Comme
l'église de Rennes‑le‑Château
ou le sanctuaire de ND de Marceille,
le sanctuaire de Notre Dame du Cros a son importance
dans l'affaire des deux Rennes. De par son histoire et ses
personnages qui l'ont côtoyés, elle est extrêmement liée au sanctuaire limouxin. Mais ce n'est pas tout. Elle
participe aussi magnifiquement aux indices laissés par
l'abbé
Boudet, poussé par
l'obsession de délivrer un message à qui pourra le
décoder...
J'invite d'ailleurs le lecteur qui
découvre Notre Dame du Cros à lire ou à relire au
préalable l'histoire de Notre Dame de Marceille,
ces deux récits étant intimement liés... |
Le sanctuaire de ND du Cros près de Caunes Minervois |
Je tiens à remercier ici Franck Daffos
sans qui cette fabuleuse histoire n’aurait peut‑être jamais vu
le jour… Je veux rendre aussi un hommage particulier à
Jacques Rivière disparu trop tôt et qui s'est tant
passionné pour les ermites de Galamus (éd. Bélisane) et
pour toutes ses recherches
dans le Razès qui nous font tant
rêver...
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L'extérieur du sanctuaire
Notre Dame du Cros d'origine
romane fut fondée en l'an 900 après J.‑C. Elle fut
restaurée plusieurs fois au
XVIIIe puis au
XIXe siècle. On la trouve aussi sous
la dénomination de Chapelle de ND du Cros car elle
est considérée comme une dépendance de
l'abbaye de Caunes.
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La chapelle de Notre Dame du Cros
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À gauche, une petite maison accolée
à la chapelle fit
office de presbytère. |
Le presbytère où mourut le père
Joseph Chiron
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Cet endroit est chargé d'émotion puisque c'est dans cette
maison que vécut le chanoine
Gaudéric Mêche de
1854
à 1864.
C’est aussi sous ce toit que le Père
Joseph Marie Chiron
rendit son dernier soupir le
27 décembre 1852, au lendemain de Noël.
L’abbé Montanié, curé doyen de Caunes,
Eugène de Potriés et l'abbé Falguères, curé de Claira,
l’assisteront dans son agonie.
Ce fut ensuite
avec une autorisation spéciale de Mgr de Bonnechose
qu'il fut inhumé sous le porche d'entrée du sanctuaire
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Le fronton de ND du Cros
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Sur le fronton, au‑dessus de l'ancienne entrée, est gravé un
magnifique
A et un
M entrelacé signifiant « Ave Maria ».
Ce sigle qui signe tout sanctuaire marial est bien
connu des passionnés puisqu’on le
retrouve notamment au bas du pilier
wisigoth inversé dans le jardin de Saunière.
Le pilier wisigoth inversé
par
Bérenger Saunière
dans le jardin à Rennes‑le‑Château
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En haut du fronton une date légèrement effacée indique 1915
l'année d'une campagne de restauration, sans doute celle du
XIXe
siècle et sur laquelle l'évêché de Carcassonne,
propriétaire du lieu, refuse de communiquer.
ND du Cros appartient à
l'association diocésaine
qui est également propriétaire de
ND de Marceille. Or, s'il y a eu
restauration, il y a eu financement... Ce sujet sensible
dérange...
Une ancienne photo montre le sanctuaire avec son ancienne
porte d'entrée en bois voûtée qui existait encore.
Or, si l'on observe le sanctuaire aujourd'hui, la
voûte ogivale est restée, mais la porte a été murée,
résultat d'une modification faite par
Gaudéric Mêche
lors de ses travaux de rénovation entre 1854 et 1864. La photo a donc été prise durant
cette période, et le prêtre discernable devant le porche
pourrait être Gaudéric Mêche... A moins
qu'il s'agisse de Boudet...
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ND du Cros - Très ancienne
photo
L'entrée principale n'était
encore murée à la prise photo
et elle fut condamnée par Gaudéric Mêche entre 1854 et
1864
Un prêtre est discernable devant le porche... S'agit-il
de Gaudéric Mêche ? |
Il faut dire que depuis sa nomination comme aumônier de
ND du Cros
en
1854, Gaudéric Mêche
fit de nombreuses rénovations et comme pour
ND de Marceille, l'origine des fonds est occulte. Il voûta
notamment l'église,
bâtit des chapelles ainsi que la sacristie. Il agrandit également
le presbytère. Mêche
disparut à Limoux en 1864 après avoir été le bienfaiteur
de l’église Saint‑Martin. |
Une voûte ogivale
condamnée dessine l’ancienne entrée. La porte fut murée par
Gaudéric Mêche
lors de ses travaux de rénovation entre 1854 et 1864.
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La Vierge couronnée sous le porche
Juste au‑dessus de la
tombe de
Joseph Chiron
et sous le porche, une
statue de la Vierge à l'Enfant accueille les visiteurs. Même
si sa composition est assez classique, on ne peut s'empêcher
de faire le rapprochement avec celle de ND de Marceille qui accueille
également les paroissiens sous son porche. On y retrouve les
mêmes attributs : une Vierge couronnée et l'Enfant Jésus
tenant une colombe
dans ses mains. Il faut d'ailleurs noter que
la
statue de ND de Marceille
a été modifiée pour une raison inconnue puisqu'une ancienne
photo atteste qu'à une certaine époque l'Enfant Jésus tenait
un globe terrestre et non un oiseau.
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La Vierge à l'Enfant
sous le porche
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La Vierge couronnée à l'Enfant
de ND du Cros
Statue polychrome du XIVe siècle
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Le porche est voûté sur une
croisée d'ogives gotthiques du XVe siècle
et le portail date du XVIIe
siècle |
L'intérieur du sanctuaire
Comme à ND de Marceille,
ND du
Cros est richement décorée. Les murs en taille de pierre
et les voûtes de l'ancienne chapelle gothique témoignent
d'un lointain passé.
L'église est constituée d'une nef à trois
travées avec deux chapelles latérales de chaque côté et un
chevet plat à l'extrémité. Le bâtiment est construit à
partir de blocs calcaires rectangulaires de couleur ocre. Le
porche d'entrée se trouve au sud comprenant un portail
d'architecture classique.
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ND du Cros ‑ La nef et le chœur
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A droite de l'autel, une petite
niche vitrée et entourée d'étoiles protège la statue protectrice de
Notre Dame du Cros.
Comme à
Notre Dame de Marceille,
il s'agit d'une
Vierge Noire.
Cet objet de culte explique le
terme sanctuaire donné au lieu sacré.
Au fond de la nef, on aperçoit le décor
du chœur, les autels en marbre de Caunes et
les six
statues monumentales du
XVIIe
siècle.
L'ensemble du décor avec les marbres, les peintures, les
statues et l'autel dorés, affiche une richesse qui
interpellent. ND du Cros n'est qu'une chapelle dépendante de
l'abbaye de Caunes.
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La Vierge Noire de ND du Cros
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La Vierge Noire
à l'Enfant
de ND du
Cros
L'original est conservé
au musée de
Carcassonne |
Deux niches en marbre de Caunes abritent
Marie et Joseph
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ND du Cros ‑ L'autel
richement décoré
et incrusté de marbre
de Caunes
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La chapelle qui a été restaurée par
deux fois
conserve malgré tout ses voûtes ogivales de l'époque romane.
Ceci donne une ambiance chaleureuse qui est accentuée par les
couleurs ocres de la vieille pierre. |
A l'arrière de la nef, une voûte et
quelques escaliers témoignent de l'ancienne entrée de la
chapelle du
XIIIe siècle, condamnée par
l'aumônier
Gaudéric Mêche vers
1840. |
Il est émouvant de penser que cet
endroit fut certainement foulé par deux prêtres
fondamentaux de l'énigme de
Rennes‑le‑Château,
Mêche et
Boudet.
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ND de Marceille et ND du Cros
ND de Marceille et
ND
du Cros présentent des
similitudes étonnantes :
Les deux églises sont des
sanctuaires. Un culte de la
Vierge est
effectivement présent dans les deux églises et chacune possède
sa statuette et son pèlerinage.
Les deux églises sont nées autour
de deux légendes sur la découverte d'une Vierge. L'une des
statuettes a été trouvée dans un champ, l'autre dans un
rocher et toutes les deux reviennent mystérieusement sur
l'emplacement de leur découverte...
Les
deux églises sont bâties près
d'une source miraculeuse permettant la guérison des malades.
Elles possèdent chacune sa fontaine bienfaitrice.
Les deux églises ont été sauvées
à la Révolution. Les deux édifices
étaient effectivement voués à la destruction. Ils furent
heureusement rachetés.
C'est l'un des aïeux de
Henri Boudet qui racheta ND du Cros avant de répartir la
propriété entre toutes les familles de Caunes.
Les deux
églises ont connu Boudet et Mêche. Ces deux abbés ont côtoyé à des périodes
différentes ces lieux, scellant ainsi les deux sanctuaires au
mystère de Rennes‑le‑Château.
Les deux églises ont fait
l'objet de rénovations importantes et avec des fonds
d'origines inconnues (officiellement en tout cas).
Les deux églises sont la
propriété de l'association diocésaine de Carcassonne.
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La descente de croix de ND du Cros |
Descente de Croix (non signée)
Notre Dame du Cros
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De nombreuses toiles non signées
décorent l'intérieur du sanctuaire. Voici au hasard deux
œuvres encadrées de marbre rouge de Caunes.
Dans la nef à gauche, une toile du
XVIIe
siècle représente
la descente de croix.
On aura
bien sûr reconnu une certaine ressemblance avec le même
thème traité par Rubens
en 1612.
Il suffit en effet de
comparer avec son tableau
central d'un polyptyque conservé à la cathédrale
Notre‑Dame
d'Anvers.
Et la scène
est inversée ce qui pourrait indiquer que l'artiste a
travailler
à partir d'une gravure.
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Le polyptyque ouvert de Rubens (1612) |
Un autre détail intéressant se trouve
dans le bas du tableau. Visiblement cette partie a subi un
noircissement très localisé de la peinture. Vieillissement
de l'huile ou bitumage volontaire ? Dommage, car la
signature était peut‑être sous ce voile noir.
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Le bas du tableau "Descente de la
croix" est largement bitumé
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La Pietà de ND du Cros
Plus loin, dans un autre cadre de
marbre rouge, se trouve une
Pietà accompagnée de deux anges. Un paysage sombre
entoure la scène.
Mais encore ici nous
sommes en présence de la copie d'une autre toile célèbre, la
Pietà de Annibale Carracci exécutée en
1595.
De même que pour la descente de
croix, la partie basse de la toile est également bitumée, comme pour
dissimuler un détail ou une signature.
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Pietà (non signée)
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Pietà de Annibale Carracci ‑ 1595 (Rome
collection Farnese) |
Mais c'est en travaillant sur cette
Pietà de ND du Cros qu'un détail étonnant m'ait apparu. Dans le bas gauche
du tableau, 3 petites pierres rondes sont très
distinctement dessinées. Leur présence est d'ailleurs
étonnante dans ce parterre très sobre. |
De même que pour la descente de
Croix,
le coin bas gauche de la Pietà est bitumé
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Les 3 pierres rondes ‑ Un caprice de
l'artiste ?
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Nous retrouvons également
trois petites
pierres dans
la
Pietà de Rennes‑les‑Bains dans le coin
bas gauche du tableau.
Coïncidence ? Sans doute,
mais ce détail
méritait d'être signalé.
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La Pietà dans l'église de Rennes‑les‑Bains |
Le calvaire
L'émotion est au
rendez‑vous en découvrant sur les lieux ce calvaire marqué
d'une date mythique : 1886
L'abbé Boudet
aurait‑il voulu laisser son empreinte sur ce site qui
lui était si chère ?
Connaissant son excellence en matière
d'allégorie cryptée, on peut se demander s'il s'agit
d'une vulgaire coïncidence...
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Le calvaire sur le chemin
de ND du Cros
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Vous avez bien sûr reconnu la date
figurant sur la couverture de son livre
"La Vraie Langue Celtique",
date tant vénérée et à laquelle
Boudet découvrit peut‑être
enfin la première cache... L'ombre de
Boudet plane
bien sur
Notre Dame du Cros... |
Une date mythique... 1886
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Clin d'œil
En poursuivant la visite, une curieuse pierre sert de borne au chemin d'accès de
Notre Dame du Cros. Sur sa face
on peut lire :
"CHEMIN RAMBAUD 1885"
On ne peut bien sûr rester insensible
à la lecture de date très importante pour l'abbé
Boudet puisque c'est à cette
époque que son livre culte "La Vrai Langue Celtique" fut achevé.
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La pierre RAMBAUD 1885
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Marbre de Caunes
à ND de Marceille
Il est interressant
de retrouver du
marbre rouge de Caunes‑Minervois
dans le sanctuaire limouxin
à ND de Marceille, et
de plus sur un emplacement bien significatif puisqu'il
s'agit de l'inscription "Sanctuarium Dei"
posée par
Henri Gasc devant l'autel.
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Sanctuarium Dei
"Sanctuaire de Dieu" à ND de Marceille
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Notre Dame du Cros est entourée de
légende. En voici une rapportée par
Franck Daffos et
qui n'est pas sans rappeler
la fontaine de Marcilla
à ND de Marceille... et qui
selon une autre légende permet de rendre la vue... |
"Une femme pieuse tourmentée
par la fièvre et la soif n'osait tremper ses mains dans le creux
de la fontaine de Notre Dame du Cros pour se désaltérer de son
eau. Elle invoque la Vierge: une coupe sort du rocher; elle
boit, elle est guérie; et depuis ce temps des milliers de
fiévreux attestent par leur guérison la vertu fébrifuge de la
tasse de Cros. Nul homme jusqu'ici n'a pu connaître la matière
dont cette coupe miraculeuse est composée.
Cette écuelle ou coupe est d'une matière rougeâtre inconnue;
elle porte au dos des caractères que nul n'a pu déchiffrer. Les
pèlerins cherchaient à en prélever des parcelles, si bien qu'un
aumônier du Cros, l'abbé Jaffus, crut devoir la protéger en la
faisant revêtir d'une cuirasse en argent."
Extrait de: E. de Jouy (de l'Académie française),
La Minerve française
Tome premier,
page 223, février 1818. |
On aura reconnu une allusion
à la fameuse coupe mythique que d'autres auteurs et d'autres
légendes appellent le Graal...
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