Lorsque que j'entrai pour la première
fois dans l'église de
ND de Marceille, il y a maintenant
plusieurs années, je ne pus m'empêcher de relier
immédiatement ce lieu à Rennes‑le‑Château. La raison
était très simple : déjà familiarisé avec plusieurs éléments
classiques de l'affaire des deux Rennes, un détail paraissait trop beau
pour être vrai : un magnifique tableau de
Saint Antoine, encore visible aujourd'hui, trônait en face de
l'entrée principale...
Cette
étude inédite est le résultat de nombreuses heures de travail
et
de recherche.
C'est pourquoi elle est protégée
ainsi que toutes les illustrations.
Je tiens aussi à remercier Franck Daffos qui a très
gentiment accepté
de participer à cette présentation.
Copyright © RLC Archive ‑ Jean‑Pierre Garcia
|
L'atmosphère du sanctuaire de
Notre
Dame de Marceille est très particulière. Il y baigne une
semi obscurité et l'ambiance que dégage cette toile aux coloris
exagérément sombres ajoute au mystère.
Je compris dès cet instant que
l'affaire s'étendait bien au delà du petit village de
Rennes‑le‑Château. Mais il me manquait encore de nombreux éléments
permettant d'entrevoir la silhouette du puzzle.
C'est bien plus tard que
Franck Daffos, dans son livre "Le secret dérobé", me permit de coller quelques pièces sans
lesquelles ce thème n'aurait jamais vu le jour...
|
Le tableau St Antoine était à
l'origine
face à l'entrée principale |
Le tableau Saint Antoine de ND de Marceille,
aujourd'hui
|
Comme nous le verrons par la suite la
position du tableau est très importante. Il est situé, face à
l'entrée et à la chaire de l'église, à mi hauteur entre la
sacristie et la petite chapelle de la Vierge Noire, au dessus du
Saint des objets perdus,
Saint Antoine de Padoue.
L'affaire de Rennes‑le‑Château couvre un
périmètre très large et les contours sont indéfinissables.
L'exemple qui suit en est une belle illustration. Avant
d'aborder le Saint Antoine de ND de Marceille, il est indispensable de se
remémorer le mystère
de Valcros dans
les gorges du Verdon et des
légendes qui l'entourent. Ces deux affaires semblent curieusement
liées... |
L'histoire de Valcros
En
1915, un jeune garçon (Georges
Marcolla) découvrit en
Sibérie, dans une bible
rangée dans la bibliothèque de son père, un vieux papier
jauni :
"Dans les constructions souterraines du vieux
château Vallée de la Croix, se trouve le trésor
des Templiers. Va et cherche, le Saint et la
Vérité te montreront la voie". |
Nous sommes en
1916 et la révolution russe approche. Le jeune garçon
fut contraint de fuir et après la seconde guerre mondiale il
se retrouva dans le sud de la France. Mais il est des
destinées où le hasard semble absent. Après de nombreuses
années sans but, il finit par acheter en
1955 une propriété agricole comprenant un vieux
château en ruine du XIe siècle "Valcros"
(Vallée de la croix en provençal).
|
Ce fut pour le propriétaire polonais
une nouvelle interrogation. En effet, il trouva dans la
petite chapelle un ancien et imposant tableau représentant
Saint Célestin,
ce dernier désignant le mot "Véritas".
La découverte de cette toile et le
message qu'il avait lu dans son enfance fut pour lui un
véritable révélateur, et c'est ainsi qu'il passa le reste de
sa vie a chercher le trésor des Templiers au
Château de Valcros.
Depuis, de nombreux chercheurs vouèrent
une réelle fascination pour ce mystère. L'un d'eux se
démarqua :
Alfred Weysen
|
Le tableau de Saint Célestin
à
Valcros
|
Alfred Weysen, chercheur...
Alfred Weysen
débuta ses recherches dans le Verdon vers
1960
et commença à travailler
avec Georges Marcolla. Ce dernier continuait à
chercher le trésor des Templiers dans le domaine du château
de Valcros mais il accepta de collaborer aussi aux
recherches de Weysen pendant plusieurs années. Puis
Alfred Weysen abandonna la piste classique pour ce
concentrer sur le tableau.
|
C'est à ce moment que les recherches
devinrent fascinantes. Ce tableau qui était attribué à un
certain René de Draguignan et daté de
1715 fut confié à un laboratoire scientifique
de Bruxelles. Son analyse aux rayons X révéla
300 inscriptions en latin, invisibles à l'œil
nu. Pour
Weysen , il s'agissait d'un tableau
contenant un message. Parmi ces inscriptions, il est écrit
dans le cœur flamboyant le mot "Véritas".
Autre découverte : La morphologie du
Saint Célestin épouse de façon troublante les contours
géographique du Verdon délimitée par les sites
Soleils‑Trigance‑Jabron,
le Bourguet‑Robion
et
Valcros.
|
Saint Célestin et le Verdon
|
Les recherches de Weysen montrèrent en
fait que le tableau serait plutôt l'œuvre d'un copiste du nom
de
Jean Mariette (1660‑1742), peintre graveur et donc
qu'il daterait plutôt de
1715.
La gravure ci‑dessous
montre clairement qu'il s'agit d'une estampe de Saint Augustin d'Hippone,
philosophe et théologien chrétien, évêque d'Hippone. Cette
estampe du
XVIIIe siècle fut exécutée d'après une peinture de
Jean‑Baptiste Corneille (1649‑1695)
puis gravée par
Jean Mariette. Sa
ressemblance avec le tableau de Valcros est évidente, ce qui
fournit un élément de plus confirmant qu'il s'agit bien de
Saint Augustin
et non de
Saint Célestin... |
Alfred WEYSEN est l'auteur de "L’île des veilleurs" 1986 aux Éditions Robert Laffont
Il aurait, après quelques années de
recherches mis en lumière un zodiac géant du Verdon et un
plan de la zone nommée "l'île des veilleurs" délimitée par
Soleils‑Trigance, Jabron, Le Bourguet et Robion, Valcros
étant inclus dans ce périmètre. Les chapelles seraient
situées près du Point Sublime surplombant les Gorges du
Verdon à proximité de Trigance et formeraient le mot
TEMPLARI.
La colline située à l'est du pont de
l'Evescat, entre Jabron et le pont du Bourguet contiendrait
des galeries vers les lieux‑dits le Reissa, le Rouissassou
et la Treille. Un réseau de souterrains partirait de Valcros
en étoile.
|
"L'Ile des Veilleurs"
Couverture de l'édition 1980
|
Enfin La
Treille abriterait le plus grand lac souterrain du monde
(10ha) et sous "le portique", au Rouissassou, serait située
une caverne profonde de 20 m et haute de 4 à 5 m.
Il est à noter qu'un laboratoire de Toulon
aurait confirmé la présence de cette caverne et du lac
souterrain de 10 hectares qui serait le plus grand du
monde. Weysen ne s'attribue pas cette
découverte à lui seul, il la dédie aussi aux travaux
d'hydrogéologie de
1970 conduits par le professeur Van Nutsen de
l'Université d'Amsterdam.
Une autre originalité est que ces eaux
proviendraient de sources passant probablement sur
des champs magnétiques (Cette dynamisation se fait lorsque
les eaux coulent dans les régions où le sol est riche en
fer, manganèse, et cobalt). Elles se trouvent alors
magnétisées et portent une énergie appelée la
"magnétohydrodynamique", qui fut découverte par le physicien
britannique Michael Faraday (1791‑1867). la MHD est l’étude
de l’interaction entre les champs magnétiques et les fluides
conducteurs.
|
Saint Célestin et Saint Augustin
Avant d'aborder les liens avec ND de Marceille et
son tableau de Saint Antoine, il faut faire un parallèle
entre le
Saint Célestin de Valcros et
Saint Augustin.
|
Le tableau de Saint Célestin
à
Valcros
|
Saint Augustin est caractérisé
par
un cœur enflammé et
sa crosse épiscopale
|
Saint Augustin est
reconnaissable par deux attributs caractéristiques : un cœur
enflammé qu'il tient en général dans sa main, symbole de sa foi, et une
crosse épiscopale, très souvent représentée par
une canne à l'extrémité en colimaçon. Si on compare une
représentation classique de Saint Augustin avec le
Saint Célestin
de Valcros, la ressemblance est frappante. Tout y est :
le cœur enflammé, la canne épiscopale, les livres ouverts
avec la même disposition et jusqu'à la position des deux
personnages, ce qui exclue une quelconque coïncidence ... |
Saint Augustin par Philippe de Champaigne |
Un détail va confirmer que le
Saint Célestin de Valcros est bien
Saint Augustin et il se trouve aux pieds du célèbre personnage peint par Philippe de Champaigne. Sur un rouleau de parchemin, un nom est
clairement lisible... CELESTIN...
Pourrait‑il alors s'agir d'une méprise qui
attribua au tableau de Valcros une fausse identité ? C'est fort probable... |
Détail du tableau de Saint Augustin ‑ CELESTIN est visible sur le rouleau |
Quel est le lien avec ND de Marceille ?
Un fait troublant entre l'affaire de
Rennes‑le‑Château et celle de
Valcros est que le tableau de Saint Antoine de
ND de Marceille (en fait comme nous le verrons plus loin, un Saint Augustin)
et le Saint Augustin de Valcros, sont basés sur la même
scène. Les deux personnages sont présentés
pratiquement dans la même position. De plus tout deux sont
liés à un secret trésoraire de grande valeur. Enfin comme
nous le verrons plus bas, les deux tableaux sont liés par une
même équipe de peintres.
|
Un autre rapprochement est possible
par l'ancien message de Valcros qui nous parle de "La
vallée de la Croix" et de "la Voie"
Il faut savoir que la "Voie Sacrée"
qui a servi pendant très longtemps aux pèlerins, s'appelait
aussi "la voie des croix", sans doute du fait de la
présence de plusieurs croix sur le chemin. L'une d'elle est
encore visible à gauche de l'entrée principale.
|
La Voie Sacrée de ND de Marceille
|
Le secret du Saint
Antoine de ND de Marceille |
Pour comprendre et démonter la fabuleuse
histoire de ce tableau, Franck Daffos, dans son livre "Le
secret dérobé" étaye sa thèse d'une très belle
démonstration historique. Je ne prétendrai nullement reprendre
ici cette démonstration mais plutôt la présenter sous la forme
d'une série d'épisodes que ses différentes recherches
historiques ont permis de reconstituer.
Rennes‑le‑Château est un immense puzzle, en voici une pièce
importante ... |
Mgr François Fouquet commande
un Saint Augustin
De
1660 à 1673, date de sa
mort, Mgr François Fouquet, évêque de
Narbonne et frère du célèbre
Nicolas Fouquet, géra lui seul Notre Dame de
Marceille. Cet épisode ne fut pas fortuit (les vrais raisons
seront présentées dans un autre thème).
Or, c'est à cette
époque que l'évêque de Narbonne, pour des raisons qui seront
expliquées par ailleurs, décida de laisser un message très
particulier à son frère Nicolas emprisonné. Il faut rappeler
que Nicolas Fouquet, surintendant du Roi, fut arrêté
le
5 septembre 1661 à Nantes par Louis XIV,
soupçonné d'enrichissement
personnel.
L'histoire du tableau de Saint Antoine
commence donc avec
Mgr François Fouquet lorsque en
1660
il eut l'idée de commander un tableau
codé représentant Saint Augustin.
|
Qui était Saint Augustin ?
Augustin d’Hippone est le théologien le plus fascinant
qui soit et sans doute le plus important après Paul de
Tarse. Romain d'origine berbère, il était dissipé et actif.
C'était un écrivain prolixe, homme de combat et de
conviction. Né à la fin de l’empire romain, Augustin assista
aux grandes invasions et à la prise de Rome par le Wisigoth
Alaric en l'an 410. Ce témoignage bouleversera sa vision du monde et
imprégnera sa théologie.
Aurelius Augustinus naquit le
13 novembre 354 à Thagaste en Numidie (aujourd'hui Souk Ahras en Algérie). Romain d'Afrique d'une famille modeste,
il eut comme père un petit propriétaire foncier attaché à la
religion du paganisme romain et comme mère une fervente
chrétienne (Sainte Monique).
|
Saint Augustin
de José de Ribéra 1636
|
L'éducation du jeune Augustin
fut chrétienne et intellectuelle, car il envisagea en moment
de devenir avocat. Il devint en fait professeur dans sa
ville natale, puis à Carthage, où il fonda une école de
rhétorique, puis à Rome et à Milan. Cette période l'éloigna
de la religion, au désespoir de sa mère. Il mena alors une
vie tumultueuse, divisée entre l'amour de sa femme avec
laquelle il était lié depuis l'âge de 17 ans (et dont il eut
en 372 un fils Adéodat) et sa passion pour la littérature,
le théâtre et ses inquiétudes métaphysiques.
Il découvrit la philosophie à 15 ans
par Cicéron et le manichéisme auquel il se convertit durant
9 ans. Cette religion, très en vogue à son époque,
enseignait une vision dualiste et tragique du monde (le Bien
et le Mal). A Milan, il devint influencé par un grand
théologien chrétien Ambroise (plus tard Saint Ambroise) qui
lui fit découvrir le néo‑platonisme. Il s'orienta alors vers
le christianisme, mais c'est dans un jardin de Milan que lui
vint la révélation. Il entendit une voix qu'il interpréta
comme celle de Dieu. Abandonnant l'enseignement, il se
retira avec quelques amis, rédigea ses premiers textes
philosophiques puis passa 3 ans de vie monastique. C'est à
ce moment que la vie d'Augustin se confondit avec son
activité de prêtre puis d'évêque d'Hippone (395).
Participant activement aux grands conflits de l'Église
d'Afrique, il produisit une œuvre immense, à la fois
philosophique et théologique. Les trois œuvres les plus
célèbres furent les
Confessions (396‑397), La Trinité
(400‑416), La Cité de Dieu (411‑426).
Convertit tardivement en 387, il devint
évêque d'Hippone en 396. Ses ouvrages, dont "La Cité de
Dieu", auront une influence considérable sur l'Église
catholique et la culture occidentale.
La fin de la vie d'Augustin fut
ténébreuse : Il vit l'effondrement de l'Empire romain
d'Occident et ce fut dans une ville assiégée par les
Vandales qu'Augustin mourut le 28 août 430 à l'âge de
75 ans
dans la colonie romaine d'Hippone
(aujourd'hui Annaba en Afrique du Nord).
|
Pourquoi ce choix Saint Augustin ?
Saint Augustin est considéré
aujourd'hui comme le père de l'église catholique mais il était avant
tout un philosophe chrétien. Pourtant, le fait essentiel de
sa biographie qui nous occupe est qu'il assista de ses yeux au
pillage de Rome par
Alaric chef des
Wisigoths le
24 août 410.
Cet épisode historique très important
et qui mis à feu et à sang Rome, a très souvent été commenté
par les historiens pour son ampleur et son impact sur les
consciences occidentales. Le butin fut tel qu'il fallut
6
jours et 6 nuits pour le rassembler. Cette prise était
d'ailleurs d'autant plus importante qu'elle devait aussi
comporter les trésors de Jérusalem pris par
Titus en l'an
70.
Voici donc un début d'explication.
Mgr Fouquet, voulant laisser une première
indication à son frère Nicolas, devait choisir un sujet
hautement symbolique mais pas trop inhabituel pour l'époque.
Le choix de Saint Augustin
est judicieux car sa présence dans une église est nullement
provocatrice. Par contre ce choix est pertinent pour deux
raisons :
Il fournit probablement une
indication sur l'origine d'un trésor fabuleux. C'est en tout
cas une très belle allégorie qui rappelle la quête de
valeurs spirituelles perdues.
Ce choix ne pouvait que choquer
Nicolas Fouquet puisque son frère
Mgr Fouquet,
étant antijanséniste et faisant parti de la Compagnie du
Saint Sacrement, il n'aurait jamais accepté de voir
dans ND de Marceille un portrait de Saint Augustin. Le but était bien
sûr d'attirer les soupçons de Nicolas Fouquet, après son
hypothétique libération, sur ce tableau.
|
Gasc se contredit... Volontairement...
Henri Gasc, dans son
opuscule, nous livre une indication précieuse sur
l'origine du tableau. Consciencieux, il
consigna dans un journal qu'il édita 3 fois, de nombreux
détails sur ces travaux. C'est ainsi qu'on peut y lire deux
versions surprenantes et différentes à propos de cette toile.
La première est publiée en
1859 :
"Il en est un (tableau) qui ne doit pas être
passé sous silence : il représente l'ermite
Saint Antoine dans une grotte éclairée par
une lampe et par un rayon de la lune; il est
d'un effet saisissant. La hardiesse du
coloris et la fermeté du dessin décèlent un
grand maître".
(Extrait Opuscule de Gasc,
première édition 1859, p56)
|
|
Gasc nous confie
donc en 1859
que le Saint Antoine serait l'œuvre d'un grand maître. Il
nous décrit sans ambigüité le tableau que nous connaissons
aujourd'hui :
un
ermite Saint Antoine dans une grotte éclairée par une lampe
et un rayon de lune. Les traits du visage et des mains montrent
effectivement une peinture d'une qualité exceptionnelle.
D'autre part la
main gauche du personnage
semble protéger un signe ou un blason cousu sur sa
robe. Il s'agit en fait d'un
T (Thau) démontrant sans
ambigüité que nous sommes bien en présence de
l'ermite Saint
Antoine. Ce symbole est également visible sur le tableau de
Teniers : "St Antoine et St Paul dans le désert", un
T
orne l'épaule droite de Saint Antoine. |
Le T (Thau) est
nettement visible sous sa main gauche
|
Or Gasc publie en
1864
soit
5 ans
plus tard, une seconde notice dans laquelle la
description du tableau est très différente :
"Ce tableau du frère Ambroise Frédeau
représentant un moine de l'ordre de Saint
Antoine de Viennois, qui, au milieu de la
nuit, paraît écouter un concert céleste :
tableau appendu dans l'église en 1684,
probablement un ex‑voto de ce religieux ou
de sa communauté qui possédait un fief dans
le territoire de Limoux."
(Extrait Opuscule de Gasc,
seconde édition 1864, "Notice sur
le pèlerinage de ND de Marceille" page 27)
|
Cette description sera reprise à l'identique dans les notices de
1876 et
1886
|
En
1864, non seulement Gasc nous donne l'auteur,
Ambroise Frédeau,
mais l'ermite St Antoine devient
un moine de
l'Ordre de Saint Antoine de Viennois qui semble écouter
un concert céleste. Autre information, le tableau
d'Ambroise Frédeau aurait été accroché solennellement en
1684, soit
4 ans
après la mort de
Nicolas
Fouquet, or il n'existe aucune trace de cérémonie.
L’Ordre St‑Antoine de Viennois n’a
jamais été présent au 17e siècle à Limoux. Il s’agit en fait
des Augustins auquel appartenait Ambroise Frédeau. L’Ordre
St‑Antoine de Viennois fut fondé à la fin du 11e siècle pour
soigner le mal des ardents, ou
"feu de
St‑Antoine", qui faisait des
ravages au Moyen Age. Si l’Ordre fut placé sous la règle des
Augustins en 1247 par le pape Innocent IV, il était un ordre
hospitalier
et non un ordre mendiant comme les Augustins : pour preuve,
à la fin du 18e siècle le mal des ardents disparaissant,
l’Ordre St‑Antoine de Viennois fut absorbé par l’Ordre
hospitalier
de Malte (ex‑Ordre des
Hospitaliers de St Jean) les
deux ordres St‑Antoine de Viennois et des Augustins ne
pouvaient donc se confondre, et Gasc ne pouvait l’ignorer …
|
L’Ordre de Saint‑Antoine
du Viennois
L'Ordre
était au départ (1095) militaire et
hospitalier mais en
1297 il fut transformé en congrégation
religieuse gouvernée par un abbé. En
1382, le comte
Aubert de Hainaut fonda à Mons, l’Ordre de Saint‑Antoine
dont le siège se trouvait non loin de Mons dans un petit
ermitage forestier appelé Barbefosse et qui avait
servi de cimetière pour les pestiférés et les contagieux. En
fait le comte de Hainaut voulait de la sorte relever l’ancien ordre militaire et hospitalier de Saint‑Antoine afin
de lancer une ultime croisade pour reconquérir
définitivement les Lieux saints. C’est leur deuxième grand
maître, Guillaume de Hainaut qui cru enfin en
1416 pouvoir réaliser le grand rêve de la
croisade, tous les princes d’Occident s’étant rangés
derrière le tau de saint Antoine. Malheureusement le comte
Guillaume IV devait mourir l’année même dans des conditions
mystérieuses et l’ordre de Barbefosse n’allait pas survivre
au gouvernement de sa fille Jacqueline de Bavière.
|
La chapelle Saint Antoine de Barbefosse au XVIe siècle
par
Jérôme Bosch
(musée de Valenciennes)
|
La
chevalerie de Saint‑Antoine‑en‑Barbefosse se fondit dans
l’Ordre de la Toison d’or et son siège qui venait
d’être rebâti et richement décoré, fut remis aux Antonins du
Viennois.
Merci à Alain Doumont pour sa
contribution au site |
Enfin le registre des
marguilliers confirme qu'un Saint Antoine a effectivement
été descendu pour différents travaux le
25 août 1684.
S'agit‑il donc d'un Saint Antoine ou d'un moine de l'Ordre
de St Antoine du Viennois ?
Nous sommes
donc en présence de deux descriptions de
Gasc
contradictoires. Nous verrons
plus loin que, preuve à l'appui, Gasc a menti délibérément
dans sa note de 1864
puisque la signature de la toile
n'est pas du tout celle attendue. Son intention était
certainement d'attirer l'attention d'un curieux sur ce
tableau. Il fallut attendre 130 ans pour que quelques
chercheurs s'intéressent finalement de près à cette œuvre.
Et pour
montrer que les historiens plus tard, puisèrent dans les
écrits de Gasc, unique référence, le Révérend
Père Migault,
missionnaire lazariste, historien du Sanctuaire, publiait en
1962
à propos de ND de Marceille : |
[...] En 1684, on suspendait un tableau d'Ambroise Frédeau,
peintre et sculpteur, né à Paris en 1589, et moine de l'Ordre de
St‑Antoine de Vienne, mort à Toulouse en 1673. Ex‑voto de son
Ordre qui possédait un fief dans le territoire de Limoux; le
tableau représente un moine, en méditation, au milieu de la
nuit, et paraissant écouter un concert céleste.
Extrait p 48 Notre Dame de
Marceille, Limoux ‑ Par le Père G. Migault |
1ère
transformation :
Un Saint Antoine de Teniers devient un
Saint Augustin
Gasc à l'origine, devina très certainement qu'un
grand maître se cachait derrière le Saint Antoine : Sans
doute un Saint Antoine de
Teniers le Jeune. En effet David Teniers peignit
d'innombrables Saint Antoine qu'il réalisait sur commande.
Il était donc très simple pour
Ambroise Frédeau de récupérer une toile et de la
transformer en Saint Augustin...
Voici donc peut‑être la première étape de la
naissance du tableau. Mgr Fouquet
passa entre 1660 et 1670 une commande d'un Saint
Augustin à Ambroise Frédeau. Ce dernier prit l'un des
innombrables tableaux Saint Antoine de
Teniers le
Jeune puis le repeignit en
Saint Augustin... Mais
cette hypothèse était valable jusqu'à la découverte
d'une certaine signature...
|
Ambroise Frédeau (1589‑1673)
Il naquit à Paris en
1589 et fut moine ermite peintre de l'Ordre
des ermites de Saint Augustin. Il passa la majeure
partie de sa vie à Toulouse ou son talent fut très apprécié.
Ambroise Frédeau travailla surtout au couvent des Augustins
de Toulouse qui est devenu maintenant "Le musée des
Augustins". Cet artiste ermite n'était pas seulement
peintre mais aussi sculpteur et miniaturiste. Une autre
particularité importante est qu'il était un excellent ami de
Nicolas Poussin.
Coïncidence malheureuse,
Ambroise Frédeau et
Mgr Fouquet, commanditaire du tableau
de ND de Marceille, moururent la même année, en 1673. La toile fut
donc exécutée entre 1660 et 1673, période à laquelle
l'évêque François Fouquet gérait seul ND de Marceille.
|
Saint Nicolas de Tolentino, bercé par
le concert des anges
par Ambroise Frédeau ‑ 1650 (musée des Augustins à Toulouse) |
Cette toile est l'une des plus connues, réalisée en
1650 par Ambroise Frédeau. Elle représente
Saint Nicolas de Tolentino,
Ermite de saint Augustin et grand thaumaturge. Il était
souvent en relation avec le monde céleste : une étoile le
guidait la nuit quand il allait à l'église et, six mois
avant sa mort, il entendit la musique des anges qui lui
donnait un avant‑goût des joies de la vie éternelle.
|
Comment est‑on sûr qu'il s'agissait
bien
d'un Saint Augustin ?
Plusieurs éléments chronologiques et
historiques confirment la présence d'un Saint Augustin,
mais cette reconstitution serait restée certainement très
théorique s'il n'y avait pas un détail fabuleux qui vint
conforter cette thèse. Par un hasard extraordinaire, il
existe une gravure de grande qualité représentant ND de Marceille
vers 1830. Cette gravure est remarquable par la
qualité du détail et de son trait.
|
Gravure de Notre de dame de Marceille
vers 1830 (de
Reynié et Certain)
|
Cette gravure, exceptionnelle par la finesse
de son tracé, fournit de nombreux détails et notamment des
informations importantes sur le fameux tableau dit
"de Saint
Antoine" ... |
Gravure de Notre Dame de Marceille vers 1830
Zoom
sur le tableau de Saint Antoine
|
Un bâton en forme de crosse épiscopale et un cœur enflammé
qui resplendit dans un halo de lumière entre les mains
ouvertes du personnage: deux éléments iconographiques qui
signent sans contestation possible une représentation
de Saint Augustin
|
|
Cette gravure offre une telle finesse dans
les détails qu'il est facile de reconnaître le Saint
Augustin caractérisé par sa canne épiscopale à
l'extrémité en colimaçon et un cœur enflammé entre ses
mains. Entre 1830 et aujourd'hui, le tableau a bien
changé d'aspect. D'autres éléments vont bien sûr confirmer
ce constat...
On ne peut non plus rester
indifférent sur cet étrange créature en haut à droite du
tableau représentant peut être une sorte de dragon ailé aux
pattes crochues. Ceci fait‑il parti des détails
que
Gasc
fit disparaître de la toile ?
De plus, cette gravure datant de
1830 et
Henri Gasc ayant été
aumônier de 1838 à 1872 à Notre Dame de Marceille, on
peut affirmer sans risque que Gasc connaissait le
tableau dans son aspect Saint Augustin... Pourquoi ne
l'a t‑il pas signalé tout simplement dans ses éditions
successives ?
Et pour ceux qui
douteraient encore
Voici un
travail numérique sur le personnage qui permet de distinguer
le cœur enflammé et la fumée qui s'en dégage. C'est en
zoomant à l'extrême, en réglant certains filtres et en
réduisant le contraste que les formes principales
s'accentuent. On distingue nettement entre les mains,
légèrement plus bas, la forme du cœur et juste au dessus une
nuée qui monte en nuage. Ce détail suffit à lui seul pour
affirmer qu'il s'agit bien de
Saint Augustin.
|
En fait le
doute provient du fait que Saint Augustin se trouve dans
une grotte et semble soumis à des tentations comme Saint
Antoine. En effet, nous verrons plus loin qu'un animal étrange
sur le coin supérieur droite surplombe le personnage. Mais tout
ceci est compréhensible si l'on suppose qu'il s'agit d'un
Saint Antoine transformé en
Saint Augustin. |
Un autre élément incontournable :
Boudet
Cette présentation ne serait pas complète si
on omettait de citer Henri Boudet. En effet,
comme d'habitude dans son livre "La
Vraie Langue Celtique",
Boudet nous suggère à demi‑mot la solution
puisqu'il nous parle justement de Saint Augustin dans
son chapitre sur les généraux de Carthage.
Après la conquête de
la Numidie par les Romains, des collèges
furent établies dans les grandes villes
africaines pour l'étude des lettres latines
et grecques : néanmoins, la langue punique
ne cessa point d'être parlée dans son
intégrité ; et ce qui le prouve, c'est le
nom punique donné vers la fin du quatrième
siècle après Jésus‑Christ, au plus grand
génie que l'Afrique ait produit, Saint
Augustin. A peine âgé de vingt‑huit ans,
possédant toutes les connaissances humaines
enseignées à cette époque, il professait
avec éclat la rhétorique à Carthage et
quelques années après à Milan où il fut
baptisé par saint Ambroise en 387.
Intelligence élevée, avide de toute science
et surtout de vérité, esprit subtil et
pénétrant, ayant une parole entraînante et
un raisonnement d'une logique inébranlable,
saint Augustin méritait certainement le nom
d'Aigle des assemblées, qu'on lui a donné
avec justice et bonheur ‑
hawk
(hâuk), faucon, ‑
hustings
(heusstings), salle d'assemblée.
(Extrait de "La
Vraie Langue
Celtique" page 98 de Boudet)
|
Voici un belle exemple de la
cryptologie de Boudet, mais il faut reconnaître
qu'elle ne devient claire que lorsque l'on a, au préalable,
compris ses allusions.
Si l'on extrait les expressions
importantes de ce texte il faut retenir :
Saint Augustin, Ambroise,
vérité, intelligence élevée, esprit subtil,
aigle des assemblées, salle d'assemblée... |
Il est inutile de revenir sur les mots
Saint Augustin,
Ambroise ou
vérité qui paraissent maintenant évidents. Pour
le reste il faut savoir qu'il existe un superbe
aigle sous l'orgue de Notre Dame de Marceille
et qui surplombe
l'assemblée des paroissiens. Un
esprit
subtil et une
intelligence élevée sont évidemment nécessaires
pour comprendre tout son sens...
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L'aigle de Boudet à ND de Marceille |
Et le Saint Augustin
de Valcros ?
Il se trouve que si l'on étudie la
chronologie et l'histoire de quelques artistes du XVIIe
et du XVIIIe siècle, un lien existe entre
le Saint Augustin de NDM et celui de Valcros. Ce lien
existerait par l'entremise de Simon Vouet, grand
peintre français du XVIIe, qui aurait été le maître d'Ambroise
Frédeau.
Or
Jean Mariette (1660‑1742)
qui aurait peint le
Saint Augustin de Valcros, serait issu, d'après
Alfred Weysen,
d'une famille d'initiés descendant de
Simon Vouet.
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Simon Vouet
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Mais, ce n'est pas tout. Un autre artiste
peintre de la même époque que Jean Mariette
serait aussi issu de la famille de
Simon Vouet. Il s'agirait de
Jean‑Baptiste Corneille (1649‑1695), or
Mariette et Corneille sont originaire de la même région
du sud de la France, la Provence. Il est donc très
facilement imaginable que ces artistes se soient inspirés
d'une œuvre telle que le Saint Augustin de NDM.
Simon Vouet (1590‑1649)
séjourna en Italie entre 1615 et
1627. Il côtoya les grands mouvements de la peinture
italienne de l'époque, le naturalisme caravagesque, et les
couleurs vénitiennes. De retour à Paris, il fut àla tête d'un important
atelier de peinture et travailla dans un style italien et
baroque pour la cour de Louis XIII et Richelieu. Mais il se
heurta au talent de
Nicolas Poussin à partir
de
1640 pour se rapprocher de son classicisme.
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Enfin voici peut‑être la version
originale. Le tableau qui fut à l'origine de tant
d'inspiration : "L'inspiration de Saint Mathieu"
réalisé en 1602 par Caravaggio, Michelangelo Merisi
(1573‑1610) dit
Le Caravage. On retrouve
très nettement cette même composition en diagonale et la
même position du sujet.
Michelangelo Merisi, dit Le Caravage
naquit en 1573 à Caravaggio. Il vint à Rome à 15 ans,
luttant contre la misère et une santé précaire. Moins de 10
ans plus tard, il devint célèbre et protégé par des mécènes
illustres et puissants. Mais son tempérament colérique et
violent lui valut aussi de nombreux problèmes avec la
police. Les querelles, les rixes, les affaires de mœurs et
surtout ses poussées de violence feront de lui un assassin
en 1606. Condamné à mort, il dut fuir de Rome vers Naples, Malte et la Sicile. Il fut alors victime d'une agression et
tenta de retourner à Rome. Il mourut
en 1610 sur le chemin du retour,
officiellement de la malaria, mais les
circonstances exactes restent inconnues.
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L'inspiration de Saint Mathieu
par le Caravage 1602
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Sa peinture
se caractérise par le traitement contrasté de la lumière qui
dramatise le sujet. Le naturalisme avec lequel l'artiste
traita les scènes religieuses suscita l'indignation du
clergé. Le Caravage fut sans doute l'un des plus grands
maîtres de l'histoire et son art fut repris et copié dans
toute l'Europe.
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2ème
transformation :
Le Saint Augustin redevient un Saint Antoine
Pour comprendre cette nouvelle étape,
il faut revenir sur les deux éditions de
Gasc
"Il en est un (tableau) qui ne doit pas être
passé sous silence : il représente l'ermite
Saint Antoine dans une grotte éclairée par
une lampe et par un rayon de la lune; il est
d'un effet saisissant. La hardiesse du
coloris et la fermeté du dessin décèlent un
grand maître".
(Extrait Opuscule de Gasc,
première édition 1859, p56)
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Dans la première édition de
1859,
Henri Gasc nous décrit un tableau de
Saint Antoine ermite en suggérant qu'un grand maître
en serait l'auteur (sans doute Téniers le Jeune). Une lampe et la lune
éclairent la scène. Cette description
correspond au tableau actuel.
Mais l'édition de
1864 change de ton.
Gasc
nous explique maintenant que la scène se déroule au
milieu de la nuit et que le personnage, moine de l'Ordre de
Saint Antoine de Viennois, paraît écouter un concert céleste.
La lampe aurait donc disparue
ainsi que l'ermite de Saint Antoine ?
Il existe donc une belle
contradiction.
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Le tableau Saint Antoine visible
aujourd'hui à ND de Marceille
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"Ce tableau du frère Ambroise Frédeau
représentant un moine de l'ordre de Saint
Antoine de Viennois , qui, au milieu de la
nuit, paraît écouter un concert céleste :
tableau appendu dans l'église en 1684,
probablement un ex‑voto de ce religieux ou
de sa communauté qui possédait un fief dans
le territoire de Limoux."
(Extrait Opuscule de Gasc,
seconde édition 1864,
"Notice sur
le pèlerinage de ND de Marceille" p27)
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Henri Gasc
aurait‑il, durant son poste d'aumônier à ND de Marceille,
retouché lui‑même le Saint Augustin en un Saint Antoine
puisqu’il est prouvé qu’il était artiste peintre ? C'est cette transformation,
effectuée certainement entre
1859 et
1864 (les deux dates des éditions de son
opuscule) qui aboutira à la version du tableau telle
que nous la connaissons aujourd'hui.
Cette restauration est d'ailleurs
fortement suggérée par l'analyse visuelle du tableau. En effet, non
seulement toute la partie du coin supérieur droit est
exagérément noire et bitumée, mais des marques de reprises
de peintures sont visibles et grossières à certains
endroits.
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Pourquoi Gasc a t‑il procédé à cette restauration ?
Sans aucun doute pour atténuer
certains effets ou tout simplement pour cacher certains
détails trop limpides. Gasc
trouvait sans doute le tableau trop lisible, trop
déchiffrable et il préféra reprendre le codage laissé par
l'évêque de Narbonne à l'attention de son frère
Nicolas
Fouquet dans le cas ou ce dernier serait libéré.
C'est ici qu'intervient une fabuleuse
enquête menée par
Franck Daffos et qui montre à quel point
Henri Gasc joue de son sens du cryptage. A ce propos, ce
pourrait‑il que Boudet est eu comme
professeur de cryptologie Henri Gasc ?
1er
indice :
"Ce tableau du
frère Ambroise Frédeau représentant un moine de l'ordre de
Saint Antoine de Viennois, qui, au milieu de la nuit, paraît
écouter un concert céleste."
Le tableau le
plus important d'Ambroise Frédeau est comme par
hasard
"
Saint Nicolas de Tolino, bercé par le concert des anges"
de 1650. Voici donc ce fameux concert céleste qui
serait en fait la musique des anges que
Saint Nicolas de
Tolino entendait la nuit, six mois avant sa mort.
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2ème
indice :
Ce tableau représente Saint Nicolas de Tolentino, ermite de
Saint Augustin, écoutant le concert céleste. Ce lien "Saint Augustin" que nous dévoile
Gasc confirme que cette piste est la bonne.
3ème
indice :
De quel endroit, dans une
église, la musique céleste peut‑elle provenir ? Bien sûr
d'un clocher. Or, on peut lire sur la cloche de NDM :
Sancte Augustine,
ora pro nobis, 1667
qui se traduit par :
"Saint Augustin, priez pour nous"
et la date de
1667
nous rappelle que ce fut l'évêque de Narbonne
François Fouquet qui le premier mis en place ce cryptage.
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Saint Nicolas de Tolino,
bercé par le concert des anges
par Ambroise Frédeau 1650
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Il reste toutefois à comprendre ce que
Gasc voulut à tout prix cacher dans le coin haut droit
du tableau de Saint Augustin. Une hypothèse aurait pu
être la représentation de
la cloche "Saint Augustine" de
NDM, mais il faut bien reconnaître que la
fabuleuse précision de la gravure nous fait découvrir tout
autre chose.
On y voit en fait un étrange animal,
mi chauve souris, mi dragon, et aux pattes crochues.
Ce symbole fut en tout cas jugé trop
direct et trop révélateur par
Gasc.
Il faut dire que si certains symboles
évoquent sans problème Saint Augustin, d'autres rappellent plutôt
David Téniers et ce monstre est un indice très
révélateur. N'oublions pas que ce
Saint Augustin fut
probablement au départ un Saint Antoine de Téniers...
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Un animal étrange plane au dessus
de Saint Augustin
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Si on observe plusieurs
Saint Antoine classiques de
David Téniers,
on s'aperçoit qu'il existe un bestiaire du monstre. Chauve
souris, poissons, chimères, animaux mi‑humains, etc...
On retrouve d'ailleurs cette faune
dans de nombreuses peintures hollandaises de la même époque
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Saint Antoine de David Teniers le
jeune
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Dans cet exemple de
Téniers voici un monstre qui est dans la même
lignée que la
chimère de
Notre Dame de Marceille.
Il faut dire qu'un tel monstre
pouvait certainement choquer les visiteurs devant un tableau mi‑Saint
Antoine, mi‑Saint Augustin. On peut alors facilement comprendre
pourquoi Gasc remania la toile car son objectif était
tout de même d'être discret...
Mais il y a
aussi une gravure qui pourrait expliquer quelques origines
du monstre.
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Saint Antoine de David Teniers (détail)
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La tentation de Saint Antoine 2e
version par Jacques
Callot 1634 |
Voici une
gravure de Jacques Callot en 1634 et qui décrit une scène
apocalyptique des tentations de Saint‑Antoine. En haut de la gravure,
un dragon
ailé sème la terreur. On devine bien sûr l'origine du
monstre dessiné sur la gravure de ND de Marceille. On peut donc
affirmer qu'il ne s'agit pas d'une fantaisie de l'artiste mais
bien d'une inspiration d'une toile qui a bien existée. Le
monstre énigmatique de ND de Marceille serait donc
un dragon
ailé. En
résumé nous aurions sur cette gravure dessinée par Reynié et
Certain, un Saint Augustin en prise
avec une tentation de Saint Antoine et qui daterait d'au moins
1634.
Callot, maître graveur, fut un contemporain de
Téniers le Jeune. On peut donc
facilement imaginer que ce dernier fut influencé par le génie
inventif du graveur. D'ailleurs en
1625 Callot réalise une
importante commande pour la gouvernante des Pays‑Bas,
Isabelle‑Claire‑Eugénie, sur le siège de Bréda. Il séjournera
alors en Hollande où il rencontrera
Antoine Van Dyck qui
fait son portrait.
Jacques Callot
(1592‑1635) est un dessinateur graveur lorrain spécialisé dans
la gravure à l'eau forte. Il réalisa notamment une série de
dix‑huit eaux‑fortes intitulée Les Grandes Misères de la guerre,
évoquant les ravages de la Guerre de 30 ans. Il est considéré
comme l'un des maîtres de l'eau forte caractérisé par la netteté
de son trait. Il est à l'origine d'une immense œuvre extrêmement
variée et sa production rappelle celle de Téniers le Jeune. On
ne connait par contre aucune toile de lui. |
4ème
indice :
Pour le trouver il faut se référer à
un autre passage extrait de l'opuscule de
Gasc, version
1876 :
"La chaire, pratiquée dans le mur comme une
lanterne des anciens palais de justice"
(Extrait Opuscule de
Gasc, troisième édition 1876, p26) |
Si on rapproche cet extrait de
Gasc
avec celui de
Boudet cité plus haut, un mot commun apparaît... Le mot "Justice" qui se
retrouve associé à "La chaire".
"... Saint Augustin
méritait certainement le nom d'Aigle des
assemblées, qu'on lui a donné avec justice et
bonheur ‑ hawk
(hâuk), faucon, ‑
hustings
(heusstings), salle d'assemblée.
(Extrait de "La vraie langue Celtique" p98) |
Voici donc ce que
Gasc et
Boudet
voulaient nous indiquer :
La chaire.
Il faut d'ailleurs souligner que deux indices viennent
confirmer cet endroit :
Le tableau de
Saint Antoine est placé exactement
en face de
la chaire
Du clocher part un escalier à vis
rejoignant
la chaire
Mais il faut aussi savoir que
Gasc
a durant ses travaux d'embellissement remplacé et réaménagé
la chaire. On voit très
nettement sur la gravure de
1830 la différence entre la chaire d’aujourd’hui et
celle de l’époque.
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Que cache la chaire ?
Tant qu'une découverte concrète ne
vienne pas conforter les plus belles déductions, ces
dernières restent théoriques et sans grandes valeurs.
Ce n'est heureusement pas le cas ici.
La chaire indique effectivement un emplacement très
particulier dans le sanctuaire, Celui d'un accès secret à
une crypte. Il existe en effet une pièce secrète sous la
chaire, accessible grâce à une trappe cachée dans le
plancher.
(La présence de cette cache a été confirmée
officieusement par la visite d'un passionné en 2005)
On comprend alors tout le sens des
mots qu'a voulu nous souffler
Boudet :
Saint Augustin, Aigle, Justice et
Bonheur...
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La chaire en 1850 (extrait de la
gravure)
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Il est maintenant amusant de lire la
présentation officielle faite par
l'association diocésaine, propriétaire
des lieux. Pas un mot bien sûr du Saint Augustin ou
de Monseigneur
Fouquet...
On remarquera la
présentation de la chaire aujourd'hui, qui est extraite,
sans le dire, de l'opuscule de
Henri Gasc de
1876,
et de l'Augustine...
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Partie d'une présentation adressée au
public
à Notre Dame de Marceille
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