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Ou l'histoire d'un grand Secret...

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Fouquet, splendeur et déchéance - Rennes-le-Château Archive

L'affaire Nicolas Fouquet            1/4
Splendeur et déchéance

Rennes‑Le‑Château ou l'histoire d'un grand secret

 

 

 

Nicolas Fouquet
1615‑1680

 

Surintendant des finances
de Louis XIV

 

Personnage incontournable du XVIIe siècle, il fascine les historiens, les romanciers et les amateurs de mystères pour sa vie paradoxale partagée entre richesse insolente, déchéance absolue et affaire d'Etat.

 

Une chose est certaine, il restera une énigme pour les historiens tant que ceux‑ci n'auront pas relié son parcours et ses intrigues avec l'affaire
de Rennes‑le‑Château...


Nicolas Fouquet
(1615‑1680)

   Devenu immensément riche sans explication satisfaisante, arrêté, jugé lors d'un procès interminable manipulé par Colbert et le roi, condamné à l'exil,  puis mis au secret à vie par Louis XIV,  mort dans une geôle humide à Pignerol, celui qui bâtit Vaux‑le‑Vicomte, l'un des plus beaux châteaux de France, disparu dans l'oubli en emportant un secret capital. Le Roi exprimera alors le souhait d'acheter un tableau "Les Bergers d'Arcadie II". Ce sera fait en 1685, cinq ans après la mort de Fouquet. Louis XIV confinera la toile à Versailles dans sa Chambre privée jusqu'à sa mort...

 

   Comprendre sa destinée et les rouages de cette tragédie, c'est assimiler un peu plus l'affaire des deux Rennes lors de l'une de ses plus belles résurgences du XVIIe siècle. L'histoire de Fouquet donnera naissance à une légende sous la plume d'Alexandre Dumas, "Le masque de fer". Ce récit basé sur une histoire véridique est la suite logique d'une affaire d'État, l'affaire Fouquet, conséquence d'un grand secret qui couve depuis des siècles dans l'Aude.

 

Ses mystères et ses démêlés avec Louis XIV ne peuvent être assimilés et compris que lorsque l'on prend la peine de remonter les pièces du puzzle, là où elles sont nées, dans le Haut‑Razès, non loin de Rennes‑le‑Château...

 

 

 

Nicolas Fouquet, jusqu'où ne montera‑t‑il pas ?

   Nicolas Fouquet (1615‑1680) est issu d’une famille fortunée de parlementaires et qui par ces hautes fonctions, fut toujours proche du pouvoir royal. Très entreprenante et docile envers tout ce qui concerne les services et les charges de l’État, la famille Fouquet savait parfaitement mener la politique en tirant le meilleur partie, l'argent. Son père, François Fouquet (à ne pas confondre avec l'un de ses frères, également prénommé François), travaillait dans les affaires maritimes et commerciales. C’était aussi un homme de confiance du cardinal de Richelieu.

 

   A partir de 1648 les finances de la France sont au plus mal. Le trésor royal que l’on appelle déjà l’État fait banqueroute, et une crise sans précédent est annoncée. Les dettes contractées auprès des financiers privés ne seraient pas remboursées et la levée des impôts ne suffit plus à combler les déficits chroniques. Ironie de l’Histoire, cette situation que beaucoup d’historiens et d’économistes étudièrent en nous démontrant que ce cas d’école est parfaitement impossible dans notre monde  moderne, n’a jamais été aussi actuel en ce début du 21e siècle.

 

   Le règne de Louis XIV n’est pas seul responsable. Les guerres dépensières, le luxe outrancier, le gaspillage, les grands travaux artistiques et architecturaux, et les dépenses sans compter de la Cour, viennent s’ajouter à l’incompétence des Surintendants aux finances successifs nommés depuis la mort d'Henri IV. Le mal est profond, la confiance n’est plus, et l’épargne fuit le territoire français... Un refrain que l'on connaît bien aujourd'hui...


Louis XIV (1638‑1715)


Le cardinal Mazarin (1602‑1661)

 

   Le cardinal Mazarin va alors nommer en 1653 et sur ordre du Roi, un Surintendant des Finances répondant au nom de Nicolas Fouquet. Sa mission est claire : « renflouer les caisses royales qui sont désespérément vides ». Fouquet est à ce moment de sa vie en pleine ascension sociale et politique, donnant raison à l'emblème de sa famille qui n'est autre qu'un écureuil et une devise :  

"Quo non ascendet " Jusqu'où ne montera t'il pas ?...

 
En patois angevin,
un "fouquet" est un écureuil...

 

 

 

Les armoiries de
la famille Fouquet

 

   Mazarin ne s'en doute pas, cette nomination de Fouquet à la plus haute fonction comme Surintendant va faire éclater une affaire d'État qui couve depuis très longtemps dans l'Aude. Elle aura des répercussions dans toute la politique du royaume. Échaudé par plusieurs autres affaires et surtout par la Fronde qui saigne la France, Louis XIV décidera de gouverner définitivement seul pour ne plus dépendre de ses ministres... "L'État c'est moi" dira‑t‑il... 

 

 

Le temps de la splendeur

   En novembre 1650, Nicolas Fouquet franchit un seuil important en achetant pour 450.000 livres la charge de procureur général du Parlement de Paris, avec la bénédiction de Mazarin et de la régente, entrant ainsi dans l'élite de la robe. Fouquet peut alors confirmer son statut social par son second mariage, le 5 février 1651 à Saint‑Nicolas des Champs. Marie‑Madeleine de Castille n'a que 17 ans, et Nicolas a 36 ans. Sa dot de 100.000 livres est inférieure à celle de Marie Fourché, sa première femme, mais elle apporte un vaste cercle de relations. Marie‑Madeleine de Castille‑Villemareuil donnera aussi à Nicolas Fouquet une fortune d’environ 1.500.000 livres et l’important fief de Belle‑Assise.

 

   L’homme est intelligent, vif, rusé, audacieux, calculateur, aimant le luxe, l'argent et surtout il est fidèle à la royauté. Doté d’un charisme très important et il sait être charmeur et galant, surtout auprès des femmes. Ces qualités vont évidemment tomber au mieux dans une période difficile où la confiance des argentiers doit rapidement revenir dans le royaume. Il faut ajouter à ce tableau une facette très importante du personnage. Enjoué, généreux, ardent, il aime la vie, et surtout les arts qu’il affectionne.

 

   Ses passions portent sur les lettres, les arts, la poésie, les fleurs et les jardins, les tableaux, les tapisseries, les livres et les statues. C’est un épicurien qui apprécie toutes les formes de beauté et de volupté. Son rang le conduira à côtoyer les plus grands comme La Fontaine, Molière, le Nôtre, Poussin, Puget, Le Brun, La Quintinie, etc. Il savait aussi se faire apprécier, associant son intelligence à une grande fidélité et à une amitié débordante. Éminent bibliophile et protecteur des lettres, Nicolas Fouquet avait réuni l'une des plus belles bibliothèques de l'époque, et finançait par ailleurs la bibliothèque du collège des Jésuites de Paris.

 

   Devant de tels éloges, se pouvait‑il qu'il ait quelques défauts ? Oui, sans doute et c'est ce que les grands Hommes ont tous : la soif du pouvoir et de l’argent. Ces penchants vieux comme le monde l’amèneront en enfer…

 

Marie‑Madeleine
de Castille

(1636‑1716)

 

   Seconde femme de Nicolas Fouquet, elle est l’unique héritière de sa mère. Son frère unique disparut très jeune et ses deux sœurs furent carmélites. Connue pour sa très grande beauté, elle est peinte et sculptée par de grands artistes. Elle servit de modèle pour "L'amour fixé", de Charles Le Brun et une "Charité", sculptée par Michel Anguier pour orner le château de Saint‑Mandé. Il existe aussi une Madeleine dans l’église Saint‑Étienne de Maincy qui est selon les Archives de l'art français, le vrai portrait de Madame Fouquet. Cette œuvre de Le Brun disparaîtra en 1793. Marie‑Madeleine vit dans un premier temps comme une princesse et tient un salon littéraire. 


Marie‑Madeleine de Castille (1636‑1716)
Femme de Nicolas Fouquet par Le Brun

   Deux petites pièces en vers de La Fontaine lui seront adressées. Extrêmement dévouée, elle aide son mari à devenir le principal serviteur du roi, mais son attitude reste partagée. Certains la voient comme une aristocrate fière et insolente.  Pour d'autres, Marie‑Madeleine Fouquet est spirituelle, cultivée et tient le rang d'une vraie princesse...

 

   Avant d'épouser Marie‑Madeleine de Castille, Nicolas Fouquet avait comme première épouse Louise Fourché de Quéhillac, fille du Président du Parlement de Rennes qui disparut à 22 ans.

 

1653 ‑ Nicolas Fouquet est nommé
Surintendant des finances

 

   Nicolas Fouquet est nommé Surintendant des Finances par Anne d'Autriche en 1653. Sa fortune personnelle ne s'élève encore, d'après sa propre estimation, qu’à 1.600.000 livres, y compris la valeur de sa charge de procureur général, sur laquelle il doit encore plus de 400.000 livres. Dès 1653 il se met à la tâche. Il faut impérativement rétablir la confiance et faire réapparaître l'épargne pour alimenter le trésor royal. Les recettes sont connues de tous les économistes, mais il va y associer un talent exceptionnel. Ayant déjà des capitaux propres, il va mettre en œuvre un vieil adage : « L’argent appelle l’argent ». Il va alors négocier chaque emprunt sur le marché des capitaux pour le compte du Roi tout en le garantissant sur ses fonds propres. Le premier spéculateur était né, prenant au passage pour chaque opération un fort bénéfice. C’est ainsi que très rapidement, à coup d’emprunt il parvint chaque jour à trouver l'argent frais nécessaire aux besoins de l'administration, de la guerre, et des fêtes de la Cour. Même Mazarin en profita largement, animé d’une immense avidité.   

   Sa charge l'amène aussi à collaborer très fréquemment avec l'intendant privé du cardinal Mazarin, Jean‑Baptiste Colbert. Descendant d'une famille de grands marchands banquiers (et non d'humbles drapiers selon un contresens devenu légende) c’est un homme politique bien différent.

 

   Austère, l’esprit plus gestionnaire et plus comptable, Colbert n’aime pas Fouquet à l’esprit insouciant, volage et contre la rigueur qu'impose la fonction d’un financier en pleine crise économique. Pourtant, il va autant le jalouser que le haïr et le combattre.

 

   Il faut noter que Colbert est aussi un homme d’argent et étant au cœur de toutes les affaires, il fait aussi des profits considérables.


Jean‑Baptiste Colbert (1619‑1683)
(Musée national du château de Versailles)

 

   Lorsqu’on analyse le parcourt fulgurant de Fouquet durant cette période, on ne peut être qu'émerveillé par une telle réussite. Tout lui sourit et sa position d'ardent et loyal défenseur du roi et du cardinal le prédestine à de très hautes fonctions. Rêvait‑il de devenir Premier ministre ? Certainement ! et même plus encore, mais c’était sans compter un problème de taille. Louis XIV est très loin d’être naïf, et son ambition doublée d'une volonté à mettre en place une politique sans partage va surprendre le Surintendant. Une autre faiblesse joue en défaveur contre Fouquet : sa réussite et sa richesse attirent l’envie, la jalousie et la crainte de voir ce faiseur d’or arriver au pouvoir. D’autant que des soupçons sur une fortune acquise trop rapidement vont naître dans les esprits malveillants et des rumeurs de complots vont apparaître.

 

   Sa femme Marie‑Madeleine de Castille tient un salon littéraire où des grandes personnalités se croisent comme Georges de Brébeuf, l’abbé de Boisrobert, Paul Scarron, Jean Ogier de Gombauld, le président de Périgny, Samuel Isarn, Charles Faucon de Ris, Pierre Corneille, Madeleine de Scudéry, Gilles Ménage, Paul Pellisson, Philippe Quinault, Mazarin, le duc d'Orléans, Henriette de France, Henriette d'Angleterre, le roi Louis XIV. Il y a aussi des artistes comme Le Brun, La Fontaine, Madame de Sévigné, Corneille, Molière... Le salon des Fouquet devient le centre du mouvement littéraire français...

 

   Marie‑Madeleine et Nicolas Fouquet vécurent entre 1651 et 1658 au n° 5 de la rue de Montmorency, dans l’hôtel de Castille qu'elle lui apporta en dot. Cet hôtel particulier qui a appartenu jusqu'en 1624 à la famille des Montmorency fut détruit vers 1900.

 

   Selon Fouquet, son emploi de Surintendant lui rapportera de 1653 à 1661 3.150.000 livres, et donc à peu près 400.000 livres par an. Sa fortune est alors tel qu'il peut s'offrir la construction d'un magnifique château, Vaux‑le‑Vicomte, à partir de 1653. Le domaine de départ, acheté avant son accession à la surintendance, n’est constitué que de friches et d’un vieux château.

 

   A partir de 1658, les Fouquet s’installent dans l'hôtel de Narbonne, puis d'Émery. Ils sont alors voisins avec la demeure de Mazarin. Fouquet achète également une grande propriété à Saint‑Mandé.

 

1661 ‑ Mazarin disparaît
et Colbert décide d'abattre Fouquet

 

   En mars 1661, à la mort de Mazarin, Fouquet ne doute pas que sa contribution décisive au redressement des finances du royaume lui vaudra de succéder au cardinal en qualité de Premier Ministre. Sûr de lui dans sa capacité à démontrer au roi que les finances ne sont plus un problème, il n’a plus qu’à attendre la succession du Cardinal qui ne saurait tarder. Son esprit calculateur va pourtant oublier une donnée importante.  Car au même moment, Louis XIV, âgé de 22 ans, décide de supprimer cette fonction et par conséquent d'en priver Fouquet. En effet, le Roi, échaudé par la Fronde et les jansénistes qui empoisonnent son autorité, veut supprimer les ministres. Son objectif est de gouverner seul pour mieux maitriser les traitrises et les complots. C'est aussi à cette période que Colbert décide d'abattre le Surintendant "de se revêtir de sa dépouille et de s'élever sur ses ruines".

 

   Un autre problème est celui d’une guerre de pouvoir entre deux hommes très différents et très influents : Fouquet et Colbert. Ce dernier jalouse le Surintendant qui brille par sa facilité déconcertante à faire rentrer de l'argent. Il envie cet homme que tout réussit et qui en plus risque d’obtenir le poste de Premier ministre qu’il convoite tant. C’est à partir de cette période que Colbert fera tout pour déstabiliser Fouquet.

 

   Colbert met alors en place une stratégie machiavélique : rendre Fouquet responsable des malversations et des confusions financières qui apparaissent de tant à autres. Louis XIV qui comprend parfaitement la manœuvre indélicate de Colbert  vit là une occasion de blanchir la mémoire du cardinal Mazarin, le parrain et l'ami intime d'Anne d'Autriche, la Reine‑Mère.

 

   Colbert va alors profiter du champ libre pour inlassablement manipuler le Roi et lui faire comprendre que le Surintendant travaille contre les intérêts de l’État. Usant de calomnie, rapportant la moindre anomalie comptable, alertant le roi sur la richesse anormale de Fouquet, tout sera fait pour accabler Fouquet.

Écu couronné de 1654 aux armes de Nicolas Fouquet (l'écureuil),
à droite le blason est soutenu par deux lions ; à l'exergue

 

   Colbert ira même jusqu'à utiliser les travaux que réalise Fouquet dans sa propriété de Belle‑Ile‑en‑Mer pour démontrer au roi qu’un complot d’ampleur nationale est en marche. Il est vrai que le Surintendant est ambitieux. Cette propriété devient peu à peu une véritable forteresse. Une immense poudrière y sera même construite.

 

   Fouquet reçoit des avertissements de ses amis et de sa famille lui conseillant d'être plus discret sur son luxe et ses ambitions, mais rien n'y fait. Sûr de lui et de son succès, le Surintendant poursuit sa quête de pouvoir en agissant naïvement pour le bien de l’État et du roi.

 

   A force de persuasion, Louis XIV finit par prendre sa décision et décide en mai 1661 d’emprisonner Fouquet. Il faut pour cela que le Surintendant verse dans les caisses royales l'argent frais qu'il a promis de fournir et qu'il vende sa charge de Procureur général au Parlement de Paris. Cette charge le soustrait en effet à toutes juridictions autres que celle de ses pairs. Un plan précis est alors organisé pour l’arrestation, car il faut éviter le moindre scandale à Paris, le peuple ne comprendrait pas.

 

   Comme pour savourer sa vengeance, le roi va alors exprimer à Fouquet son désir de retourner à Vaux‑le‑Vicomte pour y admirer les derniers embellissements dont toute la Cour parle avec éloges.


Le Château de Vaux‑le‑Vicomte... une demeure royale...

 

Le 17 août 1661 Vaux‑le‑Vicomte s'embrase

 

   Le château de Vaux‑le‑Vicomte est un bijou d'architecture et de raffinement. Même si les vraies raisons de l'arrestation de Fouquet ne sont pas directement liées à ce domaine féérique, il rendra incontestablement fou de jalousie Louis XIV, lui qui rêve d'un autre château encore à l'état de projet, Versailles....  


Vaux‑le‑Vicomte du temps de sa splendeur, merveilleusement
mis en scène au château (photo A.J. Cassaigne)

 

   C'est donc à Vaux, dans le décor tout juste achevé du plus beau château du royaume, que le 17 août 1661, Fouquet offrit à son roi une fête inégalée et une soirée fastueuse : plus de 30 buffets, 1200 jets d'eau, des loteries où tous les numéros sont gagnants, et deux feux d'artifice l'un tiré dans les jardins, le second depuis le clocheton du château... La table du Roi est servie en or massif, et Molière y joue une pièce pour le première fois : "Les Fâcheux". Les promenades dans les jardins, le souper digne des rois, les danses sous une musique de Lully sont un enchantement.

   Ces fastes sont souvent présentés comme la cause principale de la chute de Fouquet, mais la décision du roi était déjà prise depuis quelques mois, largement influencée par Colbert. Voltaire lui‑même contribua à cette légende en écrivant :

 

 "le 17 août, à 6 heures du soir, Fouquet était le roi de France ;
à 2 heures du matin, il n'était plus rien...
" 


Le Château de Vaux‑le‑Vicomte sous les feux couleur d'or s'embrase

 

Le temps de la déchéance

Le 5 septembre 1661, Fouquet est arrêté à Nantes

 

   Trois semaines plus tard, la Cour est à Nantes pour les États de Bretagne et un plan va se mettre en place. Le 5 septembre 1661 et sur ordre du roi, d'Artagnan, capitaine des mousquetaires, arrête le Surintendant Fouquet à Nantes pour le déférer devant les juges d'une cour d'exception spécialement constituée. Le motif est confus : supposition de malversation, mais sans plainte et sans informations complémentaires. Fouquet extrêmement surpris ne peut être qu'étonné devant une si légère accusation et comme pour calmer le roi, il propose de lui remettre Belle‑Ile.

 

   En attendant, Fouquet est jeté dans une prison nantaise. Il parviendra malgré tout à prévenir sa famille et ses amis. Malheureusement, durant cette courte période, des documents seront laissés à la portée de Colbert. Sa femme va aussitôt réagir devant l'abus de pouvoir du roi. Dans un courrier qui lui est adressé, elle va dénoncer le despotisme et son comportement, bafouant les lois du royaume :

 

   "Quel est ce nouveau comportement qui ne s'était point encore pratiqué dans votre royaume ? On a pris et saisi tous les biens et effets du sieur Foucquet, encore qu'il fût prisonnier, et que par les ordonnances de votre royaume il soit nommément porté qu'on ne pourra saisir le corps et les biens..."

 

Louis XIV est excédé par des affaires
qui naissent sans cesse

 

   Il est clair qu'à ce moment Louis XIV est excédé par toutes ces affaires qui naissent dans son royaume et dont il ne comprend rien. Ceci va le conforter dans l'installation de la monarchie absolue de droit divin. S'opposer au roi revient à s'opposer à la volonté divine, rendant légitimes le bannissement et l'arrestation immédiate. Surtout Louis XIV ne veut pas que Fouquet lui échappe, car il veut savoir...

 

   Ce que l'on sait moins, c'est que Louis XIV et Colbert sont littéralement obsédés par cette affaire Fouquet dont ils veulent connaître les origines. Car sous les termes de malversations prononcés par l'accusation, le roi et son nouveau ministre savent que des agissements occultes naissent dans l'Aude depuis fort longtemps. Le procès Nicolas Pavillon / Hautpoul, les jansénistes dont Pavillon en est un leader et l'abbaye de Port‑Royal sont autant de sujets qui trouvent à chaque fois leurs origines dans le Haut‑Razès entre Limoux, Alet, Rennes‑le‑Château et Rennes‑les‑Bains. N'oublions pas non plus que François Fouquet (1611‑1673) archevêque de Narbonne et Louis Fouquet (1633‑1702) Évêque d'Agde ont été mis en place dans la région du Languedoc pour des raisons bien précises, des faits que Louis XIV et Colbert ne peuvent ignorer... Ils savent donc qu'il y a anguille sous roche...

 

Le temps des disgrâces

 

   Un orage va se déchainer sur la famille Fouquet, ses amis, et certains s'insurgent. Un ami, Hugues de Lionne demande au roi que Marie‑Madeleine ne soit pas séparée de son mari. Quant à elle, sa demande est de se faire emprisonner avec son époux, mais rien n'y fait. Alors que la justice du roi ne peut toujours rien reprocher à Nicolas Fouquet, sa femme est exilée à Limoges en 1661. Ses beaux‑frères Louis et François Fouquet sont confinés dans leurs diocèses. Tout se met en place pour empêcher la concertation entre les proches. Belle‑Île se rend sans résistance aux troupes royales et des scellés sont posés sur toutes les résidences de Fouquet et celles de ses clients.

 

   Gilles Fouquet, son frère écuyer est déchu de sa charge de Premier écuyer de France, et Basile Fouquet, dit « l'abbé Fouquet », chef de la police secrète de Mazarin, doit s'exiler en Guyenne. Des amis très proches comme Pellisson sont emprisonnés, d'autres sont assignés à résidence. Hugues de Lionne, son ami, demande au roi de partager la disgrâce du surintendant, mais Louis XIV refuse.

 

La rage du roi ne s'arrête pas là.  Les enfants de Nicolas Fouquet, dont un bébé de deux mois sont pris à leur mère. La reine mère Anne d'Autriche choquée par une telle violence qu'elle‑même n'explique pas, interviendra pour qu’ils ne soient pas jetés à la rue.

 

   Tous les biens sont saisis et Marie‑Madeleine, dépouillée de ses meubles et de tous ses effets, doit emprunter pour survivre. Un ami dévoué lui prêtera 2000 louis ce qui lui permettra de partir pour Limoges.

 

   Après l’arrestation de Fouquet, une métamorphose se produisit au niveau du caractère de Marie‑Madeleine. Elle montra un courage, une abnégation et un dévouement qui honoreront sa mémoire, allant jusqu’à se faire emprisonner avec Fouquet un an avant sa mort. Elle parvint aussi à récupérer une faible partie des biens de sa famille et de son mari, agissant d’une part pour le bien de ses enfants devenus proscrits, d’autre part pour donner de l’argent aux pauvres.

 

Le 7 septembre 1661, Colbert commence l'instruction

 

   Fouquet est alors transféré au château d'Angers où il sera incarcéré plusieurs mois.  Son procès ne s'ouvrira qu'en 1662 laissant à Colbert le temps des perquisitions. Obsédé par le motif de l'inculpation,  Colbert va jouer le rôle à la fois de commissaire, de juge d'instruction et d'enquêteur, contre tout respect des procédures juridiques. Tout au long des recherches, il fait porter au roi en toute irrégularité des pièces inventoriées dont certaines sont conservées et d'autres rendues après quelques jours.

 

   Tous les comptes sont analysés et les registres financiers sont saisis. Premier coup de théâtre : Colbert découvre derrière un miroir à Saint‑Mandé le plan de défense de Fouquet. Il s'agit d'instructions en cas de crise rédigées par Fouquet lui‑même en 1657, à une époque où il pensait que Mazarin avait juré sa perte. Le mémoire détaille un scénario étrange : en cas d'emprisonnement et de mise au secret de Fouquet, les gouverneurs amis s'enfermeraient dans la citadelle et menaceraient d'entrer en dissidence pour obtenir sa libération.

 

   Il faut à ce propos faire une remarque. Soit ce document un issu d'un complot organisé par Colbert, soit le plan est authentique et on peut se demander de quoi Fouquet avait peur. On relève également un engagement pris par les adjudicataires des gabelles de verser une pension annuelle de 120 000 livres à un bénéficiaire dont le nom est laissé en blanc. Il s'agirait alors d'un pot‑de‑vin... Par la suite, Fouquet accusera Colbert d'avoir fait placer chez lui un document issu des papiers de Mazarin. D'ailleurs, cette pièce ne sera pas mentionnée dans un premier procès‑verbal établi avant la visite de Colbert, mais trouvée lors d'une visite minutieuse des lieux par ce dernier.

 

   Le 12 septembre, Louis XIV supprime la surintendance et la remplace par un Conseil royal des finances. Colbert a alors la voie libre et prend le poste de Fouquet au Conseil avec le rang de ministre. Il peut maintenant instituer une juridiction d'exception par édit royal de novembre 1661 portant création et établissement d’une chambre de justice, pour la recherche des abus et malversations commises dans les finances de Sa Majesté. Elle est composée de magistrats de la Chambre des comptes. La recherche des abus et des malversations remontera jusqu'en 1635.

 

    Le 1er décembre, Fouquet est transféré au château d'Amboise ; la population l'injurie sur son passage.

 


La chambre de Justice réunie pour condamner Nicolas Fouquet le 16 décembre 1661
au Palais de Justice de Paris

 

Le 3 mars 1662, l'instruction du procès est ouverte

 

   Pour faciliter la tenue des séances, Fouquet est emprisonné à la Bastille. Ironie de l'Histoire, cette prison servira plus tard à ses petits‑fils, le maréchal et le chevalier de Belle‑Isle. L'acharnement ira encore plus loin. Nicolas Fouquet n'ayant plus de biens, le roi pousse l'humiliation jusqu'à lui faire payer les frais de nourriture et ses gardes, une procédure tout à fait exceptionnelle mise en place sans décision de justice. Le monarque use de son droit divin.

 

   L'instruction du procès de Fouquet s'ouvre le 3 mars 1662, mais la procédure s'embourbe rapidement. Les interrogatoires débutent le lendemain alors que Fouquet n'a pas connaissance des pièces saisies et qu'aucun acte de procédure ne lui a été notifié. En mai, il est inculpé et le 6 juillet, un arrêt du Conseil lui interdit de se pourvoir devant le Parlement malgré sa qualité d'ancien procureur général. Il ne sera pas confronté aux témoins avant le 18 juillet et on ne lui accordera un conseil que le 7 septembre. Le 18 octobre marque une étape importante : la cour rend un arrêt imposant que la procédure se déroule désormais par écrit.

 

   Le président désigne une liste de rapporteurs, mais l'interférence du roi est évidente. Alors que Madame de Maupéou agit pour le compte de son fils, elle en récuse deux comme elle en a le droit. Louis XIV refusera toute modification répliquant qu'il avait précisément choisi ces magistrats. Le 10 décembre Colbert fait remplacer Lamoignon, jugé trop favorable à l'accusé, et lui substitue Pierre Séguier, dont la haine pour Fouquet n'est plus à démontrer.


Pierre Seguier (1588‑1672)
Chancelier de France


Guy Chamillard (1624‑1675)
Magistrat

 

   Sa femme Marie‑Madeleine séjourne à Saintes plus de six mois, éloignée de sa famille et séparée de ses enfants. Son calvaire est alors terrible et elle se plaint de ne pas recevoir de nouvelles. Fidèle à son mari devant l'épreuve, elle tentera désespérément d'infléchir la décision du roi. Tous les soirs, au sortir de son dîner, elle se jette à ses pieds en pleurs "Sire, sire miséricorde !" et le roi chaque soir, la relevant chuchote quelques mots et passe outre. La reine mère est elle‑même troublée par tant de haine et tente d'obtenir un peu de clémence en parlant de Madame Fouquet. Mais le roi reste inflexible. Le procès doit avoir lieu car il doit permettre de comprendre. Il en va de son pouvoir. Pourtant Marie‑Madeleine ne désarme pas et avec sa belle‑mère, elles se tiennent presque chaque jour à la porte de l'Arsenal, où siège la chambre de justice.

   Pendant des années, pour payer les dettes de son mari, Marie‑Madeleine de Castille devra engager les biens qui lui viennent de sa famille. 

 

  Nicolas Fouquet se bât également du fond de sa cellule. Il rédige des lettres "Les Défenses" qui paraissent en novembre 1662. Marie‑Madeleine se charge alors de les diffuser, mais elles sont vite saisies.

 

   Elle fait alors installer une imprimerie dans sa propriété de Montreuil‑sous‑Bois d'où elle publie les brûlots contre Colbert et le pouvoir. Les imprimeries clandestines vont aussi se multiplier malgré les arrestations.

 

 Lettre de Nicolas Fouquet à sa femme, datée du 12 février 1662
et écrite de La Bastille

 

Le 3 mars 1663, la Cour s'assouplit

 

   Pour éviter des défauts de procédure, la cour accepte le 3 mars 1663 de communiquer à Fouquet les pièces de son choix. Il pourra ainsi utiliser que celles qu'il aura étudiées. Au même moment, sa meilleure amie, la marquise du Plessis‑Bellière, est emprisonnée et des complices sont condamnés à mort par contumace pour lèse‑majesté.

 

   Pellisson, embastillé, publie en cachette un "Discours au roi par un de ses fidèles sujets sur le procès de M. Fouquet" dont Louis XIV prend connaissance. Quant à La Fontaine il écrit sans nom d'auteur, une "Élégie aux Nymphes de Vaux".

 

   Dans un courrier au roi du 15 décembre 1663, Marie‑Madeleine lui rappelle qu’elle est une femme séparée de biens et qu’il n’en tient pas compte. Car Marie‑Madeleine montre après cette disgrâce un courage et un dévouement qui honorent sa mémoire. S'efforçant de concert avec la mère de Fouquet d'exciter la pitié des juges et de désarmer la colère du roi elle tente tout pour adoucir le jugement. Devant les réclamations des créanciers du Surintendant, la mise aux enchères de ses biens est ordonnée.

 

1664 ‑ Un procès‑fleuve et un dossier vide

 

   Le procès va être long et complexe d'autant que le jugement est entièrement manipulé par Colbert et Louis XIV qui font pression sur les magistrats. La consigne est claire : Fouquet doit être à tout prix condamné et les juges cherchent inlassablement la faille qui permettra de prononcer un verdict sans contestation. Surtout, Louis XIV espère que les séances feront éclater la vérité... comprendre enfin l'origine exacte de cette richesse...

 

   Un homme intègre va toutefois faire contre mesure en faveur de Nicolas Fouquet. Il s'agit du juge Olivier Lefèvre d'Ormesson, un ascendant du célèbre écrivain Jean d'Ormesson. "La cour rend des arrêts, non des services !" dira l'intègre d'Ormesson. Mais c'est peine perdue, car le jugement n'est pas équitable. Des documents sont falsifiés et la conduite des séances se fait uniquement à charge.

 

   Malgré 3 ans de procès, les magistrats et l'accusation ne parviendront jamais à démontrer les malversations ni à comprendre réellement d'où vient la fortune. Car l'ancien Surintendant a réponse à tout sans jamais se contredire. Le procès‑fleuve génèrera d'ailleurs d'importantes écritures, car tout est enregistré.

 

   Le jugement est truqué et Fouquet le sait. L'enjeu est d'autant plus grave qu'il risque sa tête, car trahir la confiance du roi pour enrichissement personnel est passible de la peine capitale. Serait‑ce la durée du procès, ou le manque de preuve qui bénéficia à l'accusé ? Le fait est que les juges votèrent le bannissement à vie, c'est à dire l'exil hors de France pour ne plus jamais y revenir. Tous ses biens seront aussi confisqués.

 

   Un fait unique dans l'histoire de France va alors se produire et il s'explique parfaitement dans le contexte de l'énigme de Rennes. Le Roi détenteur du droit de grâce va briser la sentence des juges, non pour l'alléger, mais pour la modifier habilement : Louis XIV décrète la prison à vie dans la sinistre forteresse de Pignerol. Par ce déni de justice, le Roi va donc affirmer son autorité, et du même coup, mettre sous les verrous et au secret un personnage intrigant et mystérieux, Nicolas Fouquet. Car au bout de trois ans et une enquête soutenue, Louis XIV ne comprend toujours pas le fond de l'affaire. D'où vient exactement la fortune de Fouquet ? Qui sont ses complices ? Quelle était sa réelle motivation ? S'agit‑il d'un complot d'État avorté comme le prétend Colbert ? Ou s'agit‑il de toute autre chose de plus occulte ?

 

   Il faut dire que Louis XIV enregistre les affaires étranges qui échappe à sa volonté depuis de nombreuses années : Nicolas Pavillon et le procès Hautpoul, les jansénistes et encore Nicolas Pavillon, l'abbaye de Port‑Royal et maintenant Nicolas Fouquet et sa richesse insolente. Le roi veut savoir. Il veut connaître ces dessous d'affaires qu'il ne maitrise pas. Mais il est loin d'être naïf, car des points communs existent entre ces différents épisodes. Comment pourrait‑il en être autrement ? Hautpoul, les frères Fouquet dont l'un est en poste dans l'Aude à ND de Marceille, Pavillon, évêque d'Alet les Bains ... Tout ramène à l'Aude et au Razès. Il n'est d'ailleurs pas le seul à se douter de quelques anguilles sous roches. Colbert a aussi des doutes puisqu'il fera re‑ouvrir les mines de Blanchefort en 1666...

 

   Isoler et mettre au secret Nicolas Fouquet était donc une manière efficace d'en savoir plus. Fouquet, escorté par cent mousquetaires, fut envoyé à Pignerol, une petite place forte des Alpes savoyardes. Il y restera enfermé et étroitement surveillé dans le donjon de la forteresse jusqu'à sa mort le 23 mars 1680.

 


La citadelle de Pignerol


 

Carte de la citadelle de Pignerol à l'époque de Fouquet
(par Beaulieu)

 

Le 14 avril 1664 ‑ Premier contact après l'arrestation

 

   Le 14 avril 1664, les gardiens autorisent Nicolas Fouquet à serrer sa femme et ses enfants dans ses bras. Madame Fouquet viendra  au‑devant de son mari à Charenton sous la haute surveillance de d'Artagnan. Ce sera malheureusement la dernière étreinte avant 15 ans sans qu’ils puissent même les apercevoir.

 

   Le 23 mai 1664, Madame Foucquet donne requête à la chambre pour avoir des meubles, mais on lui répond que l'on ne veut pas délibérer là‑dessus. Les juges ordinaires et les simples greffiers ne sont pas les seuls à s’acharner contre Fouquet et sa femme : un grand serviteur de l’État, Chamillart écrit à Colbert ceci :

 

   Monsieur, j'ai cru vous devoir donner avis que madame Foucquet a refusé d'accepter les meubles dont j'ai offert de lui faire délivrance, conformément à l'arrêt qu'il vous a plu m'envoyer; son refus fondé sur ce que, dans le mémoire qui m'a été présenté de sa part, elle demandait des meubles pour se loger à Fontainebleau, à Moret et à Montigny; ce dernier lieu étant une maison écartée, je n'ai pas estimé devoir reconnaître une demeure de cette qualité, qui devait vraisemblablement être un rendez‑vous pour des assemblées secrètes, et l'arrêt, de l'exécution duquel il a plu au Roi me charger, ne parle que de Moret.

 

   La machine judiciaire est lancée depuis 3 ans et pourtant elle continue de broyer la famille Fouquet. De nouveau, Nicolas ne peut plus voir ses avocats et  l'administration royale s’en prend désormais à toute la famille. Le cousin de Marie‑Madeleine, Jeannin de Castille, fut l’une des principales victimes de la Chambre de justice qui lui infligea une amende de 8.000.000 livres. "Cette amende met un terme à une carrière facile et brillante" écrira D. Dessert.

 

1665‑1666 ‑ Le Roi pille Vaux‑le‑Vicomte

 

   Toujours sous la volonté du roi, la vente du mobilier de Vaux et de la résidence de Saint‑Mandé se déroule de 1665 à septembre 1666, mais entre‑temps, Louis XIV s'est largement servi. Pour lui‑même, il fait prélever d'innombrables objets précieux, des tapisseries, des étoffes de brocart, des tables de marbre, des vases de vermeil, des carreaux de marbre rare. Tout ce qui a de la valeur et qui peut être porté est transféré au Louvre... Les orangers en pot et des milliers d'arbrisseaux sont envoyés à Versailles et aux Tuileries... Louis XIV met la main sur les plus belles pièces de collection et va jusqu’à faire remplacer l’écureuil des Fouquet par des fleurs de lys sur les tapisseries.

 

   Finalement, vidé de ses valeurs, Vaux est abandonné par les créanciers à Mme Fouquet ainsi que les seigneuries de Melun et de Belle‑Île‑en‑Mer, contre le paiement sous 10 ans de 1.250.000 livres de dettes.


Le Château de Vaux‑le‑Vicomte

 

1673 ‑ Marie‑Madeleine Fouquet peut rentrer
à Vaux‑le‑Vicomte

 

   Après 10 ans d'exil, Marie‑Madeleine de Castille peut enfin rentrer à Vaux en 1673. Le château est totalement pillé et dégradé. Armée d'un courage exemplaire et avec son fils aîné, le comte de Vaux, elle reprend le domaine en main. Des œuvres qu'elle avait commandées sont vendues, ce qui lui permet de rembourser en totalité les dettes de son mari. Elle devra aussi attendre 6 ans avant que Louis XIV ne daigne lui permettre une visite à son époux.

 

   Outre le Château de Vaux‑le‑Vicomte, elle récupère une centaine de milliers de livres, la maison de Saint‑Mandé, Belle‑Île‑en‑Mer, le manoir et la terre de La Guerche à Saint‑Brévin‑les‑Pins, le château de Largoët à Elven, Trévérec, le château de Cantizac à Séné, Bouy‑le‑Neuf, Lanvaux, Keroual, la terre de Coët‑Canton, la forêt de Trédion, les domaines du Grand Auvers, des Moulins‑Neufs à Lézigné, de Maincy, la vicomté de Melun, des parts dans la société des toiles d’Amérique, l’exploitation des bois de Normandie, ses offices d’huissier au Parlement de Paris et d’huissier conseiller en Hôtel de Ville. Le patrimoine est vaste...

 

   C’est en  tout cas grâce à l'intervention de Mme de Montespan que Mme Fouquet pourra rendre enfin visite à son mari en mai 1679. Ils ne se sont pas vus depuis 15 ans et Marie‑Madeleine poussant son amour jusqu'à ses retranchements demandera a se faire enfermer avec lui. Elle y restera jusqu'à la mort de Nicolas Fouquet le 3 avril 1680. Après avoir partagé un an sa captivité, elle ferma les yeux de celui qui voulut briller plus fort que le roi... et en emportant ses secrets....

 

   Nicolas Fouquet est inhumé en l'église du couvent des Dames de Sainte‑Marie, grande rue Saint‑Antoine, à Paris. Marie‑Madeleine n’a alors que 37 ans.

 


Le temple de la Visitation
de Sainte Marie à Paris
(17 rue saint‑Antoine)


Derrière ce mur de la chapelle,
le caveau des Fouquet

 

   L'ancienne chapelle de la Visitation est devenue temple protestant du Marais en 1802. Elle fut conçue par François Mansart et construite entre 1632 et 1634. C'est dans la crypte créée en 1665 qu'était entreposé les sépultures des Fouquet. Elles furent ensuite emmurées dans un caveau pour les protéger. Outre Nicolas Fouquet, sont aussi inhumés son frère Basile, et son père François Fouquet. Le temple est situé 17 rue Saint‑Antoine, une adresse qui est un beau clin d'oeil à l'énigme des deux Rennes...

 

1680 ‑ Nicolas Fouquet meurt
et Marie‑Madeleine survit

 

   Marie‑Madeleine de Castille est encore jeune et survivra à son mari 36 ans. Luttant dans un premier temps pour sauver les restes de la fortune familiale, l'épreuve fut longue et semée de luttes judiciaires. Ses biens furent à nouveau saisis par le roi ou donnés sans son avis à des œuvres pieuses. Heureusement, du fait de sa situation matrimoniale, le roi finit par lui céder une partie. Le Château de Largoët fut vendu à Michel de Trémeurec. La baronnie de Lanvaux, les terres et le château de Cantizac furent vendus au roi le 21 janvier 1681. En 1684 elle donna les seigneuries de Vaux et de Melun à son fils et conserva Belle‑Île‑en‑Mer jusqu'en 1704, date à laquelle le roi finit par l'acheter.

 

   En 1705, le comte de Vaux, son fils, disparut sans héritier et sa mère décida de vendre le Château de Vaux‑le‑Vicomte au maréchal Claude Louis Hector de Villars, duc et pair de France pour 500.000 livres. Courageuse et battante, Marie‑Madeleine continuera à ironiser sur le compte du roi en évoquant certaines promesses non tenues. Pour cela elle imprimera un petit livre dans les Pays‑Bas, à Utrecht, mais l'ouvrage sera censuré. On peut notamment y lire l'une de ses plaintes, un dernier combat pour la mémoire de son mari et la réhabilitation de ses enfants :

 

  "Votre Majesté a bien voulu me faire l'honneur de me dire qu'elle était fâchée d'être obligée de faire ce quelle a fait. Madame Fouquet, tout en implorant la clémence royale, a la hardiesse de rappeler les iniquités du procès de son mari, particulièrement les papiers de l'accusé pris contre toutes les formes ordinaires, et beaucoup même soustraits. Elle ne demande point une absolution glorieuse, mais une abolition, l'exil au lieu de l'emprisonnement perpétuel... "

  

   Saint Simon, le célèbre mémorialiste parlera d'elle comme une femme admirable et charitable. Née en 1633 dans l'ancien hôtel de Montmorency, elle disparut le 12 décembre 1716 à Paris, à 83 ans, dans sa maison dite de l'Arcade, à côté de l’abbaye du Val‑de‑Grâce. Elle fut inhumée dans la chapelle Fouquet du couvent de la Visitation‑Sainte‑Marie, à Paris, avec son mari.

 

Nicolas Fouquet eut 5 enfants de Marie‑Madeleine de Castille, et il ne furent jamais admis à la cour jusqu'à la mort de Louis XIV :

 

    François Fouquet (1652‑1656)

 

    Louis Nicolas Fouquet de Vaux (1654‑1705), vicomte de Melun et comte de Vaux. C'est lui qui restaurera Vaux après les pillages et les actes de vandalisme. Il se maria en 1689 avec Marie‑Jeanne Guyon du Chesnoy, fille de Madame Guyon, une mystique française, riche héritière. Dès 1683, à court d'argent, il vendit au Roi des termes de marbre blanc attribués à Nicolas Poussin, puis en 1699 des statues antiques et modernes.

 

    Marie‑Madeleine Fouquet (1656‑1720), se maria le 21 juillet 1683, avec Emmanuel de Crussol d'Uzès, chevalier, marquis de Montsalès.

 

    Charles Armand Fouquet (1657‑1734), entra dans la congrégation de l'Oratoire. Il devint grand vicaire du diocèse d'Agde et Supérieur du séminaire de Saint‑Magloire.

 

    Louis Fouquet (1661‑1738), marquis de Belle‑Isle, baron de Villars, fut chevalier de Saint‑Jean de Jérusalem.

 


Le Château de Vaux‑le‑Vicomte et son parc

 

 

Rédigés un demi‑siècle plus tard, Saint‑Simon écrira dans ses Mémoires une épitaphe en hommage à ce Surintendant pas comme les autres :

 

"Après avoir été huit ans Surintendant des Finances, paya de dix‑neuf ans de prison les millions que le cardinal Mazarin avait pris, la jalousie de

M. Le Tellier et Colbert, un peu trop de galanterie et de splendeur"...

 

De cette folle dépense puisée dans les secrets du Razès,
il nous reste Vaux‑le‑Vicomte, un merveilleux château qui inspira Versailles,
un lieu poignant où l'on sent à chaque instant le poids de l'histoire,
l'aventure d'un homme qui se brula les ailes
en voulant s'approcher au plus près du roi Soleil...