Je me rappelle encore mes premières escapades autour des deux Rennes. Le
Cardou
représentait déjà une
montagne mythique où les spéculations des chercheurs allaient de bon train. Tantôt cache aux trésors, tantôt cache aux tombeaux, les hypothèses
et les rumeurs ne
manquent pas autour du Pech. Il faut dire que son emplacement est particulier, ouvrant la voie vers
Rennes‑les‑Bains et
ayant comme voisin direct le château ruiné de
Blanchefort. C'est aussi la deuxième montagne sacrée du Haut‑Razès après le
Bugarach.
Pourquoi le
Cardou fascine‑t‑il autant ? Son emplacement privilégié sur une terre
ancestrale en face de Blanchefort et sa forme
arrondie très caractéristique sont certainement des raisons importantes. Aisément décelable à l'horizon, il permet de s'orienter
sans risque d'erreur. Une autre raison est celle de la présence d'anciennes mines, favorisant les légendes au‑delà des
siècles.
Pourtant ces explications ne suffisent pas. Le Cardou participe aussi à un repérage
topographique exceptionnel qui était connu depuis très longtemps par nos ancêtres. Les caprices de la nature ont favorisé des
propriétés d'alignements qui furent très tôt remarquées. Le Cardou est important dans le système de codage de l'énigme et
Boudet le savait...
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Derrière le Cardou, le Bugarach, deux sommets
fondamentaux... Vue depuis Blanchefort |
Des mines qui font rêver...
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Rennes‑les‑Bains est un secteur où les
mines ont joué un rôle essentiel dans son histoire, et ceci durant des siècles. Que ce soit dans l'Antiquité, au Moyen‑Âge, ou
entre le XVIIe et le XIXe siècle, les archives et les traces historiques portant sur l'exploitation de minerais
plus ou moins précieux ne
manquent pas dans la région. Cuivre, plomb, antimoine, kaolin, argent, or... les mines autour de Rennes‑les‑Bains furent de tout temps enviées,
convoitées, et sources de légendes.
Il faut dire que le sous‑sol de
Rennes‑les‑Bains est très riche : or, argent, cobalt, zinc, cuivre, plomb, souffre, étain, mercure, marcassite, ambre, améthyste, jais,
kaolin. L'aventure minière commence avec les Celtes, puis les Wisigoths et les Romains qui connaissaient parfaitement la présence et l'emplacement des filons importants. Le
secteur
est un véritable gruyère, mais les accès à ces galeries sont aujourd'hui soit perdus, soit devenus avec le temps dangereux,
soit effondrés, comblés, ou inondés.
Pour éviter des
exploitations sauvages, des vandalismes et des pillages, les seigneurs successifs mettaient au secret les emplacements exacts, contribuant à exacerber les imaginations de
toutes sortes. C'est ainsi que
Marie de Nègre d'Ables et le
comte de Fleury se gardèrent bien de donner toute information sur l'entrée
des mines les plus précieuses.
Boudet était aussi
parfaitement renseigné sur la présence de ces souterrains. Il suffit de lire
La Vraie Langue Celtique pour se rendre compte de l'importance qu'il accorde à ces ressources naturelles enfouies
sous le Cromlech.
Le
Cardou n'échappe pas à ces traces
de galeries, d'autant que la montagne se trouve en face de deux sites mythiques dans la recherche minière. L'un est
Blanchefort
où il existerait une mine d'or importante et une légende trésoraire. Son entrée n'a jamais été retrouvée. Le second est
Roc Nègre, là où
Pierre Plantard avait projeté d'y faire de la prospection. Sa volonté d'acheter des parcelles dans ce coin de roches en témoigne,
d'autant qu'il existe à cet endroit une autre légende, la présence hypothétique d'un
temple rond
sous terre. J'y
reviendrai dans un autre sujet. |
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Le Cardou compte
4 mines connues, dont deux
sont plutôt importantes.
La montagne est en effet notée pour ses mines anciennes, sans doute d'origine
romaine, et
qui furent exploitées durant des siècles. On y trouve du plomb galène, du fer, du cuivre et de la chaux.
L'une d'elles est signalée sur la carte IGN Quillan au
Col de Bazel, au
sud du Cardou, près de Montferrand, et à 512 m d'altitude. |
Au loin, l'entrée d'une ancienne mine sur le Cardou |
En réalité, tout le secteur du
Cardou à
Montferrand en passant par le
Col de Bazel a été visité par des mineurs sous différentes périodes. L'un des miniers se
trouve à l'Est du Hameau de Montferrand et on estime qu'il existerait environ une dizaine de puits anciennement exploités. La
toponymie de Montferrand viendrait d'ailleurs de "Mont fer", un minerai qui a dû être fortement exploité à cet
endroit.
Dans sa notice historique "Le Comté de Razès et le
diocèse d'Alet" éditée en 1880 l'historien
Louis Fédié décrit le Cardou producteur d'un autre minerai :
"En face de Blanchefort se dresse le
pic appelé Le Cardou qui était
célèbre, il y a trois siècles par une carrière de kaolin qui fut
exploitée pendant de longues années."
D'autres minerais existent. Un
passage extrait d'un ancien ouvrage "Magasins Encyclopédiques ‑ Bains de Montferrand" de
1811 indique la présence
sur le Cardou de divers matériaux, dont du schiste et du marbre...
(L'extrait débute par la description de la Montagne des Cornes et
du Lac de Barenc) |
Extrait du livre "Magasin Encyclopédique Tome III
‑ 1811" |
Entre le 18e et le 19e siècle tout le secteur de
Rennes‑les‑Bains, le Cardou, le Bazel, Montferrand, le Serbaïrou, l'Homme Mort et Blanchefort furent l'objet de fouilles minières
plus ou moins importantes. De
nombreux courriers émanant des Conseils municipaux de l'époque témoignent en effet d'une forte demande à vouloir explorer le
sous‑sol et à ouvrir de nouvelles exploitations. Serait‑ce la présence d'anciens filons qui motive ? ou les légendes trésoraires ?
Une
autorisation d'exploitation dans une parcelle à partir de la fin du 19e siècle exigeait la fermeture de l'entrée une fois
l'activité terminée. De nombreuses galeries ont donc pu être creusées sans qu'il reste aujourd'hui une trace visible. La présence d'ouvertures
actuellement prouve leur ancienneté, mais il existe aussi des mines sauvages non officielles.
Autre source d'information, la S.E.S.A. (Société d'Etude Scientifique de l'Aude).
Dans une chronique de 1894, un bulletin précise qu'à environ 600 m d'altitude sur la face nord‑ouest du Cardou, et donc non loin
du sommet, se trouverait un gisement de carbonate de cuivre bleu vert. Une ancienne mine se trouverait même dans ce secteur.
Attention : Il est très fortement déconseillé à des non professionnels de visiter
toutes ces mines du fait de leur dangerosité et de la présence de puits parfois très profonds. La vétusté des galeries et leur
ancienneté favorisent les éboulements et les rendent instables. |
Le Cardou est aussi un repère |
Le méridien de Paris
Le
Cardou possède aussi cette particularité de côtoyer le
méridien de Paris. En effet, le tracé est à
250 m à l'Est de
Montferrand, et coupe les Corbières entre le
Cardou et le
Col d'Al Pastre
tout en
survolant le Roc di Quiloutié. Notons que le Col d'Al Pastre a été rendu célèbre pour son rapprochement avec le tableau des
Bergers d'Arcadie II, la Bergère posant sa main près du cou de l'un des Bergers.
Nous savons aujourd'hui, photo à l'appui, que la montagne centrale en fond de tableau est bien
la Pique Grosse, le second sommet du
Bugarach. Le rapprochement de la toile de
Poussin avec le
Col d'Al Pastre n'est donc plus un
fantasme de chercheur comme on peut le lire trop souvent.
Une borne méridienne existe même dans le
secteur. Dissimulée dans les broussailles, elle n'est pas facile à repérer, d'autant que celle‑ci aurait disparu récemment.
Autre constat: le méridien de Paris n'est pas dessiné sur la
carte Boudet, à croire que le suggérer aurait été trop attirant. À son habitude, le prêtre souligne les points importants en
les omettant, une
stratégie particulièrement efficace lorsque l'on a compris le principe. |
Vue plongeante sur le Cardou. Au premier plan les Pontils ‑ Vue plein sud |
Le sommet
L'accès à la cime
du Cardou ne se fait pas sans mal, et il faut attaquer un dénivelé important jusqu'au bout pour l'atteindre. Une fois là‑haut, le panorama est exceptionnel et on comprend mieux l'attrait que suscite la
montagne pour le repérage. La vue y est tout simplement exceptionnelle.
Non seulement on domine Rennes‑les‑Bains, mais également plus d'une vingtaine de villages. Les reliefs sont facilement
reconnaissables avec le Pech de
Bugarach que l'on toucherait presque, ou
Blanchefort
et sa
protubérance rocheuse accompagnée des restes d'une citadelle. Au loin
vers le Sud, la chaine des Pyrénées déroule ses sommets teintés de blanc. On peut aussi découvrir Espéraza ou Arques et son château.
En
observant les pierres au sol, vous pourrez certainement déceler deux grands cercles et une croix, le tout formant une gigantesque
croix celtique. Cette construction n'a rien d'historique, mais elle montre que le sommet du Cardou est porteur d'une
symbolique sacrée retranscrite par la tradition populaire. Attention: Le centre de ce
cercle n'indique pas le sommet exact. Ce dernier est situé légèrement plus au Sud‑Est.
Coordonnées GPS sommet du
Cardou :
42° 56' 11.00" N 2° 19' 38.15" E |
Le cercle de pierre en forme de croix celtique au sommet du Cardou
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En redescendant légèrement vers le Nord, on peut profiter d'une superbe
vue sur le pays de Sault, la Haute vallée de l'Aude, les terres rouges de Peyrolles et de Serres… Dans le
lointain, par‑delà les crêtes du massif de Milobre de Bouisse, on peut aussi apercevoir les sommets de la Montagne Noire.
Alignements remarquables
Voici encore les tireurs de traits diront certains...
Il est
impossible d'inventorier ici ces lignes virtuelles qui dérangent les esprits incrédules. Une chose est sûre, ce sont ces alignements topographiques qui
ont permis, au
fur et à mesure de leur mise en évidence, de découvrir certains indices et d'avancer dans l'énigme.
Voici trois exemples qui présentent
l'avantage d'être très facilement vérifiables. Il suffit de se munir de la carte
IGN Quillan 1/25000 et d'une bonne règle. Notez
que pour le Cardou, il faut utiliser le point exact de son sommet, repéré sur la carte par un triangle.
Sommet du Cardou ‑ Château du Bézu
L'un des alignements fondamentaux implique
le
château du Bézu dit des Templiers. En effet, la situation naturelle du sommet du Cardou offre une propriété
topographique remarquable. Depuis le sommet, si vous regardez en direction du Bézu au Sud‑ouest, vous pourrez apercevoir dans un
parfait alignement Rennes‑les‑Bains.
Mieux... Prenez la carte IGN Quillan 25000 et tracez une droite allant du château
du Bézu au point sommet du Cardou. Vous verrez qu'elle passe très exactement par
l'église de Rennes‑les‑Bains. Hasard ? A vous de juger... |
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L'église de Rennes‑les‑Bains est traversée par l'axe
château du Bézu / sommet du Cardou |
La visée réelle depuis le
château du Bézu est très démonstrative. Au loin, le
Cardou est facilement identifiable par sa forme arrondie. À ses pieds, Rennes‑les‑Bains et l'église d'Henri Boudet
sont dans un
parfait alignement. |
Vue depuis le château du Bézu. Au pied du Cardou, une tache blanche...
c'est
Rennes‑les‑Bains |
L'axe Château de Couiza / Château de Blanchefort / Cardou
Cet axe est peu connu, car il implique
le château de Couiza, un site aujourd'hui transformé en hôtel‑restaurant. Pourtant ce lieu est prestigieux puisqu'il fut
la demeure des ducs de Joyeuse. Ce château qui a conservé une forme classique féodale avec une cour carrée délimitée aux
angles par 4 tours rondes possède un riche passé historique.
En 1231, lors de la croisade des Albigeois, le pays de Couiza est donné à
Pierre de Voisins qui construit le château
d'Arques. C'est avec le mariage en
1518 de la dernière héritière des Voisins, Françoise, avec
Jean de Joyeuse (pair
et chambrier nommé par le roi François I, gouverneur de Narbonne et lieutenant général en Languedoc) que le château de Couiza est
construit, entre 1540 et
1550. Les travaux seront poursuivis par son fils,
Guillaume de Joyeuse III
(1520‑1592), lui‑même
évêque d’Alet, puis lieutenant général en
1561. En
1577, les protestants d’Alet
l’assiègent et il prend la fuite. Le château est pillé. Mais en
1582, Guillaume y revient maréchal et y tient une véritable
cour. Il meurt à Couiza le 24 janvier
1592
Le château est classé au titre des monuments
historiques en 1913.
Tracez une droite depuis le château de Couiza vers sommet du Cardou. Vous verrez qu'elle traverse très exactement le
château de Blanchefort. |
Le château des ducs de Joyeuse à Couiza et le château de Blanchefort
sont
alignés sur le sommet du Cardou |
L'axe Église Saint Just et le Bézu ‑ Pique de Lavaldieu ‑ Cardou
Selon le même principe, il existe un autre axe remarquable reliant le sommet du Cardou. Cet axe rejoint l'église de
Saint Just
et le Bézu, la petite commune située près du
château du Bézu, et la
Pique de Lavaldieu. |
La Pique de Lavaldieu est un
site très particulier qui se caractérise par une longue arête rocheuse se terminant par un promontoire appelée
la Pique.
Ce lieu exceptionnel semble attaché à une histoire sacrée étrange. Le hameau de Lavaldieu eut au fil des siècles plusieurs noms :
Vallis Dei
(1290),
Grange de la Bénédiction Dieu (1195‑1639),
La maison de la Bénédiction Dieu
(1198‑1500),
Labaldieu (1594),
Villedieu
(1406‑1599), et enfin
Lavaldieu
(1807). Les fouilles ont mis en valeur
l'existence de fondations
voûtées appartenant à une chapelle du XIe siècle et à ses propriétaires de l'époque: les
Chevaliers de l'Ordre de Saint Jean de la Croix.
Lorsque l'ordre fut dissout, Lavaldieu devint la propriété de l'Abbaye de Fontfroide vers
1290, sous le nom de "Vallis Dei"
(en occitan "La val (de) Dieu").
L'histoire étonnante continue cette
même année en 1290 avec Aiméric de Thuri, commandeur de l'Hôpital de Magrie, en accord avec Guillaume de Villaret, grand prieur de l'Hôpital
de St Gilles, qui concède à
Jean de Voisins, fils de
Pierre de Voisins chevalier, le domaine de LA VALDIEU, avec
tous les droits de justice y attenant, moyennant une petite rétribution tous les ans à Noël. Ceci durera jusqu'à la Révolution.
Ces anciens locataires étaient les
vassaux de L'Hôpital de Saint Jean de Jérusalem ou de Malte. Les familles de VOISINS,
d'HAUTPOUL,
de ROQUELAURE, de
NIORT, de
MONTESQIEU, et de
FLEURY étaient aussi concernées par cet accord.
Pourquoi ce site a‑t‑il revêtu un
intérêt tout particulier pour les seigneurs de l'époque et pour certains ordres ? Le fait est que la région semble avoir été mêlée à des ordres
chevaleresques issus de croisades sans que l'on connaisse la réelle portée de leur implication.
Il reste que la
Pique de Lavaldieu est un site qu'il faut découvrir pour sa
vue à 360° et qui plonge littéralement le spectateur en plein Haut‑Razès. J'y reviendrai dans un sujet spécifique. |
À droite le Cardou, à gauche Blanchefort et son
château, et au
fond le Bugarach ‑ Vue depuis Cassaignes
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Le
Cardou est avec Blanchefort et le Bugarach une montagne sacrée qui s'inscrit de par sa
situation dans un montage topographique et géométrique exceptionnel. Ces propriétés font partie d'un vaste ensemble qui fut très
tôt remarqué par les anciens, fascinés par cette nature digne des dieux.
Il est donc tout aussi naturel que cette structure
servit également au Secret... |
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