Rennes‑le‑Château est aujourd'hui un petit village
pittoresque bien connu des passionnés et des chercheurs, mais la région a été durant plusieurs siècles le
théâtre de nombreux affrontements très violents et d'invasions
diverses. Longtemps moitié espagnol, moitié français, le
Razès, comme d'ailleurs tout le Languedoc, a subi les pires
fléaux : pillages, invasions, massacres, pestes, Inquisition, tortures,
terreurs, croisade albigeoise, bûchers...
Ces douleurs pèsent encore
sur tous les villages et se ressentent sous le poids de
l'Histoire. Il est incontestable qu'une
partie du mystère de Rennes‑le‑Château est intimement liée à
son histoire tourmentée qui commença dans la nuit des
temps.
Voici un résumé des principales
pages historiques du Haut‑Razès qui ont marqué le secteur de
Rennes‑le‑Château jusqu'à l'arrivée d'un prêtre
nommé
Bérenger Saunière
en
1885.
|
Préhistoire |
Taille de pierre
Probabilité d'une présence magdalénienne
(période de la fin du paléolithique supérieur) par la
découverte de mobilier solutréen (traces de techniques
évoluées de
taille de pierre )
|
5000
ans
av. J.‑C. |
Traces de sépultures |
4000
ans
av. J.‑C. |
Présence de chasseurs
Occupation chasséenne au néolithique moyen
sur le plateau surplombant le ravin des couleurs, ancienne
voie de passage préhistorique. Des fonds de cabanes et des
éclats de silex ont été découverts.
|
2000
ans
av. J.‑C. |
Age de bronze
Durant 1000 ans, occupation protohistorique de
l'âge du bronze par campement temporaire et
vraisemblablement occupation des grottes présentes dans les
parois du ravin des couleurs. Des meules à céréales et des
poteries non tournées ont été retrouvées sur le plateau.
|
300
ans
av. J.‑C. |
Faible occupation des Celtes Redones
À la fin de la Tène III (apogée de la
civilisation celtique continentale) Rennes semble occuper
une place dominante sur la voie de commerce du ravin des
couleurs. La toponymie semble attester la présence des
Celtes Redones dans ces vallées. L'antique nom Rhedae ou
Pagus Redensis trouvent leur origine dans cette peuplade.
Rennes‑le‑Château a pu être leur capitale. Toutefois aucune
trouvaille archéologique importante n'est venue confirmer
cette hypothèse.
Les premiers habitants de l'aereda
celtique semble être les Gaulois atacins, riverains
du fleuve Atax (l'Aude). Seule la toponymie peut
attester de leur présence : AER.RED, le serpent
coureur la vouivre des anciens qui marque l'influence des
forces telluriques est une divinité celtique pyrénéenne.
Granes, Véraza, Camps, Parahou, etc.
Il est à noter que
dans son mystérieux livre :
La Vraie Langue Celtique,
Henri Boudet,
prêtre de Rennes‑les‑Bains,
décrit longuement la présence de Celtes dans cette région.
|
121
ans
av. J.‑C. |
Occupation romaine
Les Romains conquirent successivement ces
territoires appelés à subir la PAX ROMANA qui
s'étalera entre l'an 70 ap. J.‑C. et l'an 253.
Les mines de fer et les sources thermales des
Corbières ont attiré très tôt les Romains. Des trouvailles
de monnaies et de poteries attestent de leur présence. Un
castrum se serait élevé au lieu dit Valent. Une voie romaine
est attestée sur l'ancien chemin de Coustaussa à Rennes.
On peut également voir de nos jours
les restes de thermes romains à Rennes‑les‑Bains.
Alet‑les‑Bains conserve aussi de nombreuses traces romaines.
|
406 |
Les grandes invasions barbares
À partir de cette période, la tranquillité
imposée par les Romains s'arrête. La chute de l'Empire
provoque la ruée des barbares qui piétinaient depuis deux
siècles devant les frontières romaines. En l'an 406, des
hordes franchissent le Rhin et envahissent toute la Gaule.
Elles brûlent et pillent tout sur leur passage. Suèves,
Alains, Saxons, Vandales, Alamans et bien d'autres
traversent le pays en détruisant les récoltes et en
massacrant les habitants.
|
410 |
Pillage de Rome par les Wisigoths
Les
Goths,
un peuple venu des grands froids du Nord, s'imposent très
rapidement comme de vrais barbares et envahissent trois fois
l'Italie.
Le 24 août 410,
Alaric I, roi des Wisigoths, entre dans Rome
et se livre durant 6 jours au pillage de la ville. Le
butin est considérable puisqu'en plus de leurs trésors de
guerre vient s'ajouter celui du trésor de Salomon que
l'empereur romain Titus ramena de Jérusalem en l'an
70.
|
412 |
Ve
siècle : Le siècle des Wisigoths
Les invasions barbares voient arriver
ces mêmes
Wisigoths dans le sud de la Gaule et en Espagne. Ils amènent
avec eux très certainement le butin considérable qu'ils ont
amassé durant les différents pillages, dont celui de Rome
et de Jérusalem. Le peuple nomade
s'installe finalement en Septimanie. La région de Narbonne
comporte alors un mélange de culture important puisque
Wisigoths, Romains, Francs, Juifs, Syriens et Grecs
cohabitent. Les Wisigoths sont toutefois dominants.
Les fondateurs de
Rhedae semblent être, tout comme pour
Carcassonne, les Wisigoths. À plus d'un titre, les deux
villes se ressemblent dans leur structure géographique.
Curieusement, le site de Rennes‑le‑Château ne
comporte aucun vestige visible datant de cette période,
excepté une base de tour ronde et peut‑être les soubassements
de l'église et du château. Certains auteurs situent la
localisation de l'antique Rhedae de l'autre côté du ravin
des Couleurs sur le plateau de Lauzet.
|
500 |
Rhedae est une place forte
wisigoth
Au début du VIe siècle, l'oppidum
wisigoth de
Rhedae est une place forte. La ville s'étend alors du
Lauzet à
Jaffus à
l'Aram.
|
507 |
Les Wisigoths écrasés par Clovis
En l'an
507, les francs de Clovis
attaquent les Wisigoths, prennent Toulouse, et assiègent sans
succès Carcassonne. En effet, Clovis est persuadé que le
butin des Wisigoths est caché dans la ville fortifiée. Carcassonne est finalement délivrée par les
hordes de
Théodoric son beau‑père, et aucun butin n'est
retrouvé.
Les Wisigoths sont écrasés
à la bataille de Vouillé par
Clovis, nouveau
roi du peuple franc. Un des derniers bastions wisigoths est
d'ailleurs encore visible de nos jours, à quelques
kilomètres de Carcassonne, à la Montagne d'Alaric.
Alaric II est le dernier
roi wisigoth qui s'opposa aux Francs
dans cette région.
C'est après ces funestes évènements
que
Rhedae prend pour les Wisigoths une importance
considérable. Son emplacement est tel que la cité devient un
site stratégique commandant la rive droite, la haute vallée
de l'Aude, et la vallée de la Sals donnant accès aux
Corbières.
|
563 |
Rhedae place forte militaire
wisigothe
Le Roussillon fait
partie de la Septimanie et est sous le contrôle des
Wisigoths espagnols.
Les Wisigoths font de Rhedae une place
forte militaire. En l'an 563, à la suite de guerres politiques et
stratégiques, le roi Franc
Hilperic étend son
royaume jusqu'à la rive gauche de l'Aude appelé en ces
temps "Atax". De ce fait, les Wisigoths sont obligés de
renforcer leurs lignes de défense sur toute la rive droite
de l'Aude. En conséquence, Rhedae prend une importance
encore plus grande.
Un peu à l'image de Carcassonne, la
cité de Rhedae est constituée de deux parties bien distinctes :
une ville installée sur le plateau au pied du village de
Rennes‑le‑Château actuel, et une citadelle qui semble avoir
été reliée à la ville par une forte rampe. Cette citadelle
baptisée Castrum Rhédarium était à l'emplacement du
village actuel.
Carcassonne avec sa citadelle et le village
D'après l'historien
Louis Fédié, il semble qu'une seconde citadelle
était implantée sur le mamelon en face de Rennes‑le‑Château
que l'on nomme de nos jours "le Casteillas" voulant dire en
patois : "Grand Château".
La cité de Rhédae possédait deux églises : l'une
dédiée à la Sainte Vierge, l'autre à Saint Jean‑Baptiste. Le
Castrum de Rhédae occupait tout le plateau sur lequel
est bâti le village actuel.
La citadelle avait deux entrées : l'une à
l'est qui s'ouvrait sur la campagne, l'autre au sud qui la
mettait en communication immédiate avec la ville qui
s'étendait à ses pieds. Pour ce qui est de la porte de
l'est, il était encore possible au siècle dernier de voir
un portique wisigoth servant encore d'entrée au village.
Il fut détruit depuis.
La citadelle de Rhédae était divisée en
trois
parties dont les noms latins furent traduits en patois et
semble avoir perduré. Il y avait le "Castrum Valens" qui
est devenu le "Castel Balent". Au sud, il y avait le "Castrum
Salassum" qui est devenu le "La Salasso", et la dernière
partie s'appelait "Capella" qui ensuite s'est appelée "La
Capello".
Le Castrum Vallens était
placé à l'Est et était garni de fortifications afin de faire
face à un ennemi éventuel ; La Salasso était une zone où
l'on pouvait battre le grain et communiquer directement avec
la ville en contrebas par la rampe d'accès. La Cappelo,
comme son nom le fait penser, était un des lieux où
s'élevait l'une des deux églises. D'ailleurs, les vestiges
d'une ancienne église furent découverts dans ce lieu.
Comme toute cité
importante et maîtresse, Rhédae était défendue par
différents avant‑postes alentour. On peut citer :
Cornanel, Roquetaillade, Antugnac et Brenac, elles‑mêmes
construites par les Wisigoths.
|
711 |
Fin des Wisigoths
et invasion des
Sarrasins
Les Sarrasins viennent
de Mauritanie (les Maures) et font des incursions aussi
bien fréquentes que redoutées. L'invasion des
Sarrasins vient mettre fin au règne des rois
wisigoths en Septimanie vers l'an 720. Cette invasion
changea complètement la destinée de Rhedae. Pendant l'occupation sarrasine, les
Archevêques de Narbonne chassés de leur Siège se
réfugièrent dans la cité de Rhedae.
|
798 |
Rhedae, une cité importante
Charlemagne
mandate en Septimanie deux juges prélats, les missi
dominicis, dont l'un se nomme Théodulphe, qui dans leur
rapport sous forme de poème, indiquent une cité nommée
Rhedae au même titre que Carcassonne et Narbonne. Cette
citation liée aux deux autres villes permet de
supposer que cette cité de Rhedae devait probablement
avoir la même importance que Carcassonne et Narbonne, soit
en tant que pôle religieux, soit en tant que regroupement de population.
Peu de temps après le passage des
missi dominicis de Charlemagne, le diocèse de Rhedae devint
un comté sous la dépendance des Comtes de Carcassonne.
À la fin du VIIIe siècle, un diocèse
de
Rhédésium ou
"Pagus Rhedensis" est cité dans le
cartulaire du Capcir. C'est la première fois qu'apparaît
écrit le nom de ce qui sera bien plus tard la région de
Rennes‑le‑Château.
|
831 |
Premier comte de Rhedes : Guillaume
1er
Il semble que le premier comte du
Razès fut
Guillaume, descendant de
Théodoric, roi des
Wisigoths d'Espagne,
mais l'Histoire reste muette sur Guillaume 1er, comte de
Rhedes. La France subit le coup de partages du
royaume et de quelques invasions venues du Nord.
|
900 |
Du Xe au XIIe siècle, la région
connaît une période de croissance économique. Durant
cette période
de notre Histoire vont se croiser dans le
Languedoc les
Templiers, les cathares
et Blanche de Castille
régente de Louis IX, futur Saint Louis.
|
957 |
En
l'an
957, le comté passe
définitivement sous la domination de la Maison de
Carcassonne.
Le
Rhédésium forme un apanage distinct en
faveur d'Odon, fils de la princesse Ermessinde. Leurs
successeurs furent pendant un siècle comtes particuliers
du pays de Rhedae. Cette période marque la phase la plus
éclatante de cette ville qui est la résidence permanente
d'un Seigneur souverain.
À cette époque, Rhedae joue un rôle
presque aussi important que Carcassonne. Limoux n'est
qu'une modeste bourgade que Pierre des Vaux de Cernay
qualifie de "Castrum Limosun in terrtorie Redensi".
Quant à Alet, elle est le siège
d'une abbaye importante entourée d'une Villaria ou
village. Rhedae rayonne au milieu de ces différentes
agglomérations.
|
1062 |
Mort de Raymont II de Rhedae
Après la mort de Raymond II de Rhédae,
le comté est de nouveau réuni à celui de Carcassonne. Rhedae, cité royale, est alors à son
apogée.
|
1067 |
Vente du Rhédésium
Après 1067, la vente du
Rhédésium n'en fait plus qu'un comté de Barcelone. Mais le pouvoir des Comtes de Barcelone sur le
Rhédésium est de courte durée et la comtesse Ermengarde
rentre bientôt en possession du grand fief qu'elle avait
aliéné.
|
1080 |
Le Comté devient le Razès
En 1080, Bertrand, fils de Pons, qui
commandait pour la comtesse la cité de Rhedae jure d'imiter la
conduite du gouverneur de Carcassonne et de défendre
fidèlement la cité de Rhédae.
Quatre ans plus
tard, Bertrand Aton fils
d'Ermengarde, prête serment de fidélité à sa mère pour les
deux
forteresses de Rhedae, "Pro ambis castris". C'est à cette
époque que le nom de "Razès" fut donné au Comté.
|
1130 |
Le Comté de Rhedae de nouveau
rattaché à Carcassonne
Le Comté de Rhedae est rattaché au
Comté de Carcassonne appartenant à la famille Trencavel.
|
1170 |
Attaque de Rhedae par
Alphonse II
d'Aragon. Les Trencavel ne conservent que la ville.
|
1234 |
Saint Louis, Roi de France
Louis IX (Saint Louis) monte sur
le trône de France le
24 avril 1234. Plusieurs
rumeurs courent sur d'éventuels trésors laissés par sa
mère
Blanche de Castille dans le Razès. Une autre
rumeur lui fait rebâtir le
Château de Blanchefort
et y enfouir son trésor.
Le catharisme venu peut‑être de
Bulgarie s'installe progressivement en Occitanie. Les
coutumes des cathares ne tardent pas à être déclarées
hérétiques par le pape.
Les Templiers font également leur
arrivée dans la vallée du
Bézu et dans le
Razès.
|
1209‑1229 |
La Croisade albigeoise
La guerre connue sous le nom de
Croisade
albigeoise oppose la France à l'Occitanie et ravage
le pays qu'on appellera plus tard Languedoc, et les terroirs
avoisinants (comté de Foix, Comminges, Agenais, Quercy,
Rouergue, et même une partie de la Provence). Suscitée par
le pape Innocent III, la croisade fut dans son principe une «
guerre sainte » visant à ramener à la foi catholique et à
l'unité de l'Église romaine des principautés féodales sur
lesquelles, depuis plusieurs générations, la religion
cathare déclarée hérétique s'épanouissait en toute
liberté.
La barbarie devient alors la seule loi
et Simon de Monfort à la tête de la croisade s'empare de
Rhedae. La ville est donnée à Pierre de Voisins.
|
1215‑1360 |
Pierre de Voisins récupère
Rennes‑le‑Château
À la fin du XIIIe siècle,
Pierre de Voisins hérite de Rennes‑le‑Château.
Rhedae redevient une ville importante grâce aux efforts de
Pierre de Voisins.
|
1233‑1321 |
Les terres de France s'agrandissent
La victoire catholique de
1229
ne résolut en rien la
question cathare : l'Église doit inventer un nouveau moyen
de répression :
l'Inquisition
qui met près d'un siècle (1233‑1321) à avoir raison du
catharisme occitan.
La couronne capétienne est arrachée
à la suzeraineté de celle
d'Aragon‑Catalogne.
Le domaine des rois
de France s'agrandit jusqu'aux abords des Pyrénées et de la
Méditerranée. Toulouse dépend désormais de Paris et non de
Barcelone.
|
1360 |
Brigands
Rhedae est attaquée par les
"Routiers", les pillards et les brigands.
|
1361 |
La peste
Rhedae est frappée par une épidémie de
peste.
|
1362 |
Attaque de Rhedae
Attaque de Rhédae par le Comte de
Trastamarre. La ville est détruite et rasée. Le comté
s'appellera désormais le Razès, et Rhédae devient Rennes‑le‑Château.
|
1400
|
Début d'un long sommeil
La dernière fille des de Voisins
épouse un seigneur de Marquefave.
À partir du XVe siècle, Rennes‑le‑Château et tout le
Razès sombrent dans un long sommeil qui calme
toutes les ardeurs d'un glorieux passé historique.
Cependant, le mystère de
Rennes‑le‑Château perdure en silence avec les
seigneurs successifs. Les Hautpoul gardent malgré
eux un grand secret et des richesses consignées dans le
testament de leurs pères.
|
1422 |
Mariage Marquefave ‑ Hautpoul
Blanche de Marquefave épouse
Pierre‑Raymond d'Hautpoul. Dans sa dot
se trouve la baronnie de
Rennes.
|
1690 |
Hautpoul ‑ Blanchefort
Henri, Baron d'Hautpoul,
reprend le titre de Seigneur de Blanchefort à la fin
du XVIIe siècle.
|
1762 |
Hautpoul ‑ Blanchefort
Le dernier des Blanchefort s'éteint,
et il ne reste que son épouse Marie, née de Negri D'Ables.
|
1780 |
Papiers importants
Marie de Negri d'Ables, veuve
de François d'Hautpoul
Blanchefort reçoit le notaire
en 1780 pour lui remettre d'importants papiers et
probablement le fameux document inconnu.
|
1781 |
Mort de Marie de Nègre d'Ables
Marie de Negri d'Ables meurt le
17 janvier 1781 à l'âge de 67 ans.
Antoine Bigou,
curé de Rennes‑le‑Château et chapelain de la
Marquise
de Negri d'Ables,
aurait fait graver son épitaphe sur une pierre appelée la
stèle de Blanchefort. Il aurait également
posé une
dalle constituant ainsi la
sépulture de la marquise. Des
parchemins auraient été cachés sous l'autel de l'église de
Rennes‑le‑Château.
|
1885 |
Arrivée de Saunière
à Rennes‑le‑Château
Arrivée de
Bérenger Saunière à Rennes‑le‑Château le 1er
juin 1885.
|
D'après Jean Alain Sipra, historien
Dans le haut
Moyen‑Age, Rennes‑le‑Château se nommait Rhedae,
terme qui, en latin, signifie « les Chariots ». Un
historien local du siècle dernier,
Louis Fédié, émit avec
quelques raisons la thèse que cette cité avait été
fondée au Ve siècle par les rois wisigoths de Toulouse.
Par la suite, elle apparaît dans les chartes sous les
formes Redas, Redez et même, chez certains historiens
ibériques qui traitent de l'expédition du roi wisigoth
Wamba en Septimanie, en 673, sous celle
de Rodez. D'autres sources indiquent qu'un peu plus
tard, pendant l'occupation arabe de cette province
(720‑759), Rhedae devint momentanément
un siège archiépiscopal, le métropolitain de Narbonne
ayant trouvé refuge en ce lieu. Après la reconquête
franque et un retour à la normalité, vers 790,
la Marche d'Espagne fut placée sous l'autorité du
célèbre Guilhem de Gellone, cousin
germain de Charlemagne ; Rhedae devint
alors la capital d'une très grande entité géographique,
le Pagus Redensis, reçu des comtes particuliers, et son
église devint un archidiaconé.
C'est là que fut
accueilli en 798 l'évêque
Théodulf, missus dominicus de Charlemagne venu
en Septimanie pour tenter d'éradiquer l'hérésie
félicienne, ou adoptianisme, introduite vingt ans plus
tôt dans cette province par les réfugiés hispani fuyant
la contre‑offensive arabe. Certains prétendent qu'il
serait venu à Rhedae pour y consacrer la nouvelle église
comtale. Mais ce haut personnage, wisigoth de naissance,
connaissait déjà très bien les lieux puisqu'il dit, dans
ses écrits « être revenu voir Rhedae ». C'était un
savant lettré et bâtisseur, l'un des plus beaux esprits
de son siècle, qui appartint longtemps au « premier
cercle » de l'empereur Charlemagne, avant de devenir
évêque d'Orléans et abbé de Saint‑Benoît sur Loire. Le
comte qui le reçut, dans la salassa de la forteresse de
Rhedae, était son ami Guillemund, wisigoth comme lui et
probable fondateur de l'abbaye d'Alet. Il était le père
de ce fameux Béra qui, en 811, fut
invité à cosigner le testament de l'empereur et reçut en
héritage le comté de Razès, puis devint marquis de
Gothie en 817. Il fut emporté par la
tourmente politique au cours d'un duel mémorable qu'il
livra à cheval – à la mode wisigothique ‑ à
Aix‑la‑Chapelle en 820 devant
l'empereur Louis‑le‑Pieux et sa cour médusés ; et que,
pour son malheur, étant alors relativement âgé, il
perdit !
L'église comtale
fut probablement romanisée par modification de son
chevet, sur l'initiative des comtes de Carcassonne, dont
la branche cadette avait succédé en ce haut lieu à la
famille de Béra, tombée en disgrâce sous
Charles‑le‑Chauve en 870 et dont le
plus éminent fut Odon (1005‑1017).
Ensuite, en 1067, le comté fut vendu à
la famille de Barcelone. Le roi Alphonse II le Chaste
d'Aragon, venu dit‑on récupérer symboliquement son dû,
aurait détruit la ville basse de Rhedae vers
1170.
Mais au plan
religieux, force est de constater que dans la pays
l'hérésie fleurissait à l'état endémique car, après
l'arianisme puis l'adoptianisme des Wisigoths, la
province se jeta dans les bras du catharisme. Ce fut
alors, à l'initiative du pape Innocent III,
l'horrible croisade des barons du Nord. Malgré une
résistance désespérée des seigneurs locaux, faidits
excommuniés et pourchassés, dont les plus pugnaces
furent ceux de la famille d'Aniort, qui tenaient
notamment la proche forteresse d'Albedun, l'église et
les envahisseurs francimans, conduits par
Simon‑de‑Montfort, se partagèrent les
dépouilles de la civilisation occitane. Rennes et une
partie du comté du Razès échurent alors au sénéchal et
de ce dernier, un seigneur d'Ile de France nommé
Pierre de Voisins.
Cependant, ce
haut lieu de l'histoire, et son église Beata Maria de
Reddas, n'étaient pas au terme de leurs vicissitudes. En
effet, vers 1360, les vestiges des «
Grandes Compagnies » qui suivaient le destin du prince
espagnol Henri de Trastamara dévastaient le pays. Elle
s'attaquèrent à la forteresse de Rhedae et, malgré les
efforts de son seigneur, Pierre III de Voisins,
s'en emparèrent et la mirent à sac. Enfin, la guerre de
religion parachevèrent l'œuvre de destruction et, en
1578, une grande partie de l'église –
notamment la voûte ‑ s'effondra la pioche des
Calvinistes. Par la suite, dans un pays très appauvri,
la nef fut partiellement réédifiée et l'abside réparée
tant bien que mal par des compagnons bâtisseurs à la
technique assez rudimentaire ; ce qui explique les
graves défauts structuraux très apparents qui grèvent
aujourd'hui cet édifice.
Lors de la
Révolution, le marquis de Fleury,
héritier des Hautpoul‑Blanchefort,
derniers seigneurs des lieux, émigra en Espagne suivi de
son chapelain, l'abbé
Antoine Bigou. Signe des temps, le château et les
terres furent alors vendus à des particuliers. Un siècle
plus tard, en 1885, un enfant du pays,
l'abbé Bérenger
Saunière, fut nommé à la cure de Rennes‑le‑Château.
Avec des fonds d'origine inconnue qui allaient en partie
donner naissance à la fameuse légende trésoraire, il
allait rénover
l'église Sainte‑Marie‑Madeleine et faire édifier les
constructions néogothiques qui agrémentent depuis le
village. Mais les tribulations de ce prêtre au
comportement bizarre, sans qui la lourde chape de
l'outil serait tombée définitivement sur ce haut lieu
chargé d'histoire, sont désormais trop connues pour être
rappelées ici. Bien que ses travaux aient
malheureusement occultés en partie l'état originel de
l'église, on lui doit le décor de type "art
Saint‑Sulpice" avec son diable insolite gardant une
porte d'entrée agrémentée d'inscriptions sibyllines qui
donne aujourd'hui à ce lieu son cachet inimitable.
L'ensemble contiendrait aux yeux de certains les clés de
l'énigme du fameux trésor, matériel ou mystique, qui a
fait couler tant d'encre.
L'art «
sulpicien », né après 1850, semble
inséparable d'une ultime réaction ostentatoire de
l'Eglise face aux assauts laïcistes des républicains qui
allaient conduire, en 1905, à la
séparation de l'Eglise et de l'Etat. C'était une forme
d'art religieux de grande diffusion, fait de statues de
plâtre réalisée au moule, quelque peu mièvres et très
colorées, qui dans l'esprit de bien des gens rappelle
inévitablement la Belle‑Epoque.
Cette époque fut
celle d'une France rurale et paysanne dont les meilleurs
des fils allaient donner leur vie pour la Patrie dans
l'enfer de Verdun et la boue des tranchées. Mais aussi
celle qui vit arriver le chemin de fer dans la haute
vallée de l'Aude, où fumaient déjà les nombreuses
cheminées des botiges de chapellerie et où, à la
Saint‑Michel, les vendangeuses coiffées de calines
dansaient le quadrille. Celle, enfin, qui allait voir
naître le monde moderne avec l'essor de la science et de
l'industrie, puis avec l'apparition de l'automobile, de
l'aéroplane, de la T.S.F. et du cinéma.
Mais les
croyants les plus anciens se souviendront surtout que
c'était aussi le temps de l'imposante et colorée messe
en latin, celle de leur jeunesse, servie les jours de
fête par des enfants de chœur en surplis rouge et aube
blanche, et rythmée par les commandements du claquoir et
les clochettes de l'Elévation. L'époque où, dans ce
pays, l'officiant congédiait encore les fidèles par un
"ite missa est" dont la mélodie incantatoire, venue du
fond des temps, semblait être l'ultime réminiscence de
l'antique liturgie mozarabe.
Après le Concile
de Vatican II, le latin fut abandonné et, au nom de la
pureté originelle, les églises furent insensiblement
vidées de leur représentations statuaires et
iconographiques par le clergé. Dans notre pays
aujourd'hui, il existe donc peu d'églises qui, comme
Rennes‑le‑Château, ont conservé ce type de décor
religieux, fort décrié par les puristes mais qui a
marqué tout un siècle.
Le village de
Rennes‑le‑Château est bâti sur l'emplacement d'un ancien
oppidum, établi par les Ibères ou les Celtes Atacins
avant la colonisation romaine. Par la suite, ce fut une
forteresse qui dominait une cité légendaire, détruite
probablement vers la fin du XIIᵉ siècle, dont le nom
était Rhedae.
La première mention connue de cette ville figure dans
les écrits d'un savant évêque d'Orléans nommé
Théodulf qui se rendit en Septimanie en
798, comme « missus
dominicus » de
Charlemagne. Ce prélat était un « hispanus », c'est à
dire un Wisigoth d'Espagne qui avait fui les Musulmans.
Réfugié très jeune en Septimanie, où il fit ses études,
il devint, par la suite, l'un des proches conseillers de
l'empereur.
S'inspirant des
écrits du carcassonnais Guillaume Besse
(1645) , l'historien local
Louis Fédié émit, en 1877, la
thèse très controversée depuis, que la place forte de
Rhedae était de création wisigothique. La présence
précoce des Goths en ces lieux est bien attestée par
l'existence d'anciens campements de barbares Alains,
établis après 438 par la patrice romain Aétius dans le
sproches Corbières à Lanet, pour contrer leur
pénétration vers Narbonne. Tout incite donc à penser que
le créateur de Rhedae fut le roi Théodoric Ier
de Toulouse, ou encore Théodorère qui, d'après
le chroniqueur Sidoine Apollinaire, s'empara de
Carcassonne en l'an 440.
Rhedae,
considérée comme la forme canonique du toponyme, est la
tournure fléchie de Rheda, terme d'origine celte ou
gothique passé dans la langue latine, qui signifie
Chariot. A ses débuts, cette cité fut sans doute le
dernier " carrago ", camp retranché habituel des
barbares germaniques orientaux, où les chariots étaient
disposés en cercles concentriques, selon la coutume des
steppes. Abandonnés à un stationnement définitif en ce
lieu, à la topographie très favorable, ils donnèrent
naissance à une très importante place forte.
La cité, enclose
de murs et dominée par sa forteresse, occupait une
emprise au sol d'une quarantaine d'hectares. Son origine
royale wisigothique est confortée par la présence de
vestiges archéologiques enterrées, visibles sur une
photographie aérienne prise par l'Institut Géographique
National (I.G.N.) en 1980. Leur tracé est identifiable à
celui d'un édifice de plan centré, de parti
architectural constantinien et du type martyrium.
L'importance de ses dimensions, et la domination des
Wisigoths sur le site pendant trois siècles (440‑720),
portent à croire qu'il s'agissait probablement du
mausolée dynastique des rois Balthes dits « de Toulouse
».
Ces monarques,
qui régnèrent de façon héréditaire, de 419 à 510, sur un
immense royaume qui s'étendait d'Orléans à Gibraltar,
furent les suivants :
‑ Théodoric Iᵉʳ, fils
d'Alaric le Grand, mort à la célèbre bataille des
Champs‑Catalauniques, en Juin 451, Allié au patrice
Aétius, ils avaient vaincu Attila, le « Fléau de dieu »
‑ Thorismund (451‑453),
Théodoric II (453‑466) et Euric le Grand (466‑484), ses
fils
‑ Alaric II, son petit‑fils
(484‑507)
Après le
désastre de Vouillé, en 507, où le roi
Alaric II fut tué par Clovis, les Wisigoths en déroute
se réfugièrent dans les contreforts pyrénéens en
Septimanie. La très vulnérable cité de Carcassonne ayant
été assiégée par Clovis en 508,
le Trésor Royal fut probablement mis à l'abri dans la
forteresse de Rhedae avant d'être confié, momentanément,
aux soins du roi ostrogoth Théodoric le Grand dont un
général, Ibbas, avait chassé les Francs de Septimanie.
Après
l'assassinat du roi Amalaric, qui régna
à Narbonne jusqu'en 531, le siège de la
monarchie wisigothique passa en Espagne. Mais la
Septimanie, à peu de choses près l'actuel
Languedoc‑Roussillon, demeura une province espagnole
excentrée jusqu'à l'invasion musulmane de 720.
La conversion du
roi wisigoth d'Espagne Récarède au dogme de la Trinité,
en 589, fut suivie d'une réaction
arienne qui provoqua des troubles importants en
Septimanie. Troubles au cours duquel les évêques de
Carcassonne furent exilés à Rhedae, par le roi Withéric,
de 603 à 610. Cet épisode, rapporté par
Guillaume Besse, est confirmé par la correspondance,
adressée vers 610, à la cours de Tolède par un comte
wisigoth septimanien nommé Bulgar de Bulgaran : écrits
qui ne furent étudiés et publiés qu'en 1892
seulement.
Par la suite, lors de l'expédition du roi d'Espagne
Wamba contre l'usurpateur Paul, qui eut lieu en
673, cette place forte apparaît sous la forme
Rodez. Le savant bénédictin dom Vaissette, qui avait
relevé cette information dans « l'Histoire d'Espagne »
du cardinal de Tolède Rodéric Ximénès de Rada (1240),
était demeuré impuissant à localiser cette cité, qu'il
savait ne pas être la véritable Rodez. Pourtant, avant
lui, Besse avait remarqué que cette forme du toponyme
était usitée, au treizième siècle, pour désigner Rhedae
et citait, à l'appui, des passages de «
L'Historia de los Antiguos
Condes de Barcelona
», du moine Francisco Diago. Par ailleurs, la forme
Rodes figure dansun document manuscrit détenu par la
bilbiothèque de Carcassonne et qui concerne la
confirmation de l'assignat de Pierre de Voisins en 1248.
Auparavant, on trouvait les formes approchantes Rhedez
et Redez, dans deux actes notariés datés de 1067 cités
par dom Vaissette.
Guillaume Besse (1645) et, si l'on en croit
Louis Fédié, l'évêque Pierre de Marca (1595‑1662),
rapportent que l'archevêque de Narbonne, fuyant
l'offensive arabe qui eut lieu en 720,
se serait réfugié à Rhedae. Et que lui et ses
successeurs y seraient demeurés pendant toute la durée
de l'occupation musulmane, c'est à dire trente neuf ans.
Ce qui laisse supposer que cette place forte était
demeurée aux mains des chrétiens. Enfin, de très vieux
écrits espagnols, connus sous le nom de « Chronique
Mozarabe de 754 », nous apprennent qu'un ultime monarque
wisigoth, nommé Ardo, aurait régné en Septimanie de
719 à 726. L'archevêque de Narbonne,
alors ultime Primat d'Espagne, ayant son siège à Rhedae,
tout porte à croire, par déduction, que ce fut
probablement là que se tint la dernière cour royale
wisigothique.
Après la
reconquête carolingienne, cette cité devint le chef‑lieu
du comté du Razès, érigé par Charlemagne
en 790, et qui échut au comte wisigoth
Guillemund. Elle demeura, au plan
spirituel, placée sous le magistère direct des
archevêques de Narbonne. |
Quelques
traces du passé
Rhedae
ayant été une forteresse wisigothe, son agencement
ressemble à celui de Carcassonne. La vue aérienne ci‑dessous
montre les deux parties distinctes comprenant : une
citadelle ceinte de fortifications, et en contrebas une
ville basse où était installée la population. L'étendue du
plateau montre l'importance que devait avoir Rhedae et qui
rivalisait avec Carcassonne.
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Rennes‑le‑Château vu d'avion, la
citadelle et la cité |
La photo aérienne prise il y a quelques
années révéla les traces d'une construction importante sur
la plaine au pied du village de Rennes‑le‑Château. Cette
construction a la forme d'une église de grande dimension ou
même d'un mausolée et de forme composée de plusieurs
ensembles de cercles. On peut également voir dans la partie
du cercle principal et en son centre, trois empreintes
particulières qui ne semblent pas pouvoir être la trace de
piliers
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Zoom sur le mausolée
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Tracé selon la vue aérienne
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Dessin du mausolée (Hypothèse)
exposé au musée de Rhedae
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En analysant ces traces, on peut
effectivement imaginer l'emplacement d'une église ou d'un
mausolée. Pourtant, que peut‑on dire des formes ogivales au
centre ? Serait‑ce des tombeaux de grandes importances ? Car si l'on admet que Rhedae était aussi
importante que Carcassonne, il n'est pas surprenant de
trouver une église de cette dimension. Cette église
abriterait alors peut‑être quelques seigneurs du lieu de
Rhedae...
De la ville basse qui entourait l'église, il
ne reste plus rien de visible aujourd'hui. Ce n'est pas le
cas de la citadelle qui petit à petit donna
naissance au village de Rennes‑Le‑Château.
Seuls
le château des
Hautpoul
et l'église Marie‑Madeleine
attestent aujourd'hui de l'ancienneté du village et de son
importance historique.
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