Ou l'histoire d'un grand Secret...

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Boudet, ses écrits - Rennes-le-Château Archive

L'abbé Boudet                 2/3

Ses ouvrages et des indices fondateurs

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

 

Jean‑Jacques Henri Boudet
 

Né le 16 novembre 1837 à Quillan
Mort le 30 mars 1915 à Axat

 

 

   Son existence fut tout aussi mystérieuse que celle de Bérenger Saunière, mais sa discrétion l'a rendu insaisissable.

 

   Voici l'histoire du second curé du Razès, complice dans l'ombre de Saunière.
Son empreinte est partout et nulle part,
mais une chose est certaine :
il nous a laissé un message que l’on commence tout juste à découvrir et dont la subtilité et l'intelligence rivalisent avec
sa complexité...  


Henri Boudet
(photo présumée)

 

      Henri Boudet, un prêtre atypique ‑ Sa vie et son histoire

      Ses ouvrages, des indices fondateurs

      Le petit livre de pierre sur sa tombe

 

La Vraie Langue Celtique
et le Cromleck de Rennes‑les‑Bains

   Durant les 42 années de ministère à Rennes‑les‑Bains, l’abbé Henri Boudet écrivit 4 livres des plus étranges et des plus énigmatiques qui puissent être :

 

   1880  ‑  Du Nom de Narbonne

   1886  ‑  La Vraie Langue Celtique et le Cromleck de Rennes‑les‑Bains

  1894  ‑  Remarques sur le Dialecte Languedocien

   1896  ‑  Le Livre d'Axat

 

   Ces ouvrages sont tous orientés sur l'étude des langues celtiques ou gauloises en comparaison avec les racines saxonnes de l’anglais. "Du Nom de Narbonne" préfigure la piste qu'Henri Boudet suivra en jouant avec la phonétique et les jeux de mots, une technique qu'il mettra parfaitement en place avec "La Vraie Langue Celtique et le Cromleck de Rennes‑les‑Bains » paru en 1886. Ce premier manuscrit de la main même de Boudet, un cahier de 19 pages sans illustrations paru en 1880, fut totalement ignoré. Surtout, il dut subir une série de rajouts étranges, des petits dessins (une araignée, un petit tombeau type ‘les Pontils’, etc.) qui furent ajoutés dans une version proposée à Franck Marie. Ceci ne manqua pas de discréditer une fois de plus l'affaire des deux Rennes tout en réjouissant les détracteurs...

 

    Parmi les quatre écrits, l'un d'eux va  particulièrement attirer l'attention des chercheurs par son côté hermétique et absurde, d'autant qu'il fut publié sur compte d'auteur en 1886... un nombre rappelant 681...

 

   Henri Boudet semble avoir été obsédé depuis son enfance par l’idée que dans les noms des villes, des villages et des hameaux, les noms géographiques et les mots d’usage quotidien, seraient dissimulées les racines d’une langue oubliée ou perdue, connue seulement de nos lointains ancêtres. Sa thèse est plutôt simpliste : cette langue perdue serait à l'origine de toutes les langues parlées dans le monde et par tous les Hommes sans exception.

 

   Afin de mettre sa théorie en pratique, il rassembla des concepts de base et étudia les traditions et les légendes locales. Il bâtit des scénarios qu’il  utilisa pour procéder à des comparaisons, illustrant des mondes de jadis et du présent. Il étudia également l’étymologie des mots et procéda à des études détaillées en phonétique.

 

   Nous savons aujourd'hui que ce livre renferme bien autre chose avec plusieurs degrés de lecture différents. Les innombrables indices que l'on connaît maintenant montrent que sa démarche de codage est essentiellement basée sur les allégories, les erreurs volontaires, les omissions, les jeux de mots, et la langue des Oiseaux...

 

Un ouvrage peu vendu

 

   Durant les 42 ans où Henri Boudet était curé à Rennes‑les‑Bains, le prêtre passa une partie de sa cure à écrire « La Vrai Langue Celtique et le Cromleck de Rennes‑les‑Bains ». Achevé en 1880, le manuscrit fut publié en 1886 après six années consacrées à introduire de nombreuses modifications et annotations. L'ouvrage devenu aujourd'hui culte fut reproduit en 500 exemplaires par l'éditeur François Pomiès, un imprimeur de Carcassonne, et pour un coût total de 5382 Francs‑or.

   Le livre comporte 310 pages et contient trois illustrations, dont une carte en couleur nommée "RENNES CELTIQUES." Les dessins élaborés à la plume sont signés Edmond Boudet (1840‑1907), le frère de Henri Boudet et notaire à Axat.

   Sur les 500 exemplaires, 98 furent vendus, 100 furent déposés dans des librairies ou donnés à des institutions, et 200 furent offerts à des amis ou à des personnes voulant visiter les cures de Rennes‑les‑Bains. 102 livres furent détruits par Boudet lui‑même en 1914, l'année de sa démission.

   Une chose est sûre : il ne fit pas fortune avec la vente de son ouvrage, mais son objectif était tout autre, c'est évident...

 

"La Vraie Langue Celtique" est accessible ici

 

Une thèse surprenante

 

   Le thème de son livre est au départ simple : toutes les langues se déclinent de la langue anglaise ! Voici donc que tout au long de son livre, le curé de Rennes‑les‑Bains s'efforce de démontrer cette thèse pour le moins surprenante. Pour lui, les langues les plus anciennes comme l'hébreu, le latin, et bien d'autres ont comme seule et unique racine commune l'anglais. Et en s'appuyant sur des jeux de sons et des jeux de mots, il étaye sa conviction au fil des pages.

 

Voici comment des critiques littéraires et des analystes résument le livre :

 " En 1886 l’abbé Henri Boudet, curé de Rennes‑les‑Bains, dans l’Aude, écrivait une œuvre monumentale : La Vraie Langue Celtique et le cromleck de Rennes‑les‑Bains, dans laquelle il tentait de déchiffrer la totalité des mots basques et occitans grâce au « celte » (en fait, la langue anglaise). 310 pages d’étymologies délirantes, de calembours imparfaits ou géniaux pour montrer que toute langue peut devenir la métalangue explicative de toute autre."

 

   La lecture est souvent lourde et fastidieuse, et il faut attendre l'avant‑dernier chapitre pour que l'auteur nous parle enfin du cromlech de Rennes‑les‑Bains. Mais qu'est‑ce qu'un cromlech ?

   Un cromlech est un monument mégalithique préhistorique constitué par un alignement de monolithes verticaux, des pierres levées (menhirs) formant une enceinte généralement circulaire. Parfois un menhir est placé au centre. La plupart paraissent dater en Europe notamment de l'âge du bronze (2500 av. J.‑C. à 1000 av. J.‑C.). Ces cercles de pierres peuvent être isolés, jumelés à un autre cercle de pierres, ou associés à un alignement de menhirs. Le plus célèbre de tous les cromlechs est le cromlech de Stonehenge situé en Angleterre. On en trouve aussi en Bretagne comme sur l'îlot d'Er Lannic, dans le golfe du Morbihan. À noter que l'on trouve des cromlechs en petit nombre un peu partout, depuis l'Inde jusqu'en Angleterre, dans les pays nordiques, au Maroc, et même au Japon.

 
Le cromlech de Swinside en Angleterre, un cercle de pierres levées

 

   Or, l'une des anomalies majeures de la thèse Boudet est que sa démonstration celtique porte sur la description d'un monument néolithique situé à Rennes‑les‑Bains et qui n'existe pas. En effet, aucune trace d'un cromlech est présente dans le secteur. Et pour mieux illustrer son propos, Henri Boudet passe en revue des ensembles de pierres issues de l'érosion naturelle et qui se dressent un peu partout dans la région. Le résultat est bien sûr déconcertant. Alors que Boudet affirme la parfaite forme circulaire de son cromlech, le relevé topographique démontre tout le contraire. Le prêtre érudit a donc d'autres intentions dans son discours et c'est une évidence.

    En son temps, le livre déchaîna les passions et les critiques de ses confrères siégeant dans des Sociétés Savantes l'assassinèrent littéralement. Les critiques littéraires modernes firent de même. En fait, personne ne comprit pourquoi cet homme, un prêtre reconnu et respecté, érudit de surcroît, se lança dans une étude aussi loufoque que saugrenue. Cependant, malgré les attaques féroces, ses travaux furent toujours étudiés entre 1898 et 1902 par les sociétés savantes.

 

   "La Vraie Langue Celtique" reste aujourd'hui l'ouvrage de référence pour les chercheurs et les passionnés de Rennes‑le‑Château. Il est vrai que certains passages restent occultes et étonnants, soit par leur description, soit par les omissions flagrantes. Comment admettre que lorsque Henri Boudet énumère les "Rennes" de France, il oublie de citer Rennes‑le‑Château si proche de lui ? Comment expliquer l'oubli du menhir de Peyrolles dans la description de son cromlech imaginaire, alors que cette pierre levée est célèbre dans la région et très visible ? Les non‑dits sont des incitations à une lecture plus approfondie, à une analyse à double sens. Toutes les erreurs et les anomalies sont là pour attirer l'attention des curieux avertis...

 

   L'ouvrage comporte deux dessins à la plume signés de la main d'Edmond Boudet et qui montrent plusieurs pierres remarquables. Ces roches, les Roulers et la pierre de Dé existent réellement dans les environs de Rennes‑les‑Bains.

 

 

   Le texte "La Vraie Langue Celtique" n'a cessé d'interroger et de générer des analyses plus ou moins heureuses. L'informatique s'est aussi invitée dans les nombreuses tentatives de percer un code ou de repérer une séquence logique. Des gros ordinateurs ont été sollicités, tentant de détecter la moindre clef ou un algorithme de codage, mais le résultat est décevant. En fait, il semble que le codage soit essentiellement basé sur le contexte historique, les allégories, les jeux de mots, les erreurs, les doubles sens, les inversions, les omissions. C'est le jeu de la langue des Oiseaux, des métaphores, des périphrases et des paraboles. Aucun ordinateur ne peut lutter contre ce type de tournure du langage, car décoder c'est prendre en compte un contexte extérieur riche et que bien sûr une machine ne connaît pas a priori...

 

   Voici toute la difficulté de ce livre qui fut dans un premier temps un échec, car parfaitement incompris. On ne peut décoder son message que si l'on connaît déjà la solution. Enfin, la difficulté ultime du chercheur initié est que même s'il est persuadé de la présence d'un sens caché, le fait de ne pas savoir ce que l'on cherche complique énormément la tâche. C'est sans doute aussi pour cela que l'histoire de Rennes‑le‑Château est passionnante...
    Les études récentes permettent néanmoins de lever légèrement le voile sur certains paragraphes et de confirmer les pistes découvertes par ailleurs. Voici quelques exemples...

 

Quand Boudet nous parle du tableau de Poussin...
"Les Bergers d'Arcadie"

 

   "La Vraie Langue Celtique" est un ouvrage à multiples tiroirs et d'une richesse incomparable. Or, pour prouver l'absence de tout codage dans ce livre, les détracteurs argumentent souvent le fait que la thèse celtique de Boudet ne comporte aucune référence concernant Poussin, et encore moins une quelconque allusion au fameux tableau des Bergers d'Arcadie. Cette peinture étant un indice fondamental lié à l'énigme et à l'Histoire, le mystère arcadien de Rennes ne serait alors que pur phantasme. Seulement voilà, cette référence arcadienne existe, et pour la débusquer, il faut approfondir certaines mythologies évoquées par Boudet. Voici ce que l'on peut lire vers la fin de son livre culte :  

 

   L'histoire du sanglier d'Erymanthe est la peinture fabuleuse des chasses au sanglier si chères aux Gaulois.

 

("La Vraie Langue Celtique" par Henri Boudet ‑ Page 302)

 

    Ce passage serait passé complètement inaperçu s'il n'y avait pas dans le paragraphe précédent un nom qui fait écho à l'énigme : Arcadie. Il s'agit en fait d'une balise permettant d'alerter un lecteur curieux et averti. En effet, Boudet a l'intelligence de citer un récit légendaire à propos d'une certaine montagne et d'un chasseur...

 

   Erymanthe, montagne d'Arcadie, était l'asile d'un sanglier dont la fureur remplissait d'effroi la contrée entière. Eurysthée demande à Hercule de délivrer le pays de cet hôte redouté. Hercule poursuit le sanglier, le prend vivant, et le charge sur ses épaules pour le porter à Eurysthée. Celui‑ci est saisi d'une telle frayeur, qu'il va se cacher sous sa fameuse cuve d'airain.

 

("La Vraie Langue Celtique" par Henri Boudet‑ Page 302)

 

    Voici donc que Boudet compare l'histoire de la chasse d'un sanglier vivant en Arcadie à une peinture fabuleuse. Avouez que trouver une référence arcadienne grecque dans une thèse linguistique celtique a de quoi étonner, d'autant que la probabilité d'y trouver le mot "Arcadie" est extrêmement faible. En fait, pas vraiment si l'on considère que Boudet joue avec le lecteur et use des métaphores pour exprimer toute autre chose.  
    L’Arcadie est une région de la Grèce située au centre de la péninsule du Péloponnèse, et son relief est très montagneux surtout au nord, baigné à l'est par la mer Égée. Le nom est tiré du personnage mythologique Arcas, fils de Zeus et de Callisto, roi éponyme de la province d'Arcadie. Arcas est associé au grec ancien arktos : « ours »
   De plus, dans la mythologie grecque, la région d'Arcadie était présentée comme la patrie du dieu Pan. Et dans les arts de la Renaissance européenne, elle était célébrée comme un pays dont la nature sauvage demeurait préservée et harmonieuse.

   Une étrange relation est donc clairement énoncée entre une "peinture fabuleuse", "l'Arcadie", et une chasse chère aux Gaulois ou plus exactement aux Celtes, menée par Hercule alias Héraclès. L'allusion est bien trop belle pour être involontaire ou dû au pur hasard. Quelle est donc cette peinture fabuleuse traitant de l'Arcadie ? Il s'agit évidemment des Bergers d'Arcadie de Nicolas Poussin, une toile unique et d'excellence que Boudet relie à l'histoire des Celtes.

   Dans la mythologie grecque, le sanglier d'Érymanthe est un énorme sanglier qui terrifiait les habitants du mont Érymanthe en Arcadie, et sa capture constitue le quatrième travail d'Héraclès (Hercule). Ce dernier se mit à pourchasser durant l'hiver la bête gigantesque. Il la chercha durant plusieurs jours, abattant des arbres pour l'apercevoir, et finit par trouver un moyen pour faire sortir le sanglier de sa tanière en poussant de grands cris. Cela fait, il le coursa durant plusieurs jours à travers toute la montagne couverte de neige, si bien qu'il arriva au sommet. Le demi‑dieu suivit le monstre à la trace et lui jeta des pierres. Harcelé et épuisé, le sanglier d'Erymanthe tomba dans un trou creusé et rempli de neige par Héraclès pour le piéger. Comme la bête était paralysée sous le choc, Héraclès la maîtrisa à mains nues et l'enchaîna.

 


 

"Les Bergers d'Arcadie" (Version II) par Nicolas Poussin
faussement daté entre 1638 et 1640, plus vraisemblablement peint vers 1655

 

    Or, il faut souligner un autre indice fourni par Boudet et que l'on retrouve dans le tableau de Poussin : Hercule. En effet, on ne peut éviter de faire le rapprochement symbolique entre le berger barbu agenouillé et Hercule. Le maître des Andelys aurait‑il voulu en effet représenter Hercule, alias Héraclès pour les Grecs, demi‑dieu et chasseur arcadien, agenouillé devant un tombeau, et décryptant une mystérieuse inscription ? Au XVIIe siècle, Hercule était représenté sous les traits d'un personnage à la forte carrure, demi‑nu, brun et surtout barbu.
   D'ailleurs une confirmation nous est donnée dans le Serpent Rouge au 6ème paragraphe :

 

   Les dalles du pavé mosaïque du lieu sacré pouvaient être alternativement blanches ou noires, et JESUS, comme ASMODEE observer leurs alignements, ma vue semblait incapable de voir le sommet où demeurait cachée la merveilleuse endormie. N'étant pas HERCULE à la puissance magique, comment déchiffrer les mystérieux symboles gravés par les observateurs du passé. Dans le sanctuaire pourtant le bénitier, fontaine d'amour des croyants redonne mémoire de ces mots: PAR CE SIGNE TU le VAINCRAS.

 

   
Hercule et le sanglier d'Hérymanthe par Pietro da Cortona
(1596‑1669) école italienne

 

    Selon la légende grecque, après qu’Hercule, fils de Zeus et d'Alcmène, ait tué sa femme et ses enfants dans un accès de rage, il fut dévasté par le regret. Le roi Eurysthée lui assigna alors les célèbres tâches "Les Douze Travaux" dans le but de l’aider à se racheter. Il accomplit avec succès ses "Douze Travaux", puis construisit un bûcher sur le mont Œta, pour y sacrifier son corps de mortel. Son âme rejoignit ensuite son père Zeus et les autres dieux dans le ciel.

   Autre élément important ; dans l'Antiquité grecque, les anciens voyaient dans la constellation d'Orion un chasseur agenouillé, que les Romains assimilèrent plus tard à Hercule s’agenouillant du poids de ses remords après avoir tué sa femme et ses enfants lors d’une crise de folie.

   Hercule est une vaste constellation de l'hémisphère nord, la cinquième plus grande de la voûte céleste, l'étoile la plus brillante étant Beta Herculis. L'amas d'étoiles fait partie des 48 constellations antiques et Hercule est située au sud‑est de Véga, de la constellation de la Lyre, sur la ligne joignant Véga à Arcturus, de la constellation du Bouvier.

   Or, la ressemblance avec le berger agenouillé de Poussin est frappante, ce qui confirmerait l'idée selon laquelle le berger arcadien serait bien Hercule. En citant "Hercule", "Arcadie", et "une peinture fabuleuse", Boudet était donc sûr d'évoquer les Bergers d'Arcadie à l'attention des érudits.

 

   
Hercule dessiné dans l'Uranographia de Johannes Hevelius
Hercule est représenté agenouillé

 

    Pour continuer sur les constellations et les Bergers d'Arcadie (seconde version) il existe une lecture astrale voulue par Poussin. En effet, les trois bergers et la bergère peuvent être assimilés, de gauche à droite du tableau, aux constellations suivantes : Serpentaire, Hercule, Bouvier et Vierge... des constellations situées autour de celle nommée la Couronne boréale...

 

 Boudet insiste en suggérant Nicolas Poussin...

   "La Vraie Langue Celtique" est une oeuvre à tiroir et on ne se lasse pas de découvrir les différentes facéties qu'utilise Boudet pour inviter le lecteur à une lecture plus attentive. Voici un autre exemple. Nous avons vu comment Boudet amène le tableau des Bergers d’Arcadie sans le nommer. Il suffit de s'intéresser à l'un des travaux d'Hercule, le sanglier d'Hérymanthe, pour rapidement établir un lien entre "la peinture fabuleuse des chasses au sanglier" citée par Boudet et la célèbre scène arcadienne de Poussin. Or, voici un autre procédé, et le point d'entrée est le mot "brebis" en relation bien sûr avec la légende du berger Paris voulant sauver une jeune brebis tombée au fond d'un aven (câtin). Le mot "brebis" apparaît trois fois...

    En page 58, Boudet utilise un épisode de la Genèse pour créer une première association d'idées entre les termes : richesse "l'or et l'argent abondaient", brebis, et bergers "pasteurs". Rappelons que le célèbre tableau de Nicolas Poussin s'appelait "Les pasteurs d'Arcadie" du temps de Louis XIV. 

       Il était fort riche ; l'or et l'argent abondaient dans sa tente. Lot accompagnait Abram, et lui aussi avait des troupeaux de brebis et des troupeaux de boeufs. Une querelle s'étant élevée entre les pasteurs de Lot et d'Abram [...]

Extrait "La Vraie Langue Celtique" p58

 

    Plus loin, nous retrouvons la brebis en page 231 et ici l'association est faite entre le concept d'aiguille et celui d'agneau (jeune mouton mâle), ce dernier se transformant par une pirouette boudetienne en brebis (femelle du mouton). Il faut dire que l'exercice devait être plutôt difficile de rapprocher la brebis vers le secteur du Roc Pointu à Rennes-les-Bains, un endroit relativement incompatible avec le pâturage. Mais alors, pourquoi choisir ce secteur ? Tout simplement parce qu'il se rapporte à des aiguilles rocheuses. D'un ménir isolé, on passe donc aux aiguilles nommées "Lampos" situées sur le Cardou, un nom qui dériverait de "Lamb" c'est à dire "agneau" et donc "brebis"... Avouez que la démonstration pose problème, or c'est justement ce que cherche Boudet : perturber le lecteur et créer des images suggestives. Tout se passe dans la lecture subliminale... "Brebis", "or et argent", "pasteurs", "aiguilles rocheuses"...
   Ce passage insiste d'ailleurs sur les aiguilles en utilisant les mots "ménir", "pointes", "aiguës", "pointu"... Peu à peu, Boudet tisse une logique destinée aux curieux avertis, une logique qui mène comme nous le verrons à la reine des aiguilles, l'Aiguille du Bézis
        En suivant ces roches du regard, l'oeil est bientôt arrêté par un ménir isolé, dont la pointe se montre au‑dessus des chênes verts qui l'entourent. Il porte dans le cadastre le nom de Roc Pointu : il fait face à une autre roche naturelle fixée sur le flanc de Cardou et ornée de plusieurs aiguilles très aiguës. Cette dernière roche, séparée de Cardou et offrant plusieurs pointes réunies par la base, a présenté à nos ancêtres l'idée des petits êtres composant une famille et retenus encore auprès de ceux qui leur ont donné le jour, et ils ont nommé poétiquement ces aiguilles Lampos. Ce mot dérive de lamb, agneau, ou de to lamb, mettre bas, en parlant de la brebis.

Extrait "La Vraie Langue Celtique" p231

 

    Notons d'ailleurs qu'un exercice équivalent a été réalisé sur le fronton du confessionnal dans l'église Marie-Madeleine de Rennes-le-Château. En effet, Jésus habillé en pasteur sauve une brebis à la patte cassée d'un buisson épineux. Et voilà les aiguilles qui reparaissent...

 

À droite, les Lampos situées sur la face sud‑ouest du Cardou

 

    Enfin, c'est à la page 296 que la brebis fournit une indication arcadienne et la suggestion ne manque pas d'astuce. La brebis se dit "fedo" en languedocien  et viendrait de "to feed" en Celte. Or, c'est là où un grand écart littéraire interpelle puisque de "nourrir"(to feed) on passe à "chick" qui se traduirait par "poulet" ou "maigre portion". Or, voici... "chick" n'est pas un poulet, mais un poussin. Henri Boudet, érudit celtique et expert des langues anciennes, ne pouvait ignorer que "poulet" se dit "chicken" et non "chick". Il y a donc ici une invitation flagrante à penser "poussin" ou plutôt Nicolas Poussin, maître des Andelys et auteur de la merveilleuse peinture des Pasteurs d'Arcadie... 
        La brebis, en dialecte languedocien, est désignée par l'expression fedo, –to feed (fid) nourrir – : cette nourriture était convenable, et ils la qualifiaient sans doute de gros morceau, puisque le terme chick, marquant la petite dimension d'un morceau dans le même dialecte, correspond en langue celtique à chick (tckick) poulet, maigre portion, en effet, pour l'appétit de ces hommes à taille gigantesque.

Extrait "La Vraie Langue Celtique" p296

 

    Boudet ne pouvait écrire le mot "Poussin" que l'on aurait très vite associé à Hercule et à l'Arcadie. Et pour montrer le niveau d'érudition du prêtre, voici qu'il poursuit en suggérant une suite légendaire passionnante... l'aventure des Argonautes à la recherche de la toison d'or... Mais avant, une formulation mérite que l'on s'y attarde : "Hercule, personnification du peuple Celte"
   La mythologie grecque avait remarqué dans Hercule, personnification du peuple Celte, une certaine voracité et l'avait surnommé mangeur de boeufs. Elle raconte que les Argonautes faisant voile vers la Colchide pour conquérir la toison d'or, avaient pris tout d'abord Hercule avec eux ; mais lorsqu'ils furent témoins de son robuste appétit, ils le forcèrent à quitter le navire, redoutant de le voir dévorer, à lui seul, toutes leurs provisions.

Extrait "La Vraie Langue Celtique" p296

Du romain Hercule au grec Héraclès

   Tout le monde connaît Hercule sous les traits d’un homme barbu ou imberbe à la force virile, un personnage héroïque popularisé par les productions de péplums américains et italiens. Hercule est en fait un demi-dieu romain, fils de Jupiter (roi des dieux, dieu de la foudre et du ciel, Zeus pour les Grecs). Il apparaît dans la religion romaine au début du IVe siècle av. J.-C. et ses origines ainsi que ses aventures sont inspirées de celles d'Héraclès chez les Grecs. Rappelons que les premières civilisations grecques furent la civilisation des Cyclades, minoenne et mycénienne, datant de 2700 à 1200 avant notre ère.

    Héraclès serait donc l'ancêtre d'Hercule, représenté d’ordinaire sous la forme d’un homme fort, barbu ou imberbe, tantôt assis avec une expression de lassitude ou de courage, tantôt debout appuyé sur sa massue, une peau de lion drapée sur son bras gauche. Une très belle représentation dite Farnèse existe dans les jardins du château de Vaux-le-Vicomte. Installé par Lenôtre à un endroit stratégique, Nicolas Fouquet y voyait sans aucun doute sa personnification.



Hercule reposant sur sa massue au château de Vaux-le-Vicomte

    Né de l'union illégitime entre Zeus et une mortelle, Héraclès est poursuivi dès sa naissance par la jalousie d'Héra, l'épouse de Zeus. Pour lui donner l'immortalité, Hermès le dépose sur le sein d'Héra qu'il vient d'endormir. Goulu, le bébé veut téter et réveille la déesse. Celle-ci, furieuse, repousse violemment l'enfant qui a tout de même réussi à boire une goutte du lait qui lui donne une parcelle d'immortalité. Le reste du lait jaillit, se répand dans le ciel et donne naissance à la Voie lactée.
   Héra décide de tuer Héraclès qui est encore un bébé. Elle introduit deux serpents dans la chambre de celui-ci et de son demi-frère jumeau Iphiclès. Héraclès parvient à étrangler les reptiles, démontrant déjà sa force prodigieuse. Héraclès reçoit une excellente éducation, mais ses colères enfantines provoquent sans le vouloir des drames en utilisant sa force. Plus Héraclès grandit, plus il est fort.
   Chaque année, la ville de Thèbes donne un tribut à Erginos, le roi des Minyens. Mais Héraclès ne voulant pas l'affrontement de sa ville natale déclenche une guerre contre Erginos et la gagne. Créon, le roi de Thèbes donne en mariage sa fille Mégara à Héraclès qui vivent alors heureux avec de nombreux enfants ; mais Héra, toujours très jalouse, ne supporte pas leur bonheur. Par magie, elle pousse Héraclès dans une rage folle. Ce dernier, ne se contrôlant plus, tue toute sa famille. Retrouvant la raison, il se rend à Delphes pour y consulter la Pythie. Celle-ci lui ordonne de se mettre à la disposition d'Eurysthée, roi d'Argos, qui en guise de pénitence, va lui imposer les douze travaux.

Les douze travaux d'Héraclès

Le lion de Némée - L'hydre de Lerne - Le sanglier d'Érymanthe - La biche de Cérynie - Les oiseaux du lac Stymphale - Les écuries d'Augias - Le taureau de Crète - Les cavales de Diomède - La ceinture d'Hippolyté - Les bœufs de Géryon - Les pommes d'or du jardin des Hespérides - Cerbère



Héraclès combattant l'hydre de Lerne - Ancien vase grec

Du grec Héraclès au celte Ogmios

   Il existe une étonnante correspondance entre le dieu grec Héraclès et un dieu celte nommé Ogmios. Ce dernier est le dieu de l’éloquence et on le représente sous la forme d’un vieillard très âgé, signe de sagesse, chauve, la peau ridée, armé d’un arc, un carquois à son épaule, revêtu d’une peau de lion.

  
De plus, il est affublé d’une particularité étonnante : il conduit avec sa langue les Hommes enchaînés par les oreilles. Les liens dont il se sert sont de petites chaînes d’or et d’ambre semblables à des colliers de la plus grande beauté. Malgré la faiblesse de leurs chaînes, les prisonniers ne cherchent pas à se défaire de leurs liens. Ils n’offrent aucune résistance et suivent avec joie celui qui les guide en le comblant d’éloges. Ce lien entre la langue et les oreilles illustre l'importance de l'éloquence dans la civilisation gauloise notamment incarnée par les bardes.


Hercule Ogmios et l'éloquence par Geoffroy Tori 1529

   L'érudit Albrecht Dürer fit un dessin au XVIe siècle basé sur cette même description et symbolisant l'éloquence du messager Hermès identifié par des ailes à ses pieds et par son caducée.

L'éloquence d'Hermès par Albrecht Dürer (1514)

   En résumé, comme Héraclès, les attributs d'Ogmios sont la massue, la peau de lion, l’arc et le carquois. Nous serions alors en présence d’une assimilation d’un dieu celtique.

  
En plus d'être
un dieu de la mythologie celtique gauloise, Ogmios est aussi présent dans la mythologie celtique irlandaise sous le nom d'Ogme rejoignant l’Ogmios celtique continental.

   Ogme a deux aspects : à Mag Tured, c'est un champion à la grande force physique qui se bat du côté des Tuatha Dé Danann ; mais il est aussi un patron en poésie et le "père" des ogams (comme Odin l'est des runes).

   L'Ogmios continental est connu comme un maître en logos qui entraîne ses fidèles par la parole dans des régions ténébreuses.

Ogme, figure sculptée en bronze de Lee Lawrie

Détail de la porte d'entrée Est de la Bibliothèque
du Congrès à Washington, 1939

     Les Celtes sont originaires du centre de l'Europe et migrent principalement vers l'ouest de l'Europe durant la période dite « de la Tène » entre 450 av. J.-C. et 25 av. J.-C. Cette expansion celtique est à son maximum en 275 av. J.-C. et prend fin avec la conquête romaine. Il n’est donc pas anormal du supposer que la mythologie celte ait été influencée par les dieux des civilisations voisines ou plus anciennes, notamment  grecque.


Héraclès et Thor

   Il existe un parallèle étonnant entre le héros grec Héraclès et le dieu germanique Thor. Tous deux sont des héros possédant une force surhumaine, combattant des êtres monstrueux, défendant les dieux et les Hommes face au chaos. Alors que Héraclès possède une massue, Thor possède une autre arme puissante, son marteau.
   L’interpretatio romana associait déjà Thor à Hercule, et dans La Germanie, Tacite nomme les dieux des Germains, et évoque les sacrifices faits en l’honneur d’Hercule qui serait alors le dieu Thor. En Germanie romaine, de nombreuses inscriptions sur les monuments portent le nom d’Hercule et désignent l’Hercule germanique, Thor.  


Allons plus loin... L'Hercule Gaulois

   Il est clair que le mythe d’Héraclès a irradié l’Europe continentale avec Thor alias l’Hercule germain ou Ogmios l’Hercule gaulois.



Hercule Gaulois ou l'éloquence d'après Raphaël (1483-1520)
XIXème siècle Ashmolean Museum Oxford

   Au XVIe siècle, l'Hercule Gaulois devient un mythe important. Il est alors représenté doté à la fois des attributs traditionnels d’Héraclès, la peau du lion de Némée et la massue, et d’une série de chaînes partant de sa langue pour s’accrocher aux oreilles d’une foule qui le suit, symbole de son éloquence captivante.
    Il faut noter que l'Hercule Gaulois s’inspire d’un Héraclès apparaissant notamment dans l’Antiquité chez Lucien de Samosate sous le nom d’Héraclès Ogmios et présenté comme le dieu de l’éloquence honoré par les Gaulois.

    Pierre de Ronsard, dans son poème « Hylas » édité dans le septième livre des Poèmes en 1569, prête à Hercule l’ensemble de ces caractéristiques d’Hercule « libyen » et d’Hercule « Gaulois ». Joachim du Bellay évoque l’Hercule Gaulois dans la conclusion de la Défense et illustration de la langue française en 1549. 

   A Rome, Hercule est un demi-dieu et sa légende s'est formée avec Cacus qui vola quatre paires des bœufs de Géryon que Hercule ramenait sur les bords du Tibre.
   Or, on trouve aussi d
ans le monde romain, en Etrurie (centre de la péninsule italienne) un culte ancien largement répandu au nom de Herclé. Cette divinité étrusque apparaît sur des monuments de la fin du VIIe siècle ou du début du VIe siècle av. J.-C.
   Les représentations le montrent luttant contre des bêtes sauvages, des monstres, ou contre Apollon.


 
 Les Etrusques sont un peuple qui vécut sur la côte Tyrrhénienne de la fin de l’âge de bronze vers 900 ans av. J.-C. jusqu'à la prise par les Romains de Velzna 264 av. J.-C.

Hercules Gallicus par Bocchi 1574

 L'origine des Celtes... La légende...

   Car, il faut savoir que dans la Gaule, une autre légende court... Celle de la rencontre d'Héraclès Ogmios avec la princesse Celtiné, fille de Bretannos, et qui aurait donné naissance à Celtus, l'ancêtre des Celtes. On l'honore et on le rapproche du dieu Celte Ogmios, armé d'une massue, d'un arc et de flèches, et vêtu d'une peau de lion.

    Nous y voilà... Dans la mythologie grecque, Celtos (en latin Celtus) est l'ancêtre éponyme des Celtes, et il est cité par Parthénios de Nicée qui en fait le fils d'Héraclès et Celtiné, conçu lors du retour du héros d'Érythrie où il avait volé les bœufs de Géryon. Voilà pourquoi, Boudet évoque Hercule comme un personnage personnifiant le peuple Celte. Le prêtre érudit était donc parfaitement au fait des mythes du XVIIe siècle et des légendes gréco-celtes...

   Parthénios de Nicée, Histoires d'amour, XXX : "Celtiné : On dit que Héraclès, quand il amenait d'Herythie les génisses de Géryon, errant à travers le pays des Celtes, arriva chez Brétannos. Ce prince avait une fille nommée Celtiné. Devenue amoureuse d'Héraclès, elle cacha ses génisses et ne lui voulut pas rendre qu'il ne se fût au préalable uni avec elle. Le héros, empressé de sauver ses génisses, mais bien plus encore frappé de la beauté de la jeune fille, s'unit avec elle, et, le moment venu, il leur naquit un fils, Celtos, de qui les Celtes ont pris leur nom."

   Autre remarque qui renforce cette idée, la plupart des légendes indo-européennes et notamment celtiques se seraient inspirées d’un même dieu géant, un colosse qui serait le mythique fondateur d’Alésia, capitale religieuse des Celtes. Le surnom de " jambes courbes " aurait été donné par les Celtes au fameux grec Héraklès... La boucle est bouclée...

   Par ce raccourci assimilant Hercule au peuple Celte, Boudet montre ainsi non seulement son érudition, mais également pourquoi Hercule est plusieurs fois cité dans son propos celtique. On comprend aussi pourquoi Nicolas Fouquet était également attaché à ce mythe... Hercule trônant au Château de Vaux-le-Vicomte et surveillant le parc à l'endroit précis où toutes les lignes de fuite convergent est un symbole fort liant Fouquet aux Celtes...

    Et pour compléter le fait que Nicolas Fouquet était bien dans cette tradition Greco-celtique, il faut aller au Musée du Louvre. Dans un patio, une magnifique statue en marbre blanc réalisée par l'artiste Pierre Puget entre 1661 et 1662 sublime le lieu. Elle passe inaperçue, et pourtant elle représente l'Hercule Gaulois, une oeuvre commandée par Fouquet et que Jean-Baptiste Colbert a récupérée pour son château de Sceaux.


L'Hercule Gaulois par Pierre Puget entre 1661 et 1662
commandé par Nicolas Fouquet (Musée du Louvre)

Officiellement, l'oeuvre commandée par Fouquet est interprétée comme une exaltation de la royauté, Hercule étant associé aux rois de France pour sa force et pour l'épisode des pommes du jardin des Hespérides, symbole d'abondance...
Un autre roi s'est d'ailleurs prêté à ce symbole... Henry IV


 
Mais le regard est très différent si l'on s'imprègne des deux Rennes et de La Vraie Langue Celtique...


Henri IV représenté en Hercule gaulois
par Nicolas Bernard Lepicie
1735-1784

   Cette légende qui fait des Celtes les descendants d’Hercule permettrait de justifier leur force. Il est vrai que le peuple Celte est responsable de deux faits historiques qui ont marqué les esprits...

   390 av. J.-C. le pillage de Rome : Le peuple Celte des Sennons mené par leur chef Brennus s'installe en Italie du Nord puis descendent dans les terres jusqu'à Rome qu’ils pillent et mettent à sac.

   279 av. J.-C. le pillage de Delphes : Un petit groupe de Celtes provenant de la Garonne Toulousaine, les Volques Tectosages (les Celtes chers à Boudet) part de Gaule en direction de l’Est, mené par un chef, Brennus. Ils s’installent à Delphes et pillent le sanctuaire du Dieu Apollon. Delphes étant la ville sanctuaire la plus importante de la Grèce à cette époque, notamment avec la Pythie, l’oracle de la ville, cet événement apparaît comme un véritable drame. Après le pillage de Delphes, une partie des Celtes continue la route vers l’Asie Mineure. Ils fondent alors la Galatie...

  
Au final, Boudet nous donne quelques enseignements précieux sur le tableau des Bergers d'Arcadie. La formule "L'histoire du sanglier d'Herymanthe est la peinture fabuleuse des chasses au sanglier si chères aux Gaulois" résume parfaitement son message. Elle conduit à s'intéresser à Hercule chassant sur les terres d'Herymanthe, une montagne d'Arcadie ; ce même Hercule que l'on retrouve agenouillé dans la constellation d'Orion et que les Romains assimilèrent à Hercule s’agenouillant du poids de ses remords après avoir tué sa femme et ses enfants lors d’une crise de folie.
   Observons à nouveau le tableau fabuleux peint par Nicolas Poussin. Hercule en pasteur se tient là, agenouillé devant le tombeau ET IN ARCADIA EGO. La jeune brebis égarée n'est pas loin, et si elle satisfait les Celtes pour se nourrir, la maigre portion qu'elle représente ne peut contenter Hercule, une portion que Boudet nomme "chick" et qui se traduit non pas par "poulet" comme il le prétend, mais par "Poussin". Boudet nous souffle ainsi le nom du maître. Il faut alors remonter le temps et se rappeler qu'Hercule était avant tout grec avec Héraclès ou celte avec Ogmios. La légende raconte que Celtos est l'ancêtre éponyme des Celtes, fils d'Héraclès et de Celtiné. Voilà pourquoi Boudet nous dit que cette peinture fabuleuse est si chère aux Gaulois. En peignant Hercule agenouillé devant le tombeau, c'est le peuple Celte qui tente de décrypter le message arcadien, un message qui doit se lire devant la vallée du Bézis, là où un tombeau était présent au lieu-dit des Pontils, là où une aiguille majestueuse marque l'entrée des gorges, là où trône la reine des aiguilles... L'Aiguille d'Arsène Lupin...

 

Quand Boudet nous parle du Bézis et de l'Aiguille...

   Nous avons vu précédemment que Boudet nous parle à mots couverts du tableau des Bergers d’Arcadie dans son livre codé. Son procédé est à la fois simple et difficile à détecter. Il suppose que nous connaissions par ailleurs d’autres indices qui, associés à ses références historiques et mythologiques, feront surgir une image. L’évocation simultanée d’Hercule (le berger agenouillé), de l’Arcadie, du sanglier d’Erymanthe, et d’une peinture fabuleuse sur la chasse au sanglier, met nécessairement en relation un tableau célèbre pour ceux qui connaisse l’importance de cette œuvre de Nicolas Poussin.
   Or, qu’en est‑il de l’Aiguille rocheuse mise en valeur par Maurice Leblanc dans les aventures d’Arsène Lupin « L’Aiguille creuse » ? Si cette aiguille est fondamentale, nous devrions trouver dans la même logique une trace dans son exposé celtique. Bien sûr, certains diront qu’il est inconcevable de trouver l’Aiguille issue d’un roman de Maurice Leblanc paru en 1908‑1909 puisque Boudet n’a fait paraître « La Vraie Langue Celtique » qu’en 1886 soit 23 ans auparavant. L’implication de Maurice Leblanc au travers de son œuvre littéraire n’est plus à démontrer, et si l’on suppose que l’Aiguille rocheuse était déjà connue du temps de Boudet, alors tout devient possible...

   Serait‑il alors concevable que "La Vraie Langue Celtique" nous parle à mots couverts du Bézis et de son Aiguille, un lieu que nous savons aujourd'hui extrêmement important ?
   Le site du Bézis est en effet non seulement pointé par le Domaine de Bérenger Saunière, mais aussi par le tableau Saint‑Antoine peint par Téniers le Jeune "Les 7 péchés capitaux", et par Maurice Leblanc dans les aventures d'Arsène Lupin, notamment "L'Aiguille creuse"

   Situé très près du hameau des Pébrières, en face de la pierre levée de Peyrolles, le secteur du Bézis est constitué d'une vallée et d'une gorge profonde encadrée à gauche par les Toustounes, deux collines : la Berco Petito et la Berco Grando, et à droite par le Roc di Quiloutié. À l'entrée de la gorge, une magnifique aiguille trône, surveillée par une monumentale tête rocheuse, la Tête d'Indien.

(Pour plus de détail lire "La Reine d'Or ...là où dort le divin" Tome 2)

 


La Vallée sacrée du Bézis
avec à gauche la Tête d'Indien et les Toustounes, à droite le Roc di Quiloutié
Au centre, dissimulée par les pins, l'Aiguille...

 

   Boudet le souligne clairement ; son discours autour des Celtes repose sur un exercice linguistique consistant à deviner le vrai sens des mots et leur réelle origine. Son objectif déguisé est de comprendre la civilisation celte à travers les racines phoniques, étymologiques et syllabiques des langues hébraïque, punique, basque, kabyle et celtique.
   [...] en examinant de près le langage actuel des Kabyles, on s'assurera qu'il est fait de jeux de mots et par conséquent le seul punique – to pun (peun) faire des jeux de mots.
(extrait "La Vraie Langue Celtique" page 98)

 

   Or, nous allons voir que Boudet utilise très largement les jeux de mots pour partager avec le lecteur un message subliminal. L'une des techniques nous est donnée par le prêtre et elle s'appelle "périphrase".
   Les périphrases employées dans la langue basque sont plus sensibles encore dans l'expression de certains faits naturels [...]
("La Vraie Langue Celtique" page 122)

 

   Qu'est‑ce qu'une périphrase ? Son origine vient du grec peri (« autour ») et de phrazein (« parler ») periphrazein : « exprimer par circonlocution ». En clair, c'est une figure de style de substitution qui consiste à remplacer un mot par sa définition ou par une expression plus longue, mais équivalente. Autrement dit, une périphrase consiste à dire par plusieurs mots ce que l'on pourrait exprimer par un seul. Voici une méthode clairement énoncée qui évoque le mot couvert. La cible à deviner est donc suggérée par plusieurs mots qui sont censés la définir...

 

L'Aiguille du Bézis

   À l'image de tous les auteurs initiés au secret comme Maurice Leblanc ou Jules Verne, l'exposé celtique de Boudet n'échappe pas à l'ingéniosité du style pour suggérer sans révéler. Les allégories, la langue des Oiseaux, les omissions évidentes, les anomalies, les textes décalés, tout est utilisé pour amener lentement le lecteur vers une compréhension occulte du propos.
   En quels termes le prêtre évoque‑t‑il l'
Aiguille du Bézis, l'Aiguille creuse d'Arsène Lupin ? Il suffit de relire le livre culte "La Vraie Langue Celtique" pour percevoir un refrain, une douce musique autour des formes aiguisées, pointues, piquantes, aiguës, qu'elles soient réelles ou abstraites... Et Boudet va utiliser son Cromlech imaginaire pour cela...

L'Aiguille du Bézis

 

Écoutez ce refrain au fil de la lecture celtique...
Les mots "pointe" et "pointu" sont cités au total 14 fois
Les mots "aiguille", "aiguillon", "aiguillonner" sont cités au total 9 fois

Et quoi de plus amusant que d'évoquer une aiguille avec le mot "épingle"...
   " Epingle, ichkilin. " L'extrême propreté était bien loin de briller dans les hôtelleries où s'arrêtaient d'infortunés voyageurs consciencieusement armés d'une épingle : on comprend aisément de quels insectes dégoûtants et agaçants il est ici question, – to itch, démanger, – to kil, tuer, – to inn, loger dans une auberge.
(extrait "La Vraie Langue Celtique" page 124)

 

    Admirez avec quelle pirouette linguistique Boudet introduit le mot "épingle" en évoquant d'infortunés voyageurs, des insectes qu'il cite sans les nommer et que l'on appelle "tique"... Voilà un bel exemple de périphrase boudetienne où la description de cet insecte piqueur est là pour suggérer le mot "aiguille"...

   D'autant que par définition, une épingle possède une tête... Une tête d'épingle... Tout comme l'Aiguille du Bézis qui possède sa tête puisqu'elle est dominée par la Tête d'Indien.  Ajoutons que
le mot "épingle" est cité bien avant ce paragraphe au début de l'ouvrage dans son tableau "dialecte languedocien" (en italien "épingle" se traduit aussi par "spillo").
"Spillo, une épingle."   (extrait "La Vraie Langue Celtique" page 21)

 

    Et le mot "Aiguille" ? Boudet l'utilise plusieurs fois pour décrire son Cromlech garni de pierres levées naturelles. Même les dérivés "aiguë", "aiguillon" et "aiguillonner" sont introduits dans la démonstration celtique, des termes plutôt décalés, mais qui raisonnent parfaitement lorsque l'on a compris le sens caché. On trouve même une brebis à côté d'une aiguille... Les Lampos

   N'oublions pas qu'une aiguille de couturière possède en général un chas... Le chas d'une aiguille... Un trou rendant l'aiguille creuse...

 

Goad (gôd), aiguillon. (page 19)

"Si l'expression Redones doit désigner un ensemble complet de pierres levées et d'aiguilles naturelles et artificielles, c'est bien à Rennes‑les‑Bains qu'elle appartiendra à juste titre."  (page 227)

"l'entrée de la gorge où commencent à se dessiner les premières aiguilles naturelles."   (page 227)

"on peut facilement suivre les contours dessinés par les aiguilles naturelles ou artificielles"  (page 228)

"ornée de plusieurs aiguilles très aiguës"   (page 231)

"ils ont nommé poétiquement ces aiguilles Lampos. Ce mot dérive de lamb, agneau, ou de to lamb, mettre bas, en parlant de la brebis."  (page 231)

"Toutes les aiguilles de la crête ont probablement été renversées à cette époque"
(page 235)

"Le nombre des aiguilles naturelles y est considérable ; néanmoins, au milieu d'elles, une multitude d'autres roches taillées en pointe sont redressées par la mains de l'homme"   (page 238)

"Ces deux sources ferrugineuses froides ont reçu des Celtes le nom de Gode, – to goad (gôd), aiguillonner, exciter, animer –."

"[...] dans quels cas précis de maladie, ont doit faire usage de cette eau pour aiguillonner(page 274)

Le ménir, par sa forme aiguë et en pointe, représentait l'aliment de première nécessité, le blé, – main (mén), principal, – ear (ir), épi de blé.– Chose étrange !

("La Vraie Langue Celtique" page 161)

 

   Une aiguille pique et Boudet l'évoque de manière abstraite en parlant d'une énigme colossale qui s'impose à notre raison et "pique au plus haut point"... Ce qui est naturel pour une aiguille rocheuse puisque la pointe est située en haut... Boudet utilise même le verbe "piquer" dans un sens inhabituel comme ici en évoquant les druides attirés par les sciences et à la logique... Tous ces mots choisis sont régulièrement utilisés pour créer chez le lecteur une image subliminale, une image inconsciente...

   "Nous étudierons, avec cette donnée explicative, les dolmens et autres monuments dits mégalithiques, restes grandioses d'une époque ensevelie dans la nuit des temps, énigmes colossales qui s'imposent à notre raison et piquent au plus haut point la curiosité de l'érudit et du penseur."
("La Vraie Langue Celtique" page 161)

"Les Druides se piquaient de science et de logique dans leur enseignement"

("La Vraie Langue Celtique" page 261) 

 

À propos de la Kaïrolo...
   
   Comme il est également étrange ce paragraphe qu'il faut relire sous l'éclairage de l'Aiguille. La forme pointue de la roche représenterait le blé, auquel est attaché un terrain nommé Kaïrolo. Or, la décomposition de ce nom par Boudet est particulièrement évocatrice. Trois mots y sont extraits : "key" (clef), "ir" (épi de blé) et "hole" (petite maison des champs). Et c'est là que réside un détail très intéressant : le mot "hole" est traduit ici par "petite maison des champs" alors que la traduction naturelle est "trou". Boudet utilise en effet une expression que l'on retrouve aussi en français sous une forme argotique "trou à rat" en parlant d'une habitation modeste ou d'un lieu isolé. Il ne cite jamais le mot "trou" qui est pourtant la traduction évidente, une omission très révélatrice.

   Nous avons donc trois notions importantes : "clef", "épi de blé" (Aiguille) et "trou". L'Aiguille et son chas ne sont pas loin et elle est la clef, une très belle allusion à ce que Maurice Leblanc appellera plus tard "l'Aiguille creuse" qui est la clef de l'énigme... Voici donc l'Aiguille creuse évoquée par Boudet 23 ans auparavant...
   Le ménir, par sa forme aiguë et en pointe, représentait l'aliment de première nécessité, le blé, – main (mén), principal, – ear (ir), épi de blé.– Chose étrange ! Dans tous nos villages du Languedoc, on trouve toujours un terrain auquel est attaché le nom de Kaïrolo, – key, clef, – ear (ir), épi de blé, – hole, petite maison des champs.– Dans ce terrain, probablement, était construit le grenier à blé des villages celtiques. La répartition du blé était faite par la main des Druides [...]
("La Vraie Langue Celtique" page 161)

 

    Et pour consolider son message, Boudet reprend une centaine de pages plus loin la métaphore de la Kaïrolo et l'associe à un creux, un grenier, un silo où était enfermée la précieuse céréale...
   On peut affirmer avec certitude qu'ils cultivaient le blé, puisque cet aliment était l'objet d'une distribution impartiale et la kaïrolo – key (ki) clef, – ear (ir), épi de blé. – hole, creux, petite maison –, le grenier et peut‑être le silo ou souterrain renfermant la précieuse céréale, existait toujours auprès des centres d'habitations celtiques.
("La Vraie Langue Celtique" page 295)

 

La Tête d'Indien

   Située en hauteur, visible de loin, dominant l'Aiguille au creux de la vallée, la Tête d'Indien est une imposante roche faisant partie d'une colline "La Berco Grando" et d'un ensemble rocheux appelés "Les Toustounes". Le nom vient de son profil qui offre à s'y méprendre un visage de type amérindien. On distingue très bien le nez, la bouche, son oeil dessiné par une végétation, et même une parure indienne sur la tête. Sa position dominante et son visage serein donnent vie à cet indien qui semble garder la vallée et son secret.

   Cherchons maintenant si le mot "tête" est cité dans le livre de Boudet. Or, force de constater que le mot "tête" est cité au total 43 fois ce qui est tout à fait remarquable. Quant au mot "head" il est cité 14 fois.

  
Difficile de croire qu'il s'agit d'une simple coïncidence engendrée par l'étude linguistique. Nous sommes face à une répétition volontaire, un martèlement régulier,  une obsession dans l'écriture destinée encore une fois à créer une image inconsciente chez le lecteur.

 


La Tête de l'Indien marque l'entrée dans les gorges du Bézis

 

    On trouve même une très belle variante avec "la vallée de la Têt" située en Cerdagne, un très beau clin d'oeil à la vallée du Bézis et à la Tête d'Indien...
" [...] vallée de la Têt, dans la Cerdagne française, et qui porte le nom spécial d'Albères. "

("La Vraie Langue Celtique" page 214)

 

    Il serait laborieux de citer ici les 43 utilisations du mot "tête", sans compter les déclinaisons. Voici néanmoins les plus intéressantes images métaphoriques :
" [...] to nod signifie, faire un signe de tête, saluer en baissant la tête."
(page 44)

" [...] – to head (hèd) être à la tête de, commander, – prouvant ainsi qu'il était à la tête de nombreux ouvriers en métaux."
(page 46)

" [...] – et plaçant sous leur tête une pierre ou un tronc d'arbre, ils appelaient à eux le " sommeil, loghitea " – log, bûche, billot, – to hit, toucher, atteindre –."
(page 118)

" [...] Maison, etchea.  Une tête qui médite, – head (hèd), tête, – to chew (tchou), méditer."
(page 124)

" [...] les arêtes aiguës, les entrailles et la tête des poissons – jaw (djâu), bouche, – to ake (éke), être douloureux, – keen (kin), aigu, – maw (mâu), panse, – head (hèd), la tête,"
(page 135)

" [...] Un ménir était conservé à cet endroit, et on y avait, dans le haut, sculpté en relief, une magnifique tête du seigneur Jésus, le Sauveur de l'humanité. "
(page 234)

" [...] Une sixième croix grecque dans une large roche, se trouve assez loin du cap dé l'Hommé, sur le bord de la crête du sud, en tête du terrain"
(page 235)

" [...] On voit encore deux autres croix grecques, toujours gravées dans la pierre, en suivant le bord du plateau jusqu'à la tête de la colline portant le nom d'illète, – hill, colline, – head (hèd), tête –. Les énorme roches entassées sur ce dernier point excitent une réelle admiration."
(page 236)

" [...] Alors, à l'arête du cap dé l'Hommé sur le haut d'un ménir, en face du temple païen, converti en église chrétienne détruite plus tard par l'incendie, fut sculptée une belle tête du Sauveur regardant la vallée, et dominant tous ces monuments celtiques qui avaient perdu leurs enseignements. "
(page 306)

 

Les Toustounes

   "Les Toustounes" est le nom donné à un ensemble de roches situé sur la Berco Grando et dont la Tête d'Indien fait partie. Son origine éthimologique viendrait de « l’enfer qui tonne » ou de « Jupiter tonnant », des images qui proviendraient de la géologie souterraine particulière du site. En effet, selon la légende locale, des bruits tels  que des coups de tonnerre se feraient entendre parfois dans le sous‑sol.
   Il est alors étonnant de trouver dans "La Vraie Langue Celtique" une référence au tonnerre d'une montagne, et que Boudet évoque à propos du mont Sinaï et de l'Arche d'Alliance...
   " La loi y fut proclamée au milieu des clartés fulgurantes, au bruit des éclats d'un tonnerre incessant, et dans la splendeur immense d'une montagne en feu. Ce brillant appareil dans la proclamation de la loi a fait donner à cette montagne le nom de Sinaï – to Shine (Shaïne) briller, étinceler, éclater – to eye () regarder, avoir l'oeil sur.–Au sommet du Sinaï où Dieu l'avait appelé, Moïse reçu l'ordre de construire le tabernacle et l'arche d'alliance, [...] "
(page 75)


   " Le tonnerre, ihurtzuria. " Voir en haut l'éclair qui est sûr de faire du mal, –
sure (choure) sûr, – to eye (), voir.

(page 124)

 

Le Roc di Quiloutié

   Sur l'autre versant de la vallée, en face de la Tête d'Indien, une masse rocheuse très impressionnante préside le Cardaussel : c'est le Roc di Quiloutié. Avec la Tête d'Indien et l'Aiguille au centre, l'ensemble forme la porte du Bézis et l'entrée vers les gorges.
   Or, dans le langage populaire languedocien, le "Quiloutié" signifie un bout de pain ou un quignon, une image qui peut être attribuée à la forme ronde et volumineuse du Quiloutié.
En clair, le Roc di Quiloutié peut être associé au mot "pain".
   "Le cercle de pierres, ordinairement de forme ronde, représente le pain : Cromleck, en effet dérive de Krum (Kreum), mie de pain et de to like (laïke), aimer, goûter. Dans le Cromleck de Rennes‑les‑Bains, on voit de fortes pierres rondes, figurant des pains, placées au sommet de roches énormes."
(page 167)

 


Le Roc di Quiloutié en face de la Tête d'Indien (Bézis)

 

   Prenons maintenant "La Vraie Langue Celtique" et observons. Le discours comporte au total 15 fois le mot "pain" que Boudet utilise dans des contextes différents. Or, il convient de remarquer un autre détail important : le pain est régulièrement associé au blé et donc à l'épi de blé, tout comme le Quiloutié (le pain) est associé à l'Aiguille (l'épi de blé)...
   [...] et ils ont fixé dans le sol, au moyen de pierres levées, leur pensée et leur croyance sur Dieu, en qui tout vit et se meut, sur Dieu, distribuant aux hommes par sa Providence généreuse, l'aliment principal de la subsistance corporelle, le blé et le pain. Voilà ce qu'indiquent les ménirs et les dolmens qui entrent dans la formation des cercles de pierre, des cromlecks.
(page 247)

 

Une ballade vers l'horreur...
  
   Il serait aisé d'affirmer qu'il est facile de piocher dans l'ouvrage de Boudet quelques mots et de les rassembler pour tenter d'en faire ressortir un sens. Seulement voilà ; ces quelques concepts vus précédemment comme "tête", "épingle", "tonnerre" se retrouvent assemblés dans un court paragraphe censé lister des expressions liées à la langue basque. Mieux, cette liste fait ressortir d'autres mots très évocateurs dans l'énigme de Rennes comme "Midi" ou "Source". Cette liste, parcourue au second degré, devient alors une suite d'étape qu'il faut traverser pour rejoindre un lieu particulièrement inquiétant à en donner des cheveux blancs...

   À noter que cette ballade a été reprise par Gérard de Sède dans son Best‑seller "L'Or de Rennes". Rien d'étonnant puisque le romancier s'inspira en partie de Boudet pour publier son étude et ses révélations, sous le contrôle de Pierre Plantard...  

 

Examinons encore d'autres expressions dont l'explication servira à placer la langue basque dans tout son jour, c'est à dire, comme dérivant pleinement de la langue primitive.
Le matin, goïza " ; marcher avec facilité to go, marcher, – ease (ize) ; aise, facilité –
Midi, eghuerdi " ; moment où cesse la croissance de la lumière solaire et où commence sa décroissance –
to egg, pousser, – hour (haour), moment, heure, – day (), jour –.
Le soir, arratxa " ; courir en hâte vers le logis –
to hare, courir – rath, en hâte –.
Minuit, gaûherdi " ; aller vers l'heure, le moment du jour –
to go, aller, – hour (haour), heure, – day (), jour –.
Un champ, landa bat. " – Land, terre, – bat correspond à un.
Une source, ithurri beghi bat. " Commencer
à hâter sa course – heat (hit), course, – to hurry, hâter, – to begin (biguin), commencer.
Une fontaine, ithurri bat. " Précipiter sa course, –
heat (hit), course, – to hurry, précipiter.
Cabane, etchôla. " Une foules de têtes sous le même toit, –
head (hèd), tête, – shoal (chôl), une foule, une troupe.
Epingle, ichkilin. " L'extrême propreté était bien loin de briller dans les hôtelleries où s'arrêtaient d'infortunés voyageurs consciencieusement armés d'une épingle : on comprend aisément de quels insectes dégoûtants et agaçants il est ici question, –
to itch, démanger, – to kil, tuer, – to inn, loger dans une auberge.
" Maison, etchea. " Une tête qui médite, –
head (hèd), tête, – to chew (tchou), méditer.
Cave, sotua. " Partie de la maison où l'on pourrait devenir hébété à force de boire, –
to sot, devenir hébété à force de boire, – how (haou), de quelle manière.
Le tonnerre, ihurtzuria. " Voir en haut l'éclair qui est sûr de faire du mal, –
sure (choure) sûr, – to eye (), voir.
Les ténèbres, ilhumbeak. " Apaiser les bourdonnements, les aboiements et les bêlements, to heal (hil), apaiser, – hum, bourdonnement, – to bay (), aboyer, bêler –.
S'aveugler, itxutzea. " L'oeil se referme par l'effet d'un coup, – to hit, donner un coup, to shut (cheut) se refermer –.
Se casser l'os de la jambe, zango bat aûstea. " Gâter l'os de la jambe, –
shank, l'os de la jambe, – bat, une – to waste (oueste), gâter –.
Pleurs, nigarrac. " Refuser le nécessaire, –
to niggard, refuser le nécessaire –.
Rival, yelosstarria. " Pousser des cris d'horreur à la vue de l'ennemi et l'attaquer pour le piller, –
to yell, pousser des cris d'horreur, – to host, attaquer, to harry, piller –.
Famille, maïnada. " Ajouter l'essentiel, c'est‑à‑dire les enfants, – main, essentiel, –
to add, ajouter –.
L'honneur, ohorea. " Etre obligé d'avoir les cheveux blancs, –
to owe (ô), être obligé, – hoar (hôre), qui a les cheveux blancs –.

 

La carte "RENNES CELTIQUES."

   L'ouvrage est accompagné d'une carte surprenante, mais il faut savoir que le livre comporte plusieurs versions correspondant à des éditions différentes, ce qui explique que certaines cartes ont des petites différences. Il semble aujourd'hui que la version la plus fidèle soit celle parue aux éditions Bélisane (dépôt juin 1984).

    La carte nommée  « RENNES CELTIQUES. » signée par son frère Edmond Boudet comporte aussi plusieurs anomalies criantes et destinées à attirer la curiosité du lecteur comme celles‑ci :

   La carte ne comporte pas d'échelle

   La carte ne possède pas les mêmes proportions que la carte
     d'Etat Major qui servit de référence

   Certaines altitudes sont fausses

   Le contraste est exagéré à certains endroits

   Une tête de diable est détectable en bas à gauche

   De nombreux chercheurs tentèrent un décryptage et de nombreuses bizarreries furent révélées. Il manque toutefois une clef générale permettant de comprendre la lecture exacte de la carte et son mode d'emploi...

 

"RENNES CELTIQUES."
élaborée par
Edmond Boudet,

frère de l'abbé Boudet,

et notaire à Axat.
 

Cette version reproduite par les éditions Bélisane est considérée comme la plus fidèle.

 

 

 

Deux agrandissements sont proposés :

 

Affichage grand format

Affichage très grand format

 

 

La carte RENNES CELTIQUES. des frères Boudet est aussi disponible
au format 1/25000

 

Cromleck selon carte 1/25000

(Extrait carte IGN Quillan)

 

 

 

 

 

La carte est reproduite ici avec l'aimable autorisation des
éditions Bélisane

 

Commençons par le titre de la carte

 

   Le titre annonce la couleur : "RENNES CELTIQUE ." et ces prêtres codeurs ont plus d'un tour dans leur sac. Comptons les lettres...

RENNES = 6 lettres    CELTIQUE = 8 lettres   et le point = 1  d'où  681

 

    Il est clair que la carte cache une logique d'interprétation, un procédé de lecture et de repérage, un mode d'emploi qu'il faut élucider...  

 

Son échelle

 

   La carte de Boudet ne comporte pas d'échelle, mais en la comparant de manière précise à une carte actuelle IGN Quillan 1/25000, on peut facilement la déduire...


La carte de Boudet et la carte IGN de Quillan 1/25000

 

Un diable veille

 

   Il est très discret, mais une fois repéré, on ne voit que lui. Cette tête de diable assimilée à Asmodée, le gardien des trésors, est située au sud de Rennes‑les‑Bains, près de l'Haum‑moor.

 

   Le graphisme de la carte fait à la plume renforce le contraste et visiblement Edmond Boudet put en tirer le meilleur parti.

 

    De nombreux auteurs ont pu y voir d'autres symboles comme des signes zodiacaux, mais il est difficile d'affirmer qu'il s'agit d'un tracé volontaire.


La tête de diable sur la carte de Boudet
nettement visible au centre

    C'est un autre détail très concret qui montre que la carte n'est pas un simple croquis destiné à illustrer le propos d'une thèse. La carte cache un ensemble d'indices qu'il faut débusquer et le fait de représenter ce diable fait écho au bénitier de l'église Marie‑Madeleine à Rennes‑le‑Château. C'est aussi un trait d'union entre Boudet et Saunière.

 

Un point singulier, la Kaïrolo

 

   Nous avons vu plus haut comment interpréter la Kaïrolo, une petite maison des champs renfermant la précieuse céréale et auquel Boudet attache une réelle importance puisqu'il la cite deux fois en décomposant le nom en trois notions : clef (key), épi de blé ou Aiguille (ear), trou (hole). Et pour consolider son propos, il situe même concrètement la Kaïrolo :

   On peut affirmer avec certitude qu'ils cultivaient le blé, puisque cet aliment était l'objet d'une distribution impartiale et la kaïrolo – key (ki) clef, – ear (ir), épi de blé. – hole, creux, petite maison –, le grenier et peut‑être le silo ou souterrain renfermant la précieuse céréale, existait toujours auprès des centres d'habitations celtiques. Il n'y a guère, en effet, de village qui ne possède un terrain de ce nom : la kaïrolo des Redones était située au sud de Montferrand tout près du chemin conduisant au ruisseau de la Coume et aux Artigues. La production du blé étant même fort abondante dans certaines régions privilégiées, on avait recours à des mains étrangères à ces contrées, afin de moissonner avec plus de célérité.

 

("La Vraie Langue Celtique" par Henri Boudet ‑ Page 295)

 

   Boudet est très précis dans sa description, et la Kaïrolo peut être localisée sur la carte "RENNES CELTIQUES." au nord‑est de Rennes‑les‑Bains :


La Kaïrolo localisée sur la carte de Boudet

 

Posons le Méridien de Paris

   Il est important de connaître l'emplacement exact du Méridien de Paris (Méridien 0) sur la carte de Boudet. De nombreux auteurs démarrent le Méridien 0 très précisément sous le U (V) de RENNES CELTIQUE.

   En réalité, lorsque l'on regarde de près la carte et que l'on choisit certains repères en rapport avec la carte IGN de Quillan, le Méridien 0 passe plus à gauche. En effet, il doit être posé à gauche du sommet du "Roc di Quiloutié" près du Cardaoussel et il doit être situé entre Montferrand et le sommet juste à droite.

   En prenant ces repères, le Méridien 0 doit être placé exactement sous la cédille du Q et il borde à gauche la légende de la carte.

 


Le méridien passe entre Montferrand
et un sommet juste à droite


Le Méridien est repéré par
la cédille de la lettre
Q


Le Méridien 0 borde à gauche
la légende de la carte

 

Le petit et le grand cromlech de Boudet

 

   La carte de Boudet recèle beaucoup d'autres surprises puisqu'elle est avant tout l'illustration des cromlechs qu'il décrit dans son ouvrage.

 

   Ainsi, nous avons le grand cromleck qui commence selon l'abbé par le confluent du Rialsesse avec la Sals, le château de Blanchefort, le Cugulhou du couchant, les Roulers, le ruisseau Trinque Bouteille, l'Homme Mort, le Pic de la Roque, le Goundhill, la Garosse, Ferrière, le Cugulhou du levant, la Fagole, les crosses de Montferrand, le Bazel et le Cardou.

 

   Le petit cromlech, plus limité et inclus dans le grand, commence au hameau du cercle. Il continue par Trinque Bouteille, le Serbaïrou et Roukats.

 

   La première évidence est que les cercles parfaits de Boudet qui sont censés définir les cromlechs (cercle de pierre) ne sont pas des cercles. Pire, les centres des deux cromlechs qu'il considère comme fondamentaux ne sont pas des centres géométriques.

 

Remarquez aussi le Méridien de Paris tangent au grand cromlech...

 


Le petit et le grand cromlech selon Henri Boudet

 

La carte des frères Boudet en relief

 

   Les techniques d'aujourd'hui permettent d'obtenir des résultats inconcevables du temps de Boudet... La preuve en image Google Map...

 

La carte de Boudet perdue dans le Languedoc
La mer est finalement pas très loin...

Sa superposition sur le relief montre un paysage tout à fait étonnant

Nous voici plongés dans la vallée de
Rennes‑les‑Bains. Vue plein Nord
depuis le Goundhill

 

Vue depuis le pla de las Brugos. Au premier plan le cap de l'homme. Sur la gauche le Bazel et Montferrand. Sous Montferrand,
la bergerie Paris

Vue depuis le mont Cardou
En bas, Rennes‑les‑Bains

Le Cromlech vu sud‑ouest

 

La carte de Boudet
vue depuis Rennes‑le Château

Vue plongeante.
On ne s'en lasse pas...

 

   Henri Boudet fut initié par Henri Gasc, aumônier à Notre Dame de Marceille, qui lui légua des informations très précieuses sur l'état de ses recherches. Ceci permit à Boudet, après de longues investigations, de trouver finalement la cache originelle en juin 1885.

   Mais son livre achevé en 1880 était déjà en chantier bien avant et il dut certainement le corriger de nombreuses fois en fonction de l'avancée de ses travaux. Sa découverte en 1885 le décida certainement à publier une version finalisée en 1886.

   Henri Boudet utilise dans son ouvrage un langage extrêmement lourd et complexe dans l’intention de susciter la curiosité et de transmettre un message au lecteur préparé à cette connaissance. Il faut lire le recueil de nombreuses fois et intégrer son contexte historique et sémantique pour espérer entrevoir les sens cachés. Surtout, il faut au préalable avoir compris de quoi le prêtre veut nous parler. La ressemblance avec une étude linguistique sérieuse est bien lointaine. En revanche, ce travail représente un véritable tour de force pour avoir fait passer autant d'idées complexes et initiatrices dans 310 pages...