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ND de Marceille, son histoire - Rennes-le-Château Archive

Notre Dame de Marceille            1/9
Un sanctuaire très lié à l'énigme

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

 

   On pourrait supposer que le village de Rennes‑le‑Château constitue l'épicentre de l'énigme, le lieu où toutes les thèses convergent, l'endroit où tous les indices se focalisent. Il n'en est rien, bien au contraire. Rennes‑le‑Château et son Domaine construit par Bérenger Saunière ne sont en réalité qu'un support au codage du secret, un site devenu culte et sur lequel les lazaristes déposèrent plusieurs messages à la postérité.  

     Or, pour comprendre la fabuleuse épopée qui au cours des siècles permit de forger l'affaire des deux Rennes, il est indispensable d'enquêter également du côté de Notre Dame de Marceille, un sanctuaire limouxin très particulier par lequel des personnages clés laissèrent leurs empreintes, comme ces mêmes lazaristes et dont le plus emblématique fut Jean Jourde...

 

 

 

   Je veux remercier ici Franck Daffos, auteur du livre " Le secret dérobé ",
sans qui ce thème n'aurait jamais vu le jour et n'aurait jamais été aussi détaillé...
(Découvrez aussi sa chronique...)

 

Un sanctuaire discret

   Cette église ou plutôt ce sanctuaire reste méconnu, car peu de publicité lui est consacrée, et pourtant le lieu recèle de nombreux secrets et de nombreux destins qu'il faut resituer dans le temps pour comprendre son implication. ND de Marceille constitue certainement l'un des maillons les plus importants dans la compréhension de l'histoire de l'affaire Rennes‑le‑Château.  

   ND de Marceille est située au nord‑est de Limoux, au bord de l'Aude et à 20 km au nord de Rennes‑le‑Château.

 

Rien ne pouvait supposer un quelconque lien avec Bérenger Saunière ou Henri Boudet...

 

Et pourtant...

 

Notre Dame de Marceille à Limoux ‑ Google maps

 

   L'église se veut discrète et il faut gravir une petite route pour la découvrir en haut d'une colline, cachée dans une végétation qui contraste avec les alentours.

 

   La première impression est que l'on se trouve en face d'une église un peu à part du fait de son caractère imposant et qui n'a rien à voir avec une église de campagne.

   De plus, de nombreux détails indiquent qu'elle est impliquée dans l'énigme.


Notre Dame de Marceille
à Limoux

 

   Le lien le plus évident est certainement celui d'Henri Boudet qui lui consacra un chapitre entier dans son livre "La Vraie Langue Celtique". Comme pour le codage de l'église de Saunière, la première lecture du livre de Boudet ne laisse paraître aucune anomalie, mis à part le style lourd et la thèse confuse. Or, lorsqu'on analyse de près ses phrases, un sens caché apparaît et interpelle.

 

   Cette église est aussi déroutante par le culte qui lui est réservé, car elle jouit d'une popularité étonnante ! Elle est par exemple citée par Fulcaneli dans son ouvrage "Les demeures philosophales". Delteil, dans son "Saint Don Juan" nous présente un Don Juan dédié à Marie dés sa naissance. Or, ce même Don Juan est attiré de manière mystérieuse par l'église de ND de Marceille, et c'est dans cette même église que Don Juan se mariera …

 

   Enfin, le sanctuaire fut le théâtre d'agissements historiques importants qui marqueront définitivement l'affaire de Rennes‑le‑Château...

 


ND de Marceille vue depuis Limoux

 

La légende de la Vierge Noire

   Nous ignorons aujourd'hui les circonstances exactes de sa construction. Le lieudit de "Marceille" semble remonter à des temps très anciens. Nous retrouvons sa trace dans son appartenance aux religieux de l'Abbaye de Lagrasse. À cette époque le site était un alleu (au temps féodal, un alleu est une terre libre pour laquelle le propriétaire ne doit aucune redevance et ne relève d'aucun seigneur). Cette concession aux religieux de Lagrasse fut déclarée par Charlemagne. Ses successeurs dont Charles le Chauve, confirmeront cet état.

 

   Il n'y a malheureusement plus de documents relatifs à l'élévation de l'église de Notre‑Dame de Marceille. Toutefois, après plusieurs recoupements, un auteur spécialiste de Rennes‑le‑Château, Louis Fédié, situe son élévation dans le début du XVe siècle.


Le porche de l'église
construit en 1488

 

   Le porche construit en 1488 est formé par une clé de voûte ogivale et comprend le portail et la Vierge. Le portail avec ses deux vantaux en bois sculptés et en fers forgés est inscrit aux monuments historiques et est classé fin du XIVe siècle.

   Et si la naissance de cette église reste historiquement un mystère, une légende nous raconte pourquoi elle fut bâtie en cet endroit, un récit classique que l'on retrouve sur de nombreux lieux marials :

 

   Un laboureur travaillait son champ situé dans cet ancien alleu. Tout à coup, les bœufs tirant le soc refusèrent d'avancer. Surpris et agacé, le laboureur constata que ses animaux semblaient craindre d'aller plus avant. Étonné, il regarda devant eux. Sans savoir pourquoi, il décida de creuser le sol juste devant ses animaux.

   Quelle ne fut pas sa surprise lorsque, émergeant de terre, il découvrit une statue de Vierge tenant un enfant et sculptée dans un bois sombre, presque noir. Très pieux, il porta la statue dans son humble demeure, pensant voir dans cette découverte l'action de la grâce de Dieu lui‑même.


La Vierge Noire
de ND de Marceille

(avant sa détérioration)

   Au matin, il fut frappé de stupéfaction ! La statue avait disparu. Il retourna sur les lieux de sa découverte et découvrit que la statue était revenue là où il l'avait trouvée. Voyant là une action divine, il en informa le curé de sa paroisse qui en référa au clergé. Certain du miracle on décida d'élever une église en ce lieu bénit de Dieu et de la Vierge. C'est ainsi que la chapelle Notre‑Dame de Marceille fut créée.


La chapelle de la Vierge Miraculeuse dans NDM (ancienne photo)

 

L'histoire du sanctuaire

   Pour comprendre l'enchaînement formidable des évènements qui relièrent les principaux acteurs de Rennes‑le‑Château comme Bérenger Saunière, Henri Boudet et tant d'autres, il faut au préalable revenir sur l'histoire de ND de Marceille.

 

La période moyenâgeuse

 

   Au IXe siècle, les terres de ND de Marceille étaient un simple alleu appartenant à l'abbaye de Lagrasse et selon une concession de Charlemagne. L'alleu passa ensuite à l'abbaye de Saint Hillaire en 980.  En 1137, un certain Géraud de Marceille effectua une donation de terres, ce qui explique sans doute l'origine du nom.

 

   Durant la guerre de Cent Ans une anecdote historique permet de montrer l'importance du site : le 8 août 1381 Gaston de Phoebus, comte de Foix et son ennemi Jean de Berri s'y rencontrèrent pour une messe. 

 

   Au XVIe siècle les guerres de religion firent oublier le culte de la Vierge Noire au profit de l'église des Jacobins de Limoux, Notre Dame du Rosaire.

 

   Et c'est en 1660 qu'une période très importante dans la vie du sanctuaire intervient. En effet, de 1660 à 1673, date de sa mort, Mgr François Fouquet, évêque de Narbonne et frère du célèbre Nicolas Fouquet, fut responsable de ND de Marceille et géra seul le domaine. Cet épisode de gérance lui permit de réaliser certains aménagements très particuliers...

 

   Ce lien avec la famille Fouquet est éminemment important pour comprendre les relations étroites qui existent entre le Razès et le pouvoir royal. C'est aussi la preuve qu'une fois de plus, les Fouquet sont impliqués dans l'affaire des deux Rennes lors de sa résurgence au XVIIe siècle.

 

Le pèlerinage est relancé

 

   C'est le cardinal Pierre de Bonzi (1630‑1703), archevêque de Narbonne et successeur de Mgr Fouquet, qui décida en 1674 de restaurer la dévotion de la Vierge Noire à Notre Dame de Marceille. Il chargea pour cela la congrégation des pères doctrinaires d'Avignon de relancer le culte.

   La mission fut une réussite et le succès du pèlerinage permit de démarrer toute une série de travaux destinés à l'embellissement du sanctuaire. Cette restauration dura plusieurs décennies tout au long du XVIIIe siècle et jusqu'à la Révolution.


Le cardinal Pierre de Bonzi (1630‑1703)

 

La Révolution française crée l'incertitude

 

   En 1789, la tempête révolutionnaire gronde et cette période est marquée par le trouble et la refonte des institutions. Un nouveau découpage du diocèse est proclamé et Notre Dame de Marceille jusqu'alors attachée au diocèse d'Alet, rejoint le diocèse de Carcassonne. Heureusement pour les générations futures, le sanctuaire fut préservé miraculeusement de la tourmente, mis à part quelques vols et quelques dégradations comme la statue de la Vierge sur le porche qui fut décapitée.

 

   Comme pour la plupart des édifices religieux confisqués par la Révolution, c'est en 1793 que ND de Marceille fut mise en vente comme bien national. Et là, une première anecdote vient ajouter à la légende du site. Afin de protéger la statuette de la Vierge Noire de la vente et de la destruction révolutionnaire, une mystérieuse femme s'en empara et la confia à un certain François Lasserre, ancien prieur de l'Ordre des pénitents bleus. Ce fait est resté longtemps inexpliqué, car, alors que l'église était fermée à clef, on put voir une jeune femme récupérer la Vierge Noire à l'intérieur et ressortir en bas du domaine près de l'Aude.

 

   ND de Marceille fut finalement vendu à Mr Martin Andrieu, ancien consul de Limoux pour 10 300 livres. L'église fut ainsi sauvée de son premier destin qui était de finir malheureusement en carrière de pierre.

 

Notre Dame de Marceille reprend du service

 

   Le 21 février 1795, un décret autorisa les églises à ouvrir pour accueillir les paroissiens et ND de Marceille n'échappa pas à la règle. Son pèlerinage reprit très rapidement.

 

   Le 24 juillet 1796, le propriétaire du domaine, Martin Andrieu, décida sans doute pour sauver le site de diviser sa propriété en 4 parts égales. Il revendit trois parts à trois notables : Thélinge, Durand, et François Lasserre (celui qui protégea la Vierge Noire lors de la première vente).

 

   Cette opération permit de consolider l'affaire, et un aumônier put ainsi être nommé pour reprendre les pèlerinages. Mais l'évêché désireux d'imposer son organisation entra en conflit avec les propriétaires, et l'église dut fermer temporairement en 1812. Une ordonnance épiscopale du 13 août 1814  résolut le litige : " L'évêché nommera l'aumônier et un conseil d'administration siégera avec les quatre propriétaires "... Ce qui fut fait.

 

Deux aumôniers atypiques

 

   C'est ici que Franck Daffos nous indique une brochure pleine d'enseignements sur le sanctuaire : "Histoire du pèlerinage de Notre Dame de Marceille" écrite par un certain Joseph Théodore Lasserre, curé d'Alet‑les‑Bains en 1891.

 

   Voici donc une belle coïncidence qui n'en est pas une : Joseph Théodore Lasserre descend directement par sa mère de Martin Andrieu (le premier acheteur de ND de Marceille) et directement par son père de François Lasserre (le 4ème propriétaire protecteur de la Vierge Noire). Autant dire que cette brochure est une référence ...

 

   C'est ainsi que l'on apprend l'existence de deux aumôniers atypiques qui se succédèrent à la suite de l'ordonnance épiscopale de 1814 :

 

   Gaudéric Mêche (1801-1864)

      Il fut en poste à ND de Marceille de 1831 à 1838

 

   Henri Gasc (1806-1882)
     Il fut en poste à ND de Marceille de
1838 à 1872

 

   Pourquoi ces deux aumôniers ont‑ils été soulignés par Joseph Théodore Lasserre ? C'est ici que l'histoire de Notre Dame de Marceille rejoint l'histoire de Rennes‑le‑Château : selon les parents de Lasserre, les propriétaires n'ont jamais pu comprendre d'où provenaient les ressources financières importantes des deux aumôniers nécessaires à la rénovation et à l'embellissement de l'église...

 

   On devine ici une première anomalie. L'aumônier est nommé par l'évêché et reçoit uniquement une rémunération du ministère des Cultes (environ 900 francs par an de l'époque). Tous les revenus provenant de messes, dons et quêtes sont gérés par les « marguilliers », c'est‑à‑dire des laïcs chargés de l’organisation temporelle du pèlerinage. L'aumônier a uniquement pour fonction d'organiser les messes et les sacrements, mais en aucun cas il peut intervenir dans des choix d'embellissements ou de travaux dans sa paroisse. Les propriétaires et les marguilliers sont les seuls habilités à prendre des décisions d'investissement.

 

   En fait, Gaudéric Mêche et Henri Gasc se comportèrent apparemment comme les propriétaires de Notre Dame de Marceille ce dût fortement agacer les vrais propriétaires du lieu, ne comprenant pas d'autant plus l'origine exacte des ressources financières.

 

Cyprien-Gaudéric Mêche (1801 ‑ 1864)

 

   D'après Théodore Lasserre, il fut en même temps aumônier à l'hôpital de Limoux et aumônier à Notre Dame de Marceille de 1831 à 1838 soit 8 ans. Ses comportements furent inexpliqués et dépassèrent de loin ses attributions puisqu'il se lança dans la restauration du sanctuaire limouxin. Il acheta des terrains et lança des travaux de gros œuvre sur ses propres deniers. Il initia la plupart des grandes rénovations intérieures et extérieures. Ces agissements irritèrent sans aucun doute les propriétaires, et le conseil d'administration obtint son départ en 1838. Il fut ensuite transféré à Notre Dame du Cros près de Caunes Minervois. Quelles étaient les ressources de Gaudéric Mêche ? D'où provenaient ses moyens financiers ? Ce point est crucial pour l'énigme et il reste sans réponse officielle.

 

   Théodore Lasserre décrit parfaitement le mystère des finances de Gaudéric Mêche en utilisant une formule pleine d'interrogation et de soupçons... "Il eut la gloire de créer des ressources pour l'embellissement de l'Eglise...". On ne peut être plus clair. A mots couverts, Théodore Lasserre avoue soit son incapacité à expliquer, soit sa réticence à dévoiler...

 

    Mêche, chanoine honoraire, qui était en même temps aumônier de l'Hôpital de Limoux. Il eut la gloire de créer des ressources pour l'embellissement de l'Eglise, d'organiser l'administration du pèlerinage et de bâtir la deuxième sacristie. Il se retira en 1838, après avoir acquis de M. Sérié un quart de l'Eglise et de ses dépendances, qu'il légua à l'Evéché de Carcassonne. Devenu aumônier de Notre-Dame du Cros, près de Caunes, il voûta cette église, bâtit des chapelles, la sacristie, agrandit le presbytère, etc. Sentant sa fin approcher, il vint mourir à Limoux, après avoir été le bienfaiteur de Saint-Martin.

Extrait "L'histoire de Notre Dame de Marceille"
par Théodore Lassere  1891

 

   Gaudéric Mêche était aussi aumônier à l'hôpital (hospice) civil de Limoux comme le montre un extrait de l'almanach du clergé 1852 :

 

 

   Sentant sa fin proche, Gaudéric Mêche mourut à Limoux après avoir été le restaurateur de ND du Cros et le bienfaiteur de l’église Saint‑Martin.

   Son poste à ND du Cros à partir de 1854 est une étape importante pour l'énigme, car il faut savoir qu'un jeune vicaire prit son poste non loin de là, le 16 juin 1862, à Caune-Minervois. Il s'agit de l'abbé Henri Boudet et cette proximité favorisera leur rencontre durant deux ans, d'autant que ND du Cros fut sauvé à la Révolution lors de son rachat par un certain Antoine Boudet.

    Autre fait important :
il réussit durant son poste à acheter un quart de la propriété de ND de Marceille, une part qu'il léguera à sa mort à l'évêché de Carcassonne. C'est donc grâce à Mêche que Mgr Billard devint pour un quart propriétaire de ND de Marceille à partir de 1881...

   Il existe très peu de documents sur
Gaudéric Mêche, mais son acte de décès fait à Limoux le 30 mai 1864 indique qu'il naquit le 2 février 1801 à Limoux et décéda le 29 mai à l'âge de 62 ans. On peut y lire également son parcourt, aumônier à ND de Marceille en 1831, aumônier de l'hospice civil en 1838, et aumônier à ND du Cros en 1954. Il se peut d'ailleurs, comme le souligne Théodore Lasserre, que Mêche fréquentait déjà l'hospice de Limoux avant 1838 année où il dut quitter ND de Marceille.

 


    Un autre document, l'acte de décés, certifie que Gaudéric Mêche était bien aumônier à ND du Cros en 1864. Il a donc connu Henri Boudet qui était en poste à quelques kilomètres, ce dernier étant jeune vicaire à l'abbaye de Caunes-Minervois de 1862 à 1866... 

"L’an mil huit cent soixante-quatre, et le trentième jour du mois de mai, huit heure du matin, par devant nous Léon Authier Second adjoint à la mairie faisant par délégation de monsieur le maire  du treize … mil huit cent soixante la fonction d’officier de l’état et de la commune de Limoux canton du même nom département de l’Aude,  sont présents Monsieur Jean François Bernard âgé de soixante dix ans, maitre d’hôtel, et François Brun âgé de soixante cinq ans, capitaine en retraite et décoré de la légion d’honneur domicilié à Limoux, le premier beau-frère, le second neveu par alliance du défunt, après lesquels nous avoir déclaré que le jour d’hier, à onze heure du soir, monsieur Gaudéric Mêche agé de soixante dix ans et trois mois, prêtre aumônier de la chapelle du Cros commune de Caunes, né à Limoux, domicilié à la dite chapelle, célibataire, fils des défunts Antoine Mêche aubergiste et de Marguerite Alié sans profession, … est décédé dans la maison rue Saint Antoine…"


Acte de décés de Gaudéric Mêche
(document Franck Daffos)

 

La période Henri Gasc (1806 ‑ 1882)

 

   Henri Gasc naquit à Villefranche d'Aveyron en 1806 d'un père maître bottier. Il prit son poste de prêtre à ND de Marceille à l'âge de 32 ans et y fut aumônier de 1838 à 1872, soit 34 ans. Il succéda à Gaudéric Mèche et contrairement à ce dernier, il semble que Gasc géra plus intelligemment et plus discrètement le sanctuaire, ce qui lui permit de rester une très longue période sans crainte. Les travaux continuèrent donc à l'intérieur et autour de l'église. Une fontaine imposante fut même créée pour 20 000 francs, ce qui représentait pour l'époque des travaux importants. Une station de pompage depuis l'Aude fut même installée pour alimenter le bassin. On peut encore l'admirer aujourd'hui devant l'entrée, la Vierge écrasant un serpent postée au centre. On connaît d'ailleurs beaucoup de détails sur Henri Gasc grâce à  Joseph Théodore Lasserre qui l'a bien connu.

 

   A son départ en 1872, l'évêque de Carcassonne, Mgr Leuilleux, mit en place 6 pères lazaristes à ND de Marceille, peut être pour éviter les mêmes erreurs et laisser le sanctuaire sous la responsabilité d'un seul homme... Henri Gasc décéda le 14 décembre 1882 à Limoux, 10 ans après son départ de ND de Marceille.

 


La fontaine construite par Henri Gasc devant l'entrée
(ancienne photo)

 

   Nous n'avons pas d'idée aujourd'hui de la somme totale dépensée par ces deux aumôniers de Notre Dame de Marceille, mais elle fut certainement très importante compte tenu de la rénovation et des embellissements que l'on peut admirer de nos jours dans le sanctuaire et autour.

 

Une mise en vente se prépare...

 

   Vers 1890, le sanctuaire de ND de Marceille est partagé à parts égales entre 4 propriétaires sous le régime de l’indivision :

 

   Mgr Billard, évêque de Carcassonne (legs transmis par Gaudérique Mèche)

   L'abbé Joseph Théodore Lasserre, curé d'Alet‑les‑Bains

   Mr Bourrel, banquier de l'Ariège

   Mr Andrieu, notable local

 

   Néanmoins, un imprévu fit son apparition à ND de Marceille. En 1889, Mr Bourrel déposa une instance en partage devant le tribunal de Limoux, ce qui devait obliger la vente du sanctuaire, le bien étant indivisible. Mais les juges imposèrent aussi que l’église conserve sa fonction de culte. Mgr Billard et l'abbé Lasserre comprirent dès lors que Mr Bourrel, banquier de son état, ne cherchait qu'une chose : racheter ensuite à lui seul ND de Marceille. Il faut dire que le succès des pèlerinages rendait l'affaire prometteuse.

 

Le 4 juin 1890, la vente du sanctuaire fut donc prononcée par le tribunal de Limoux.

 

Recherche de capitaux

 

   Mgr Billard et l'abbé Lasserre ne pouvaient se résoudre à laisser le sanctuaire sortir du giron ecclésiastique (on connaît aujourd'hui les vraies raisons très liées à l'énigme...). Il fallait donc trouver rapidement un capital permettant de déjouer les plans de Bourrel et de racheter l'église à tout prix.

   C'est ici que l'on comprend mieux un épisode peu glorieux de la vie de Mgr Billard. Par on ne sait quel tour de passe‑passe, Arsène Billard réussit à détourner l'héritage d'une riche veuve de Coursan, Mme Hérail, à son profit et en son propre nom...


Mgr Arsène Billard

 

   Suite à la plainte de deux héritiers, un procès s'en suivit  et Mgr Billard finit par être condamné à 3 mois de suspense par le Vatican... Il est clair que l'évêque joua sa carrière sur ce coup, mais avait‑il le choix ? Car il y avait urgence pour conserver la main sur ND de Marceille, et il lui fallait un capital conséquent pour contrecarrer les offres du banquier...

 

Une vente épique

 

   Le 2 février 1892, le tribunal de Montpellier confirma la décision de celui de Limoux, mais l'obligation de culte à ND de Marceille fut annulée. Cette annulation peut paraître anodine, mais pas pour Mgr Billard qui fut certainement à l'origine de cette décision.

 

   Le 17 janvier 1893, la salle aux enchères est comble et ND de Marceille est mise en vente au montant initial de 4000 francs. On peut imaginer la bataille pathétique et passionnée que durent se livrer Mgr Billard et Mr Bourrel devant le commissaire priseur. Finalement, Bourrel l'emporta avec un montant de 51 050 francs.

 

   Compte tenu de la non‑obligation du maintien du culte à ND de Marceille, Mgr Billard prit alors un savoureux plaisir à transporter la Vierge Noire du sanctuaire à l'église de Limoux, le tout en grande pompe et au son du tocsin. Privés de sa relique, les pèlerinages furent supprimés et donc les profits espérés par le banquier. Ce fut pour Mgr Billard un coup de génie.

 

   Le 20 mai 1893, Mr Bourrel ne put se résoudre à conserver un édifice non rentable. Il revendit donc ND de Marceille à Mgr Billard pour 53 879 francs. En fait, par acte secret devant un notaire, Billard racheta en son propre nom Notre Dame de Marceille et paya une plus‑value au banquier de 18 000 francs (environ 120 000 euros)

 

   C'est ainsi que Notre Dame de Marceille resta sous la maîtrise personnelle de l'évêque de Carcassonne. Ce fait scellera définitivement l'avenir du sanctuaire et permettra un premier rebondissement de l'affaire de Rennes‑le‑Château comme nous le verrons par ailleurs.

 

   L'abbé Joseph Théodore Lasserre mourut le 12 février 1897 et sa tombe est visible à côté de celle de Nicolas Pavillon à Alet‑les‑Bains.

 

Mgr Billard mourut le 3 décembre 1901. Les pères lazaristes partirent de ND de Marceille en 1905 pour ne revenir qu'en 1920.

 

    Curieusement, le sanctuaire se retrouve aujourd’hui la propriété d'une association diocésaine alors que Mgr Billard l’avait par testament légué à un de ses amis notaire, dans la région rouennaise.

 

Notre Dame de Marceille et Boudet

    Henri Boudet reste dans tous les cas le lien principal entre l'affaire de Rennes‑le‑Château et Notre Dame de Marceille. Il nous présente cette église avec précision et allégorie et notamment la rampe conduisant au sanctuaire qui se nomme "Voie Sacrée". Pratiquement en haut du chemin pavé, une petite fontaine laisse tomber goutte à goutte une eau limpide dans un bassin de marbre.

 

Voici ce que nous dit l'abbé Boudet en page 276 de son livre :
"La Vraie Langue Celtique et le Cromleck de Rennes‑les‑Bains"

 

FONTAINE DE NOTRE‑DAME DE MARCEILLE

 

Nous avons le bonheur de posséder dans nos contrées, à un kilomètre au nord de Limoux, un sanctuaire dédié à la Sainte Vierge, assidûment visité, et entouré d'une vénération qui ne s'est jamais démentie. [...] Le sanctuaire est gardé par les enfants de Saint Vincent de Paul, le saint dont le coeur appartenait aux orphelins et aux malheureux, et sous la direction de ses pieux et savants missionnaires, dignes héritiers des vertus et de la charité de leur bienheureux fondateur, [...]

 

A peu de distance, vers le haut de la rampe (voie sacrée) bordée d'arbres verts conduisant au sanctuaire, une fontaine laisse tomber goutte à goutte son eau limpide dans un bassin de marbre. Par les grandes pluies, la goutte d'eau continue de tomber avec uniformité, et les temps de grande sécheresse ne la tarissent point. Les innombrables chrétiens qui vont rendre hommage à la Sainte Vierge, s'arrêtent un instant à la fontaine, et après avoir fait une prière, puisent quelques gouttes de cette eau dont ils mouillent leurs paupières.

Pourquoi agissent‑ils ainsi ? La plupart l'ignore; mais la mère de famille enseigne à son fils, et ceux‑ci transmettent à leurs enfants la pieuse pratique [...]
Au temps de l'occupation première des Gaules, cette fontaine, coulant goutte à goutte, avait dû rendre le terrain boueux, et par suite, rempli de joncs et de cette graminée que l'on retrouve dans tous les sols humides: c'était là ce que les Celtes appelaient le haum‑moor [...]

 

La fontaine de Marceille dut, comme les autres, être ornée d'une statue de la Sainte Vierge. Est‑ce celle qui, perdue au milieu des tourmentes des invasions Sarrasines, a été plus tard retrouvée et placée avec honneur dans le sanctuaire destiné à la recevoir ? Cela nous parait fort probable. Cette image de la Sainte Vierge, tenant sur ses bras son divin Fils et sculptée dans un bois noir, indique sa provenance orientale: sa position auprès d'une fontaine, et c'est bien dans un champ voisin de la petite source qu'on la retrouvée [...]

 

   Rien n'a changé entre le moment où Henri Boudet est allé sur les lieux et aujourd'hui. Il nous fait remarquer que même par grande pluie ou par grande sécheresse, le débit reste constant. Boudet nous rapporte aussi que les vieux chroniqueurs connaissaient ce lieu sous le nom de "Fontaine de Marsilla".

   La fontaine servait aux pèlerins qui en se frottant les paupières avec cette eau, soignaient les maux de leurs yeux.

 

   Pour Boudet, l'écoulement goutte à goutte de la fontaine avait fait du terrain environnant un terrain marécageux au temps des Celtes. Ce terrain, il le baptise haum‑moor (Homme mort ?). Cette indication géographique ne veut‑elle pas nous faire penser à l'ancien puits celte sur lequel l'église aurait été bâtie ?

 


La Voie Sacrée et la fontaine de Marsilla


La fontaine de Marsilla

 

    Henri Boudet nous donne aussi une explication sur l'origine de la statue de la Vierge Noire se trouvant à l'intérieur de l'église. Pour lui, la fontaine de Marceille devait être décorée d'une statue de la Vierge au temps de la première christianisation. Elle aurait été perdue, puis retrouvée plus tard pour devenir la Vierge Noire que l'on connaît aujourd'hui dans l'église Notre Dame de Marceille. De plus, Boudet insiste sur le fait que cette statue a été sculptée dans un bois noir (il l'écrit en italique), pour indiquer sa provenance orientale.

 

   Pour Boudet, le terme de Marsilla vient du sens : "Notre Dame de Marcilla, yeux gâtés, endommagés et fermés par la maladie". Il s'appuie pour cela sur l'une de ses fameuses constructions : To mar, gâter, endommager ‑ To seel, Fermer les yeux faisant donc marseel, soit marceille avec l'érosion de la prononciation.

 

En résumé, Boudet insiste sur plusieurs points :

  • La constance du débit de l'eau de la fontaine

  • Le terrain de l'haum‑moor

  • La couleur de la sculpture de la Vierge Noire et donc son origine

  • Grâce à l'eau de la fontaine, on retrouve la vue

    L'homme mort (haum‑moor) peut nous faire penser à la notion de cadavre et de décomposition. Cette piste nous ouvre plusieurs voies, celle de la mort symbolique par la mise en terre avant la renaissance du futur initié, ou bien celle de la notion de putréfaction alchimique, passage obligé à la réalisation du Grand œuvre d'après les initiés à l'alchimie. Fulcaneli serait‑il si loin de Boudet ?

 

    Ensuite nous trouvons la statue de bois noir. Sa couleur noire fait penser à l'œuvre au noir si chère aux alchimistes ? Mais elle doit aussi nous rappeler que cette Vierge est orientale tel que certains dépeignent Marie‑Madeleine. D'ailleurs, le miracle de la fontaine de Marceille n'est‑il pas de rendre la vue à ceux qui l'on perdue, ou de façon plus allégorique, n'est‑elle pas là pour nous apporter la lumière sur ce que l'on cache au commun des mortels ?

 

    Pour beaucoup d'auteurs, l'histoire du puits celte est une légende. Pourtant, il existe des aménagements souterrains sous Notre Dame de Marceille et nous savons aujourd'hui que des cryptes existent. N'en déplaise aux historiens, Boudet, dans son sous‑entendu sur un puits celtique, nous invite à examiner les fondations du sanctuaire...

 


Vue aérienne de Notre Dame de Marceille

 

   Quelques anciennes photographies de cette église hors du commun sont présentées dans son album

 


L'entrée principale de ND de Marceille en 1904
On reconnaît le cadran solaire aujourd'hui presque disparu à gauche de l'entrée
et les inscriptions sur la voûte du porche également disparues

 

 

   Notre Dame de Marceille est extrêmement chargée, aussi bien du point de vue historique qu'au travers de ses relations avec l'affaire des deux Rennes.
Le nombre de personnages célèbres qui ont gravité autour
du sanctuaire sur plusieurs siècles montre l'importance du lieu.


Les pages suivantes tentent de dresser un inventaire des aménagements qu'il convient d'étudier aujourd'hui et de mémoriser pour préserver
au mieux ce patrimoine exceptionnel...