser de quitter le sanctuaire et se mettre hors la loi n'était pas un acte anodin à une époque où la haine envers le monde religieux était croissante et particulièrement violente. Il avait un charisme, c'est indéniable et une volonté hors du commun, tout simplement. Ce fait restera d'ailleurs à son actif, expliquant les égards qu'on lui confiera tout au long de sa vie.

 


Le séminaire de Saint‑Sulpice d'où tout commença pour Jean Jourde...

 

   Mais on ne peut s'empêcher de penser que trop de coïncidences avec l'affaire de Rennes en font un personnage à facettes.

 

   L'homme était aussi effacé et discret. N'est‑ce pas le meilleur moyen pour agir dans l'ombre sans attirer l'attention ? Tout dans cette aventure de la fin du 19e siècle fut orchestré dans un parfait silence, sans traces écrites, sans rencontres affichées entre prêtres (à part bien sûr les célébrations officielles). Et pourtant, tout ce petit monde d'ecclésiastique se connaissait. C'est une évidence.

 

    Plus encore, sa présence à ND de Marceille à des dates clés, sa présence à Lyon alors que Saunière y faisait des aller‑retour pendant la même période, son influence pour trouver un remplaçant à la cure Rennes‑Les‑Bains après Boudet, ces codages qui naissent à des moments importants et s'arrêtent comme par enchantement à la mort de Jourde. Tout cela fait beaucoup. Ce sont des présomptions lourdes et il ne manque qu'une preuve...  

 

   L'homme religieux était pauvre comme le montre son testament. Ceci peut contraster avec Boudet ou avec Saunière aux apparences moins modestes, mais Jourde avait un autre objectif. L'enjeu était sans aucun doute d'une autre dimension, plus spirituel, plus divin...

 

   Finalement Jean Jourde incarne à lui seul les qualités humanistes que devrait rassembler le chercheur de Rennes : humble, mais érudit ; discret, mais constamment tourné vers les autres ; pauvre, mais riche de ses passions et de son dévouement, engagé dans la préservation d'un savoir pour le bien des générations futures, fidèle à ses idées jusqu'au bout. Jean Jourde n'était‑il pas après tout un chercheur à sa manière ?

    Et comme les histoires de Rennes se finissent toujours par des rêves, peut être que demain la preuve sera faite de son implication et l'on pourra lire sur sa stèle posthume :

 

"Jean Jourde 1852‑1930, lazariste
participa activement à la sauvegarde d'un trésor unique
deux fois millénaire
...

 


Montolieu, serait‑ce ici que l'affaire des deux Rennes prit fin en 1930 ?