On pourrait supposer que le village de
Rennes‑le‑Château constitue l'épicentre de l'énigme,
le lieu où toutes les thèses convergent, l'endroit où tous
les indices se focalisent. Il n'en est
rien, bien au contraire. Rennes‑le‑Château et son
Domaine construit
par
Bérenger Saunière ne sont en réalité qu'un support au
codage du secret, un site devenu culte et sur lequel les
lazaristes déposèrent plusieurs messages à la postérité.
Or, pour comprendre la fabuleuse épopée qui au cours des
siècles permit de forger l'affaire des deux Rennes, il est
indispensable d'enquêter également du côté de
Notre Dame de Marceille, un sanctuaire
limouxin très
particulier par lequel des personnages clés laissèrent leurs
empreintes, comme ces mêmes lazaristes et dont le plus
emblématique fut Jean Jourde...
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Les stations du Chemin
de croix |
Comme dans le cas du
Chemin de croix
de l'église de
Rennes‑le‑Château, celui de Notre Dame de
Marceille a été utilisé pour transmettre un ou plusieurs
messages. Cette affirmation s'impose d'elle‑même après un
examen détaillé de certaines stations. L'imagerie présente y
est tout aussi fascinante.
Comme nous le rappelle
Franck
Daffos dans son livre "Le secret dérobé", il est
difficile aujourd'hui de déterminer lequel de ces deux
aumôniers
Mèche ou
Gasc a réellement commencé et terminé le codage.
Les stations ont elles été achetées par Mèche ? Puis cryptées
par Gasc ? Ou bien est‑ce Gasc qui fut le seul maître
d'œuvre ?
Heureusement pour nous,
Henri Gasc semble être un personnage méthodique
et intelligent. Ce sont certainement ces qualités qui ont
permis aujourd'hui de connaître quelques éléments sur son
travail de codage. En effet, durant son poste d'aumônier à
ND de Marceille entre
1838 et 1872 il écrivit un journal : "Notice
sur le pèlerinage de NDM près de Limoux" qui fut édité
au moins trois fois. Ce journal décrit les différentes
restaurations entreprises par lui‑même et on peut y lire une
phrase étonnante :
"Les tableaux en relief du chemin de croix
ont reçu un coloris qui en relève l'effet et
l'harmonise avec le reste de l'église."
Extrait de
"Notice sur le pèlerinage
de NDM près de Limoux"
page 26 par Henri Gasc
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Une chose semble certaine : si
Henri
Gasc ne fut pas le seul concepteur des stations, il
apporta en tout cas une touche personnelle basée sur les
coloris des reliefs.
Les stations d'un chemin de croix
doivent impérativement répondre à des règles canoniques très strictes imposées depuis très longtemps par l'Église.
Or, un fait est certain : tout comme
pour
l'église Marie‑Madeleine,
les stations de ND de Marceille ne sont pas parole d'Évangile. Et pour s'en
rendre compte, il suffit de relever quelques anomalies qui
les composent.
Les 14 stations en image
(cliquez sur chaque station pour les agrandir)
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Station 1 :
Jésus est condamné à mort
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Station 2 :
Jésus prend sa croix
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Station 3 :
Jésus tombe pour la première fois
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Station 4 :
Jésus rencontre sa mère Marie
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Station 5 :
Jésus est aidé par Simon le Cyrénéen
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Station 6 :
Véronique essuie le visage de Jésus
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Station 7 :
Jésus tombe pour la seconde fois
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Station 8 :
Jésus parle aux femmes de Jérusalem
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Station 9 :
Jésus tombe pour la troisième fois
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Station 10 :
Jésus est dénudé
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Station 11 :
Jésus est cloué sur la croix
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Station 12 :
Jésus meurt sur la croix
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Station 13 :
Jésus est descendu de la croix
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Station 14 :
Jésus est mis au tombeau
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Voici donc quelques anomalies ou
curiosités relatées par
Franck Daffos et qui ont permis de confirmer la
présence d'un codage bien orchestré... |
Les cadres gothiques des
stations
Curieusement, les cadres
gothiques entourant les stations sont rouges pour les
stations impaires et verts pour les stations paires...
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Ponce Pilate
Selon les règles canoniques en vigueur
Ponce Pilate
est représenté qu'une seule fois sur la station 1 et
dans un aspect typiquement romain.
Dans le cas de ND de Marceille, Ponce Pilate
apparaît barbu dans des vêtements orientaux, ce qui n'est
pas le code habituel.
Mais le plus surprenant est qu'il
apparaît deux autres fois : discrètement dans la station
9 et de façon flagrante dans la station 11...
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Détail de la station I ‑ Ponce Pilate
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Détail station 9
et Ponce Pilate |
Détail station 11 et Ponce Pilate |
Ponce Pilate
‑ Il fut procurateur de
Judée et de Palestine de l'an 26 à 36. Gouverneur de l'Idumée, de la Judée, de la
Samarie et de Galilée sous la supervision du légat de Syrie
de l'an 26 à 36 après Jésus‑Christ, Ponce Pilate s'installa à
Césarée sur le bord de la Méditerranée. Il alla à Jérusalem
en avril de l'an 30 à la demande d'une cinquantaine de
sanhédrins pour juger du blasphème d'un certain Jésus qui se
proclamait "fils de Dieu". Ponce Pilate qui disposait seul
du droit de vie et de mort en Palestine ne crut pas à la
culpabilité de Jésus. Il proposa aux Juifs de choisir entre
la condamnation à mort du Christ et celle du voleur et
assassin Barabbas, ceci selon une tradition qui voulait que
le procurateur gracie l'un des condamnés à mort lors des
fêtes de Pâques. La foule demanda de libérer Barabbas et de
crucifier Jésus. Ponce Pilate se lava les mains et dit : "Je
ne suis pas responsable de ce sang ; à vous de voir". Jésus
Christ fut flagellé puis crucifié sur le mont Golgotha.
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Les cavaliers romains
La présence de cavaliers romains dans
le chemin de croix est également une erreur grossière. Ni
les règles de composition des stations imposées par
l'Église ni les textes anciens ne font état d'une présence
de Romains à cheval lors de la crucifixion.
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Détail de la station 5 à ND de
Marceille
Un cavalier
romain
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On retrouve d'ailleurs cette anomalie
dans l'église de Rennes‑le‑Château
à la
station 9.
A ND de Marceille, il existe clairement
5 cavaliers aux stations 2, 3, 5, 7 et 11. |
Les deux
Jésus
Voici certainement la plus belle des
anomalies. Comme à la
station 14 de Rennes‑le‑Château qui réserve sa
surprise, celle de ND de Marceille est tout aussi surprenante.
Observez
bien, nous
sommes en présence de deux Jésus, l'un crucifié que
l'on place dans sa sépulture et le second qui le porte par
les aisselles pour la mise au tombeau. Et pour renforcer le message, les vêtements
que le Christ a portés tout au long des stations précédentes
se retrouvent maintenant portés par son sosie...
Voilà une scène
particulièrement déconcertante qui n'a pu passer inaperçue
pour les chanoines et les lazaristes.
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Détail de la station 14
Les deux
Jésus
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D'autre part, si l'on
examine les coloris des stations et les personnages des
différentes scènes, la rigueur des représentations ne permet
aucun doute. On est bien en présence de deux sosies mis en
valeur par leur visage et leur expression identique. |
Le cartouche
Si l'on admet que le chemin de croix
de Notre Dame de Marceille possède un codage, alors
il est important de se poser la question de l'origine des
stations. Nous savons que le
chemin de
croix de Rennes‑le‑Château
a été produit par la
maison Giscard
de Toulouse, mais quel était le fournisseur des stations du
sanctuaire de Limoux ?
En observant de très près les stations,
on peut apercevoir un cartouche discrètement posé dans le
coin inférieur de chacune d'entre elles.
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Le cartouche est
constitué d'une petite plaquette de laiton sertie sur le
plâtre et sur laquelle on peut lire les mots suivants :
MODÈLE
DÉPOSÉ
PROPRIÉTÉ DE
SOLON A PARIS
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Qui était
Solon ?
Nous avons peu d'information sur cet
artisan, mais il semble qu'il fut
fabricant de statues
dans les années
1850.
Néanmoins, le travail de recherche
fournit parfois des indications surprenantes. C'est en pistant
Solon qu'une surprise attendait. En effet,
nous pouvons lui attribuer un autre
chemin de croix situé dans
l'église Saint Pierre à
Plélan‑le‑Grand en Ille‑et‑Vilaine (Bretagne). Et si
l'on compare les stations, elles semblent identiques mis à
part les
couleurs, des couleurs ajoutées pour harmoniser l'effet comme le
souligne Henri Gasc.
Les chemins de croix seraient donc
issus des mêmes moules du fournisseur. Pas vraiment, car si l'on compare par
exemple les personnages de la station 1, des
différences dans les visages en relief sont perceptibles.
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Les stations bretonnes sont également
moulées en plâtre et la réalisation daterait de
1853,
ce qui fournirait une date aussi pour
le chemin de croix
de Notre Dame de Marceille. Nous savons aussi que
Gasc
était aumônier à NDM entre
1838 et 1872 ce qui consolide la
période de son installation et la mise en couleurs.
Cette découverte génère en réalité
plusieurs questions :
Pourquoi
Gasc a‑t‑il préféré
se procurer un chemin de croix à
Paris alors qu'il existait plusieurs artisans
dont Giscard sur Toulouse ? Cherchait‑il des détails
qu'il ne trouvait pas sur place ? Ou bien a‑t‑il fait
une commande spécifique ?
Qui a peint le chemin de croix ?
Visiblement Solon
savait le produire non peint. Ceci pourrait confirmer
que Gasc ou un artisan local a colorié les stations
sur place.
Le chemin de croix a‑t‑il été fait
sur commande puis les moules ont ils été utilisés pour
Plélan‑le‑Grand, ou s'agit‑il d'un standard ? A par quelques
différences peu perceptibles, les stations sont identiques.
Le chemin de croix a‑t‑il été conçu
d'abord pour ND de Marceille puis pour
Plélan‑le‑Grand
ou inversement ?
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